dimanche 27 septembre 2009

Apologie de la race française, VI-2 : le réduit hexagonal.

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Apologie I.

Apologie II.

Apologie III.

Apologie IV-1.

Apologie IV-2.

Apologie IV-3.

Apologie V.

Apologie VI-1.


Cela fait des mois que j'ai l'intention de la retranscrire, voilà donc, pour continuer à assembler les morceaux du puzzle de notre belle nation, la conclusion - déjà citée en partie ici - du Voyage au centre du malaise français de Paul Yonnet (1993).

"C'est en France que le phénomène du néo-antiracisme a été le plus marqué, dans ses manifestations de masse, par ses effets politiques et administratifs. La France est la seule grande puissance où le mythe et l'utopie que nous avons décrits ont envahi l'appareil d'État et obtenu une telle influence dans les réseaux de pouvoir. Mais, tout d'abord, c'est qu'ils sont reliés, objectivement ou subjectivement (je pense notamment à la tentative de rapporter l'espèce de dissolution de la nationalité française proposée par l'antiracisme à un idéal républicain), aux grands soubresauts qui marquent l'histoire de France depuis 1789, et qui, de dons de la France au monde en dons de la France à l'humanité, ponctuent en la maquillant hyperboliquement d'un devoir d'universalisme la lente mais inexorable perte de puissance de ce pays. Si le néo-antiracisme est tellement puissant en France, pour aller rapidement à la synthèse, c'est en raison d'une accumulation unique de traits historiques. C'est en France qu'à la fin des années 1960 le soulèvement de la jeunesse étudiante autour d'idéaux et d'utopies révolutionnaires a déjà été - de tous les pays industrialisés - le plus explosif. D'autre part, comparée à la Grande-Bretagne, aux États-Unis, à l'Italie ou à l'Allemagne - qui avaient tous été dans un camp ou l'autre, mais le savaient -, la France était la seule à entretenir un roman de son passé durant la Seconde Guerre mondiale qui en gommait ou en travestissait pour le moins l'équivoque réalité. Un pays vainqueur mais vaincu, et libéré pour l'essentiel par l'action de puissances étrangères ; une France non belligérante après l'armistice et n'ayant pas commis le crime ultime de rentrer en guerre contre ses anciens alliés, mais collaboratrice ; les trois quarts des juifs résidant en France sauvés, mais l'organisation d'un antisémitisme d'État qui a conduit à livrer pour le pire le quatrième quart à l'ennemi, et à « aryaniser » l'économie ; une France résistante mais tardivement, sous la pression allemande (S.T.O.), à la fois hyperactive et hyperpassive, divisée entre vichystes, collaborationnistes, régionalistes, européanistes, attentistes, communistes, gaullistes, résistants armés, résistants opposés à l'action armée, anticommunistes collaborationnistes, anticommunistes résistants... : un régime de l'État français autoritaire, composant avec le nazisme, mais se distinguant d'un régime à proprement parler fasciste, et d'ailleurs objet de la critique et du mépris constants des fascistes français ; des Français encore traumatisés par la saignée de 1914-1918, qui rêvaient de paix et de confraternité rurale dans un univers proche de la guerre totale : tableau impitoyablement livré par l'enchaînement des circonstances, l'histoire du demi-siècle, la géopolitique, tableau moins reluisant que celui que propose le roman national épique appliqué à la période, qui constituait bel et bien, plus que la pesanteur de comportements économiques et la pratique politique de la Ve République, le talon d'Achille du pays au crépuscule de cette décennie 1960. L'enclenchement du processus [d'expansion du néo-antiracisme] et de sa force résultent du rapprochement de l'échec du mouvement de mai 1968 et de cette mémoire biaisée, exagérément avantageuse. Double dépérissement, donc, le premier entraînant le second : comme dans le règne végétal, le fruit touché contamine au contact d'un autre. Les révolutionnaires de mai 1968 ne cessaient de rechercher en quoi la France était « le maillon faible du capitalisme mondial ». C'est la faiblesse du roman national qui en faisait un maillon faible de la chaîne occidentale. De mai 1968 à l'antiracisme des années 1980, la France - « gardienne des beaux désordres », comme l'écrivait Jacques Chardonne - continue d'évoluer en crête en raison d'une configuration de traits spécifiques, qu'elle est la seule à additionner, et qui permet de comprendre l'inscription singulière de l'antiracisme dans ce pays.

On ne peut préjuger des itinéraires individuels, car on ne peut prévoir ni les circonstances ni les personnes. Les internationalistes antimilitaristes du début du siècle se sont du jour au lendemain rendus aux arguments de l'Union sacrée, en 1914. Peut-être verra-t-on les anciens leaders de S.O.S Racisme tomber au champ d'honneur patriotique (en l'espèce, aussi, un champ d'humour) pour bouter quelque envahisseur étranger hors du sol natal.


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On en a vu d'autres. Si l'on ne peut pas plus dessiner l'avenir collectif, nous pouvons en revanche avancer qu'il ne s'élaborera pas hors du cadre suivant.

Premièrement, il n'y a plus aujourd'hui de roman national français. Le droit-de-l'hommisme à vocation universaliste y est d'autant moins substituable que la France est réputée avoir presque constamment manqué au respect des grands principes. Les perspectives d'intégration des nouveaux Français en sont concurremment affaiblies. D'autant plus que le grand couple adverse du marxisme et de la catholicité, qui offrait des pentes identificatoires subsumant les buts endogènes des groupes particuliers et déliaient des soudures d'origine, ce grand couple qui ménageait des voies pluralistes d'accès à la nationalité française - une nationalité réelle et non pas seulement de forme juridique - est à présent dans l'incapacité, de fait ou de volonté, de jouer ce rôle par le moyen de ses appareils et de ses structures. Au surplus, une France qui a autodétruit son roman national entre dans une Europe qui n'est pas près d'en avoir un, autonome. Mémoire en berne, panne d'idéaux, désert d'espérances collectives : terrain propice au développement de laxités micro ou médio-identitaires cherchant à devenir grandes. [Les idées sont là, mais quel charabia par moments...]

Deuxièmement, le roman national - devenu difficile, stigmatisé par le nouvel ordre moral - se reconstitue sur un terrain apparemment non politique, celui de l'identité culturelle. La culture exprime l'identité française là où la politique menée lorsque la France était une grande puissance ne peut plus opérer, n'a plus de faculté d'expression. Moins il y aura de Nation, plus il y aura de recours à l'Identité française, une identité-mode de vie, ethnographique, sacralisée en même temps que muséographiée. Il faut s'attendre à des décompensations identitaires du type de celle qui a été enregistrée à propos de l'orthographe [la célèbre querelle sur la réforme de l'orthographe lors de la Guerre du Golfe]. Les Français défendront le reblochon au lait cru et l'andouillette odorante, face à la machine administrative et parlementaire de l'Europe, dont les hygiénistes de toute obédience ne manqueront pas de se servir pour dissoudre un peu plus les solidarités culturelles de base et, par là-même, la sociabilité des groupes élémentaires, comme ils ont défendu l'Empire. Pour finalement tout lâcher d'un coup, mais en entonnant une vibrante Marseillaise célébrant la grandeur de cet abandon : il suffit de trouver le personnage.


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J'y reviendrai : peut-être fallait-il, ou faut-il, trouver plutôt plusieurs « personnages ». Quoi qu'il en soit, ce paragraphe est tout à fait remarquable.

Il est probable que l'entrée en vigueur de l'accord de Maastricht, si elle a lieu - la campagne du référendum français débutait alors que cet ouvrage était pour l'essentiel terminé -, ou, de toute façon, la poursuite de l'unification européenne, accentuera cette dichotomie entre Nation politique et Identité-mode de vie. Plus les États-nations délégueront de prérogatives politiques à l'échelon européen, plus ils abandonneront de leur souveraineté propre, et plus le concept d'identité prendra d'importance. On notera d'ailleurs, ce qui ne saurait surprendre, l'acharnement mis par les défenseurs du traité de Maastricht, qui - symptomatiquement - élude la notion de nation pour mieux promouvoir et organiser un pouvoir des régions, à souligner que les transferts de souveraineté n'entameraient en rien l'identité française. D'ores et déjà, l'identité a remplacé la nation dans le discours politique des partisans d'une Europe supranationale. Il n'est que de se référer à l'un de ses plus ardents défenseurs, Valéry Giscard d'Estaing, aussi porté à vouloir accélérer la constitution des États-Unis d'Europe qu'il est inquiet du destin de l'identité française... J'invite à méditer sur une contradiction croissante : celle qui voit, tant à droite qu'à gauche, les responsables prendre ou approuver des mesures de « dénationalisation » et de levées des frontières de l'Hexagone, tout en attirant l'attention des opinions sur les risques d'invasion étrangère - quand ils n'appellent pas, purement et simplement, à la mobilisation de celles-ci derrière des slogans de moins en moins applicables dans le cadre hexagonal. Nous sommes entrés, en un mot, dans une période où ce n'est plus l'existence de la Nation politique qui excite l'agressivité de groupe - sous des formes qui allaient du patriotisme de défense à l'ambition impériale -, mais où, au contraire, c'est la disqualification, la déplétion et l'impossibilité de la nation politique qui font le lit des identitarismes (nationaux, ethniques [sexuels] ou de communauté). Encore que la xénophobie soit un phénomène en soi tout à fait indépendant de l'idée de nation, l'histoire moderne est marquée par l'apparition de formes politiques et idéologiques particulières, développées en relation avec l'exacerbation des sentiments nationaux ; nous avions, pourrait-on dire en somme, la xénophobie et le racisme car nous avions la Nation : craignons d'avoir la xénophobie - des xénophobies de tout calibre et de toutes origines - et le racisme, car nous n'aurons plus la Nation (donc : si nous ne l'avons plus et à mesure que nous ne l'aurons plus). Si tant est que l'identité, c'est ce qui reste quand on a « oublié » la nation, craignons d'assister à la cristallisation des attitudes qui répondront à la désorganisation et au démantèlement de l'ancien système.


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Troisièmement, l'antiracisme veut dissoudre la France dans le monde et, sans attendre, faire du réduit hexagonal le laboratoire chimérique d'une nouvelle Cybère panethnique. Cette utopie longtemps cautionnée par les pouvoirs publics, voire un par « État de droit » favorable, heurte de plein fouet les deux traditions de l'assimilation française : l'individualiste républicaine et la communautariste autoritaire."

Voyage au centre du malaise français, pp. 304-309. Je n'ai pas reproduit la suite, en l'occurrence le dernier paragraphe du livre. Sur la tradition « communautariste », pas de contre-sens : il s'agit me semble-t-il d'une allusion aux « familles » marxiste et catholique évoquée dans cette longue citation, il ne s'agit pas, en tout cas, des communautarismes actuels.

Ceci posé, quelques commentaires.

"Le roman national se reconstitue sur un terrain apparemment non politique, celui de l'identité culturelle. La culture exprime l'identité française là où la politique menée lorsque la France était une grande puissance ne peut plus opérer, n'a plus de faculté d'expression. Moins il y aura de Nation, plus il y aura de recours à l'Identité française, une identité-mode de vie, ethnographique, sacralisée en même temps que muséographiée." J'avais abordé cette phrase importante sur la Nation et l'Identité sous l'angle des relations entre les Français, leur passé, leur présent, leur avenir : la retrouver dans son contexte invite à faire le lien avec la situation politique française. Démêlons les fils.

Patriotisme, nationalisme, chauvinisme... on peut utiliser des termes connotés plus ou moins négativement, on ne sortira pas je crois de ces vérités :

- il faut un minimum de cohésion entre les membres d'une communauté, et dans ce minimum est inclus une part d'auto-promotion, d'autosatisfaction, de gloriole ;

- libre à chacun, au sein de cette communauté (et à l'extérieur de cette communauté, mais ce n'est pas notre sujet), de détester, mépriser, critiquer cette part d'autosatisfaction. On remarquera au passage que ces critiques peuvent aussi bien signifier une volonté d'amener la communauté à s'améliorer - en la poussant à être plus conforme aux idéaux qu'elle proclame - qu'un souhait plus ou moins conscient de la dissoudre - en établissant qu'elle n'a jamais été et ne sera jamais capable d'être à la hauteur de ses idéaux ;

- quoi qu'il en soit de ce deuxième point, qui mérite certes plus d'une digression, la part d'autosatisfaction devient, ou devrait devenir, non seulement critiquable, mais presque complètement ridicule et absurde quand elle n'a pas, ou plus, ou presque plus de rapports avec la réalité politique dans laquelle baigne la communauté en question.

Le problème, pour ce qui nous concerne, est donc moins de savoir si la France est un beau pays, si elle doit rougir ou se glorifier de son histoire, si les Français sont sympathiques, racistes, travailleurs, alcooliques, râleurs grincheux ou contestataires lucides et anticonformistes, trop ou pas assez sportifs, bons baiseurs ou gros branleurs ; il n'est même pas de savoir s'ils sont définitivement américanisés, manoeuvrés par les réseaux sionistes ou bientôt complètement arabisés-africanisés-islamisés (ces possibilités ne s'excluant d'ailleurs mutuellement pas). Le problème, c'est que toutes ces questions, futiles ou intéressantes, ne sont que trop rarement intégrées à la perspective d'ensemble qui pourtant les impose à notre attention : cette perspective n'est pas celle du déclin français, qui est, justement, une question identitaire, cette perspective est celle du pouvoir politique effectif de la France dans le monde d'aujourd'hui. Que ces deux questions ne soient pas sans rapport est évident, mais cela ne signifie pas qu'elles se confondent, et cela n'empêche pas l'une d'avoir préséance aussi bien principielle que chronologique sur l'autre. Reformulons donc ainsi la phrase de Paul Yonnet : ce n'est pas parce que la France a des problèmes identitaires qu'elle fonctionne moins bien et pèse d'un poids moins significatif dans l'évolution globale du monde, c'est parce que son poids dans l'évolution globale du monde diminue que les questions qu'elle se pose sur son identité prennent une telle acuité.

(Une digression : la France est loin d'être le seul pays dont « le poids dans l'évolution globale du monde diminue », c'est le cas de la plupart des nations majeures, Russie incluse. Je ne peux aborder cette question aujourd'hui, mais il faut garder en tête que nous sommes loin ici de nous situer dans une « exception française ».)

Encore une fois, il ne s'agit pas de nier certaines évolutions ou certaines réalités désagréables. Mais si l'on n'a pas conscience de cette préséance - que l'on retrouve d'ailleurs après 1870 et dans l'entre-deux-guerres, de même que, mais à l'inverse, dans les années 60, où les immigrés n'avaient pas disparu du pays mais gênaient moins que dans les périodes précédentes - du politique sur le culturel et « l'identitaire », non seulement on se trompe, mais on risque fort d'accélérer ou de contribuer à accélérer ces évolutions que l'on juge négatives.


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L'acharnement de l'homme politique moderne contre la France. Allégorie de Lang (Fritz, pas Jack), 1956.

- à suivre, démonstration et exemples à l'appui...

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samedi 26 septembre 2009

J'aime le monde.

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Le vrai, pas le journal, même si le premier contient, entre autres nombreux désagréments, la Techno Parade, et même si le second nous livre à ce sujet un réjouissant récit :


"Des bandes organisées de jeunes ont violemment perturbé la Techno-parade.


La fête a été gâchée. Samedi 19 septembre, la Techno-parade, rendez-vous des amateurs de musique électronique, a dû se disperser dans les rues de Paris une heure avant la fin prévue par les organisateurs. En queue du cortège qui a rassemblée 400 000 personnes, 100 000 selon la préfecture, des bandes de jeunes ont agressé les participants. Une grande discrétion a entouré ces incidents. Or, des policiers présents disent avoir été marqués par le caractère très organisé des violences commises.

En 2007 et en 2008, la Techno-parade, comme d'autres évènements festifs, avait déjà été la cible de bandes violentes. Cette fois, la police, tous services confondus, a procédé à 95 interpellations, soit quatre fois plus que l'année précédente. Mais surtout, les perturbateurs semblaient répondre à une tactique précise. "A partir du pont de Sully, des bandes organisées s'en sont pris aux gens, déplore Sophie Bernard, directrice de Technopole, l'association qui gère la manifestation. En accord avec la préfecture, nous avons donc pris la décision d'écourter."

Parmi ces perturbateurs, beaucoup de jeunes Noirs portaient un signe distinctif, une casquette blanche, une capuche ou un vêtement de couleur blanche. Ils sont visibles sur les vidéos amateurs qui circulent sur You Tube, récupérées et exploitées depuis par des sites d'extrême-droite. Ces images, prises notamment au pont de Sully, puis à partir des marches de l'Opéra Bastille, montrent des individus, souvent coiffés de casquettes blanches, s'immiscer violemment dans le cortège, frapper les participants et refluer au pas de course. Les rapports transmis à la hiérarchie policière n'insistent pas sur la présence d'un signe de reconnaissance entre agresseurs. Mais plusieurs policiers assurent avoir été confrontés à des jeunes qui agissaient en "groupes structurés, avec un chef qui désignait les objectifs".

"Cette année, c'était flagrant, ils étaient par groupes de 30 ou 40 en formation serrée", témoigne Lionel Azoulay, responsable de la société Blocks qui assure la sécurité des chars de la Techno-parade depuis son origine, en 1998. Il était sur place avec ses 180 agents de sécurité porteurs de T-shirt orange, qui se sont parfois affrontés aux jeunes. "Certains criaient 9-3 ! 9-3 !, d'autres 9-4 !, 9-4 ! et ils ne se sont pas tapés entre eux", poursuit M. Azoulay.

"PAS DE DÉGÂTS"

"Ils ont effectivement crié des numéros de département comme un signe de ralliement mais je ne pense pas qu'il y avait une organisation, nuance Jean-François Demarais, directeur de l'ordre public et de la circulation (DOPC) de la préfecture de police. Ce n'était pas des casseurs au sens classique, il n'y a d'ailleurs pas eu de dégâts sur le parcours ; plutôt des jeunes venus faire de la « dépouille »." Parmi eux, quelques uns "avaient des sacs en plastique avec dix téléphones portables à l'intérieur".

Existerait-il une bande organisée qui se reconnaîtrait par un signe distinctif blanc ? Du côté de la SDIG (les anciens renseignements généraux), on indique travailler effectivement sur des "signes de reconnaissance" dans les bandes, "comme deux doigts tendus en forme de pistolet, mais pas encore sur une couleur blanche". L'association Technopole, qui s'apprête à communiquer sur ces violences, devrait bientôt rencontrer la préfecture de police." (Isabelle Mandraud)


"La fête a été gâchée...", quel pied ! Remarques en vrac au fil du texte :

- "Une grande discrétion a entouré ces incidents." : pourquoi ? Pour ne pas attiser de haines raciales, par peur que les jeunes n'osent plus aller dans de tels défilés de perdition, ou parce que c'est vraiment la honte ?

- "...les vidéos amateurs qui circulent sur You Tube, récupérées et exploitées depuis par des sites d'extrême-droite" : méfions-nous des raccourcis du Monde concernant l'extrême-droite, mais les sites dits identitaires sont effectivement friands de ce genre d'images. Malheureusement, pour eux comme pour nous, les jeunes « issus de l'immigration », aussi cons que les blancs, sont nombreux dans ce genre de manifestations


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, et c'est bien regrettable. Tant pis pour eux, tant mieux pour nous, ils ont dû aussi se faire casser la gueule. Il est en tous cas amusant de voir des sites qui râlent sur la décadence française s'offusquer de ce que des Français (eh oui !) viennent perturber une telle manifestation de décadence ;

- "Ils ne se sont pas tapés entre eux..." : pas si cons, tout de même... bel aveu ceci dit, tant qu'ils se "tapent entre eux", tout le monde s'en fout. Ce qui il est vrai n'est pas anormal, car en de telles occasions ils se révèlent tout de même assez cons ;

- la « dépouille », "des sacs en plastique avec dix téléphones portables à l'intérieur" - bien que Le Monde ne soit pas très clair sur le sujet, c'est évidemment la fausse note dans cette histoire. Si, cette fois-ci, il n'y a pas lieu d'être choqué par le côté « meute » - la Technoparade est elle-même une meute, de bien plus grande importance, et ceux qui sont si contents d'y participer en nombre n'ont qu'à se défendre ; et puis, si on veut prendre le pouvoir dans la rue, il faut l'assumer, et affronter ceux qui ne sont pas d'accord... -, on peut regretter ces vols, qui font un peu tache, même s'ils ne semblent pas être la motivation première des combattants du 9-3 et du 9-4 ;

- un peu de politique pour finir : la « racaille » fait ici le boulot que devraient faire les prolos « classiques ». Je sais bien qu'il n'y en a plus beaucoup à Paris et qu'ils ont d'autres chats à fouetter, mais ils devraient comprendre que le monde qui quotidiennement les encule est le même que celui de la Technoparade, et qu'une bonne leçon de choses et de luttes des classes ne fait de mal à personne, surtout pas à la racaille - la vraie, sans guillemets - qui aime à défiler de la sorte (et à s'enfiler le soir, mais passons). J'y pensais au sujet des séquestrations de patrons : Popu est trop gentil en ce moment, Popu fait trop dans le symbole inoffensif - ce qui ne lui évite ni de se faire engueuler ni de se faire niquer -, Popu a du mal à assumer le fait qu'il peut ne pas être sympathique, qu'il n'est pas obligé d'être sympathique - ce qui n'est pas franchement le problème des jeunes du 9-3... Je ne suis pas en train de réclamer que les ouvriers lynchent leurs patrons : simplement, tant qu'ils n'oseront pas gêner vraiment, il n'y a pas de raisons que les riches se gênent, eux ;

- pas de femme nue ou déshabillée pour conclure (vous allez finir par ne venir ici que pour ça), mais le mot de la fin, par un ami de 93 ans - « 9-3 » ans, oui -, facho et antisémite comme il n'est pas permis, à qui je montrais hier cet article, me demandant ce qu'il en penserait. Après quelques instant de réflexion, il conclut sagement : "Heureusement, en France, nous avons toujours eu de très bonnes troupes coloniales."


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- ce qui laisse Max Roach perplexe... (Photo piquée chez Tom, comme d'habitude.)

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mercredi 23 septembre 2009

Bonnes actions et bonnes affaires : Apologie de la race française, VI-1.

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Apologie I.

Apologie II.

Apologie III.

Apologie IV-1.

Apologie V.




Voici quelques extraits du livre de Pierre Boutang, La terreur en question, publié en mai 1958, dans lequel l'auteur s'efforce de situer la question de la torture en Algérie dans un contexte global : que peut faire l'armée, que veut le pouvoir politique, qui dénonce la torture et pourquoi, que veut et que fait le FLN, etc. Précisons pour éviter tout malentendu et parce qu'il semble que ce livre ait une réputation sulfureuse, que l'auteur n'y défend d'aucune manière la pratique de la torture.

Pourquoi, hors du simple intérêt qu'il peut y avoir à faire connaître de beaux textes, choisir ceux-ci, et les inclure dans mon « Apologie » ? Il se trouve qu'au cours de l'élaboration de celle-ci, si j'ai peu à peu clarifié mes idées sur certaines tendances que l'on peut sans exagération ni « diabolisation » qualifier d'anti-françaises au sein de nos « élites » (tendances qui devaient à l'origine constituer le sujet du troisième volet de cette série), je me suis aussi aperçu que l'on ne pouvait décrire avec la précision nécessaire ces traîtres et ces traîtrises si l'on ne mettait pas au point, dans le même temps, certains principes sur ce que peut être la critique de son propre pays. Où s'arrête la critique, où commence la félonie ? Il ne peut y avoir sans doute de réponse univoque à une telle question, mais cela n'empêche pas, au contraire, de tenter de mieux cerner ce qui en elle fait problème.

Centré sur une question à tous égards douloureuse, l'emploi de la torture par l'armée française durant la guerre d'Algérie, et notamment pendant la bataille d'Alger, le livre de Pierre Boutang s'inscrit dans cette double optique : en situation de guerre, jusqu'à quel point et comment peut-on dénoncer l'emploi de moyens indiscutablement inhumains par l'armée française, sans de facto apporter du soutien à ses ennemis ?

(La thèse de Boutang est que la dénonciation n'est rien si elle ne s'accompagne d'une volonté politique d'aider l'armée française à faire son travail sans être obligée de recourir à de tels moyens inhumains. Je ne la discuterai pas en tant que telle : si, sur le fond, cette position semble, au moins, sensée, il faudrait pour l'approuver pleinement quant à la guerre d'Algérie, savoir à quel point on pouvait à l'époque se faire entendre, au sujet de la torture, sans faire beaucoup de bruit, question que je ne saurais discuter aujourd'hui.)

Que l'on veuille donc bien lire ces extraits comme des outils à utiliser le moment venu, comme des préliminaires, que l'on espère savoureux, avant d'entrer dans le vif du sujet. Un peu longs certes, mais plus les préliminaires sont longs... Ach, allons-y :

- "La valeur d'une protestation morale n'est-elle pas tout entière dans la vertu de celui qui l'énonce et dans la vocation qui lui impose de se faire entendre ? Or pas plus que les grandeurs d'établissement, l'équipage, la fortune ne donnent autorité pour un tel cri ou un tel conseil, pas plus la qualité de professeur de mathématiques, de physique ou de littérature, ou l'honneur du prix Nobel, de méritent le moindre crédit.

Quand je vois ces professeurs de la Sorbonne étirer leurs patronymes au bas de pétitions contre les excès de notre armée, je n'en fais ni plus ni moins de cas que d'une liste qui bizarrement grouperait les égoutiers, les manucures, ou les joueurs de célesta.

Ils portent de belles robes, aux jours de cérémonie, des bonnets carrés, de l'hermine, et les lambeaux d'une science qui a depuis longtemps renoncé à toute sagesse, unité, conscience, qui a fait de ce renoncement solennel, la condition de ses progrès. Et que l'un d'eux soit sage, conscient, cohérent, c'est miracle pareil, et de même chiffre probable, que si mon boucher se rencontre tel. La profession n'y est pour rien.

Ils voudraient, ces habiles, à la fois le privilège de leur chaire particulière, selon une division du travail qui les rend presque étrangers les uns aux autres, co-locataires d'une Babel assurée contre les accidents, et l'autorité de la science et de l'esprit selon l'antique unité de l'âge théologique qu'ils décrivent comme enfance et ténèbres de l'histoire." (pp. 16-18)


- "N'est-il pas établi que l'argent et ses puissances sont de l'autre côté, à droite ?

Or l'argent, et justement celui du capitalisme international, ne s'accommode tout à fait que des partis et des hommes de gauche ; s'il est une droite ploutocratique et fermement républicaine qui le sert depuis un siècle, elle lui coûte moins cher et lui donne moins de plaisir que la gauche qu'il tient et corrompt en secret ; la gauche, ennemie déclarée des intérêts, attentive à leur faire très officiellement honte, à leur interdire son paradis politique - bouchant même le Trou de l'Aiguille pour enlever sa chance au chameau de l'Écriture - l'argent l'inventerait si elle n'existait pas ; hier radicale, conservatrice des intérêts dans la mesure où ils étaient inavouables, aujourd'hui encore « mendessiste », elle pavoise côté cour, d'une christianisme mauriacien au service du pauvre, mais installe dans ses jardins les tables des banquiers et de la famille Servan-Schreiber des Échos. Elle fait des abonnements combinés à la charité hargneuse et aux profits consolidés ; reprenant la célèbre maxime jésuite des bonnes actions qui doivent être d'abord bonnes affaires, elle met la rhétorique progressiste au service des plus gros revenus." (pp. 25-26)


- sur la torture, les réactions publiques lors de la parution du livre de Henri Alleg, La question, un schéma dont vous n'aurez guère de peine à trouver des équivalents dans d'autres domaines : "A gauche on en fit crier les nerfs des personnes sensibles, à droite on en nia l'existence, et l'armée, abandonnée à son drame, insultée, ou vénérée de manière niaise et plus insultante que l'insulte, dut continuer sa tâche de guerre et de nuit." (pp. 36-37)


- un peu de Proudhon en passant, Proudhon cité avec éloge par P. Boutang, ainsi que, dans d'autres livres, Sorel, en une volonté de relier royalisme et anarchisme sur laquelle nous nous pencherons un jour, Proudhon donc : "Nul n'est homme s'il n'est père." (p. 46) (Malgré les exceptions de valeur que chacun peut trouver autour de lui, je crois qu'il y a quelque chose de fondamentalement vrai dans cette phrase.)


- en France, "il y a un parti de la défaite. Et le livre d'Alleg [communiste, rappelons-le], comme les « forums » de l'Express, comme les « colloques universitaires » sont les armes vraiment guerrières de ce parti que le communisme et la révolution vertèbrent et dont la bourgeoisie de la gauche bigarrée fournit les parties molles.

[N.B. : Peut-être est-ce injuste pour l'anticommuniste Mauriac, souvent mis en cause dans ce livre.]

Nul ne trouve bon, nul ne trouve normal que, depuis dix ans, des Français ne cessent de se battre et de mourir parce que le pays n'est pas capable de réinventer un État et une politique qui mesurent sa force. Mais il existe des hommes, passions, intérêts, qui conspirent à ce que les Français en train de se battre soient contraints de capituler. Ce parti de la défaite est le premier du Parlement. Il compte, de l'avis même de ses membres, qui sont « dans le siècle », maint ancien président du Conseil : tous titrés, ayant chacun quelque marquisat de la honte - Reynaud, M. de Dunkerque ; Pleven, M. de Dien Bien Phu ; Mendès, M. de Carthage ; Robert Schuman, le seul député français qui osa prendre la parole en 1935 pour féliciter le gouvernement d'avoir sauvé la paix et permis à Hitler de remilitariser la Rhénanie." (pp. 69-70)

Il peut y avoir de l'injustice dans tel ou tel de ces jugements ; la notion de « parti de la défaite » ne doit par ailleurs pas être poussée dans un sens trop « complotiste ». Ceci posé, ce passage, complété par la citation suivante, ne manque pas d'intérêt - et méritait d'être retranscrit ne serait-ce que pour la mise en cause d'un des « pères fondateurs » de l'Europe, R. Schumann : si ce qu'écrit Boutang est juste - ce que pour l'heure je n'ai pu vérifier - cela jette un éclairage nouveau sur une « certaine idée de l'Europe »... La paix à tout prix, l'Europe à tout prix, et tant pis pour la France ! Nous retrouverons ce schéma à l'occasion. Enchaînons (en précisant bien que J.-J. Servan-Schreiber, comme il est évoqué dans une précédente citation, possédait non seulement l'Express, mais les Échos) :

- "Le parti de la défaite a l'argent du côté de son esprit. L'Express et les Échos, l'intelligence de la fuite et de la concentration des capitaux, se nomment également Servan-Schreiber. Pas Servan d'un côté, tirant à hue, Schreiber de l'autre, allant à dia ! Mais un nom composé, un solide mélange de sophisme et d'or, au service des déshonneurs nationaux. Il ne manque jamais de cet or pour expédier très vite un Jean Daniel ou un Stéphane Worms au constat de nos malheurs ou de nos « crimes ». Les envoyés de la presse progressiste tiennent le rôle tragique des chiennes Erinnyes poursuivant le Soldat, ce misérable Oedipe de la France moderne, coupable quoi qu'il fasse, et reniflé sans trêve par ces truffes à scrupules.

Or la meute devrait être chassée à coups de fouet, mais le fouet - en 1958 - est hors de prix pour les pauvres.

Il faudrait que ce fouet pût enfin être manié en justice, que la société française ne se révélât pas, en ses prétendues élites, pourrie jusqu'à l'os et complice de sa propre mise au tombeau." (pp. 72-73)


- "Tout ainsi, en 1913, Lucien Herr, et avec lui Jaurès d'après Péguy - ne pouvaient sentir le moindre soldat portant l'uniforme de leur pays : la force, dans Hegel ou chez Marx, ils la reconnaissaient ou la vénéraient. Dans l'armée française, elle leur faisait horreur." (p. 76)


- il y en a pour tout le monde : "Il est sûr que les Puissants qui semèrent la mort à Hiroshima, en sachant que déjà la décision de capituler était prise chez leurs ennemis, ne feront jamais jaillir eux-mêmes la fontaine profonde qui laverait leur crime, et qu'ils ont rendu immense et neuve la tâche de la pitié de Dieu. Car l'exercice d'une terreur qui ne terrorise même pas, qui n'a même plus de fin intelligible (en dehors du raisonnement à la fois puéril et diabolique que, puisqu'on possède cette arme inédite et redoutable, il faut bien s'en servir) est comme l'envers de la Grâce. Il appartenait à l'Amérique nordiste, à qui la Grâce a si évidemment manqué, dont la société et les moeurs se meuvent à l'intérieur d'un reniement de l'histoire, d'un meurtre prolongé du Père, à ce peuple somnambule et plus tragiquement athée qu'aucun autre, d'inverser ainsi les lois de surabondance de l'être et de faire surabonder gratuitement le néant." (pp. 100-101)


- sur « l'homme du XXe siècle », enfin : "la sensibilité exquise des nerfs conjuguée avec une épaisseur toujours croissante du sens moral..." (p. 110)



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"La fin du monde, en avançant..." A bientôt !

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samedi 19 septembre 2009

Élection (piège à c... ?), II.

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Éclaircissons donc les propos tenus la dernière fois sur la « judaïsation du monde ». Cette expression m'est venue suite à la lecture de l'interview que je retranscris ci-après. J'ai appris l'existence de cette interview chez Mme Kling-Kling, où est annoncée la publication en français par La Découverte du livre de David Slezkine, Le siècle juif, dont le sous-titre est : Pourquoi nous sommes tous devenus juifs. Anne Kling renvoie à un entretien accordé par l'auteur ici, et qui avait été traduit et retranscrit il y a deux ans par vox.nr. Vous suivez ?

Voici en tout cas cette interview :

"Dans votre livre, vous dites que les Juifs ont connu trois Paradis et un Enfer durant le XXe siècle. L’Enfer bien sûr se réfère à l’Holocauste. Quels sont les Paradis ?

Ce sont les destinations des trois grandes migrations à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Il y a les deux que nous connaissons tous – de l’Europe de l’Est, principalement la Zone de résidence dans l’empire russe, vers l’Amérique et la Palestine. Ensuite il y a celui qui m’intéresse particulièrement : de la Zone de résidence vers les villes russes. La plupart des Juifs qui restèrent en Russie allèrent à Kiev, Kharkov, Leningrad et Moscou, et ils montèrent dans l’échelle sociale soviétique une fois arrivés là. Cette troisième migration, invisible ou moins visible, fut beaucoup plus grande que celle vers la Palestine et idéologiquement beaucoup plus chargée que celle vers l’Amérique. Et, pendant les vingt premières années environ de l’Etat soviétique, elle fut aussi vue comme la plus réussie par la plupart des gens impliqués. Mais, à la fin du XXe siècle, elle était vue par la plupart des gens impliqués – les enfants et les petits-enfants des migrants d’origine – comme une erreur tragique ou comme un non-événement.

Les trois migrations furent, en un sens, des pèlerinages, et les trois représentèrent des manières différentes d’être juif, et d’être moderne, dans le monde moderne : Etat libéral aux Etats-Unis ; nationalisme ethnique séculier en Israël ; et communisme – un monde sans capitalisme ou nationalisme – en Union Soviétique. Cela, plus l’Holocauste, bien sûr, qui représente les dangers de ne pas participer à l’un de ces trois pèlerinages, représente une grande partie du XXe siècle, je crois.

Pourquoi les Juifs ont-ils eu tant de réussite au début de l’Etat soviétique ?

L’histoire des Juifs au début de l’Union Soviétique est similaire à l’histoire des Juifs en Amérique. C’est-à-dire qu’ils eurent une réussite particulière dans les domaines de l’éducation, du journalisme, de la médecine, et des autres professions qui étaient essentielles pour le fonctionnement de la société soviétique, incluant la science.

Les Juifs d’Union Soviétique étaient beaucoup plus instruits que tout autre groupe, ils étaient vierges de toute association avec le régime impérial, et ils semblent avoir été très enthousiastes concernant ce que faisait le Parti communiste. Cela fut dans une certaine mesure un engagement conscient en faveur de l’idéologie, mais ce fut surtout simplement parce qu’il n’y avait plus de barrières légales contre les Juifs. Les portes s’ouvrirent, ils se ruèrent à l’intérieur et réussirent excessivement bien dans les années 1920 et dans la première partie des années 1930.

Ma conviction est qu’on ne peut pas comprendre la seconde partie de l’histoire juive en Russie – les politiques antisémites, et ce qui arriva aux Juifs soviétiques plus tard, leur désir d’émigrer, par exemple – si on ne connaît pas la première partie de l’histoire, qui est surtout celle d’un succès étonnant.

Vous écrivez que les Juifs étaient des membres importants de la police secrète et aussi de ceux qui dirigeaient le Goulag. Cela était nouveau pour moi.

Le fait m’était inconnu quand je grandissais en Union Soviétique. La plupart des gens l’ont appris en lisant l’Archipel du Goulag de Soljenitsyne. Il n’en faisait pas une affaire à l’époque, mais il parle des gens qui dirigeaient les camps de travail du Canal de la Mer Blanche, et ils étaient presque tous des Juifs ethniques.

Quelle fut votre réaction ?

Avant tout la surprise, parce que cela semblait si incongru pour ceux d’entre nous qui pensaient que les Juifs étaient les victimes principales et les opposants principaux au régime soviétique. Mais plus tard je découvris que le rôle du communisme dans l’histoire juive moderne était formidablement important. Je ne pense pas qu’on puisse comprendre l’histoire juive moderne sans examiner la Révolution russe, ni comprendre le communisme sans examiner le rôle des Juifs.

Qu’est-ce qui explique le succès des Juifs, d’une manière plus générale ?

Les Juifs appartiennent à une certaine communauté de gens qui s’impliquent dans certaines occupations, d’une manière similaire – et qui provoquent un ressentiment similaire. En comparant les deux, on découvre que cette spécialisation est très ancienne et assez commune.

Quelle est cette spécialisation ?

A différentes époques et en des lieux différents, il y eut des tribus – des groupes ethniques – qui se spécialisaient exclusivement dans la fourniture de services pour les sociétés productrices de nourriture environnantes. Cela inclut les Roms/Gitans, divers dénommés « voyageurs » ou « romanichels », les Fuga en Ethiopie, les Sheikh Mohammadi en Afghanistan, et bien sûr les Arméniens, les Chinois d’outre-mer, les Indiens en Afrique de l’Est, les Libanais en Afrique de l’Ouest et en Amérique Latine, et ainsi de suite. Je les appelle tous des « Mercuriens », par opposition à leurs hôtes « Apolloniens ».

Qu’entendez-vous par ces termes ?

Apollon était le dieu du bétail et de l’agriculture. Les sociétés « apolloniennes », au sens où j’utilise le terme, sont des sociétés organisées autour de la production de nourriture, des sociétés formées principalement de paysans, plus diverses combinaisons de guerriers et de prêtres qui s’approprient le travail du paysan en contrôlant l’accès à la terre ou au salut.

Mercure, ou Hermès, était le dieu des messagers, des marchands, des interprètes, des artisans, des guides, des guérisseurs, et des autres transfrontaliers. Les « Mercuriens », au sens où j’utilise le terme, sont des groupes ethniques, des sociétés démographiquement complètes, qui ne s’impliquent pas dans la production de nourriture, mais qui vivent en fournissant des services aux Apolloniens environnants.

Dans le monde moderne, les Apolloniens doivent devenir plus mercuriens – plus juifs, si vous préférez ; mais les valeurs apolloniennes, essentiellement les valeurs paysannes et guerrières, survivent, bien sûr. Les deux attitudes, les deux types idéaux, sont toujours présents aujourd’hui, et les Juifs, les plus accomplis de tous les Mercuriens, jouent encore un rôle très spécial dans le monde moderne – en tant que modèles du succès tout comme de la victimisation.

Il y a des similarités frappantes dans la manière dont tous les Mercuriens se voient et voient leurs voisins non-mercuriens, et dans la manière dont ils se comportent réellement.

Pouvez-vous donner des illustrations de ce que vous voulez dire ?

Essentiellement, l’idée est que certaines choses dans les sociétés apolloniennes traditionnelles sont trop dangereuses ou trop impures pour être accomplies par les membres de ces sociétés : communiquer avec les autres pays, les autres mondes, et les autres tribus ; manipuler l’argent ; soigner le corps, et avoir affaire au feu en travaillant le métal, par exemple. Toutes ces spécialités sont typiquement mercuriennes. La plupart des romanichels et des voyageurs ont commencé comme ferblantiers. Mon arrière-grand-père était un forgeron juif.

C’est un monde très vaste, si vous y pensez : maladie, échange, négociations, voyage, enterrements, lecture. Et c’étaient des choses que les étrangers internes permanents, ou Mercuriens, étaient prêts à faire, obligés de faire, équipés pour les faire – ou très bons pour les faire.

Et ces occupations n’étaient pas limitées aux Juifs.

Il y avait de nombreux groupes accomplissant de telles fonctions. Et dans le monde entier, ils partageaient certains traits et sont regardés d’une manière similaire. Pensez aux Juifs et aux Gitans. Les deux étaient traditionnellement vus comme de dangereux étrangers internes, sans patrie pour des raisons de punition divine, et engagés dans des activités néfastes et moralement suspectes. Ils furent toujours vus comme des images-miroirs de leurs communautés hôtes : leurs hommes n’étaient pas des guerriers, leurs femmes semblaient agressives – et, peut-être pour cette raison, attirantes ; ils demeuraient des étrangers en restant à l’écart, refusant les mariages mixtes, refusant de combattre et de partager les repas – se contentant de fabriquer, d’échanger, de vendre, et éventuellement de voler, des choses et des concepts. Et donc ils furent redoutés et haïs en conséquence, avec l’Holocauste comme point culminant de cette longue histoire de peur et de haine.

Et je pense qu’ils étaient vus de manière similaire parce qu’ils étaient, à de nombreux égards, similaires. Beaucoup étaient des fournisseurs de service nomades exclusifs ; les deux avaient des tabous rigides concernant la nourriture impure et les mariages mixtes ; les deux ne pouvaient survivre qu’en demeurant des étrangers – d’où les prohibitions contre le partage de la nourriture et du sang avec leurs voisins, et l’obsession de la pureté.

Mais les Gitans n’ont certainement pas eu le succès que les Juifs ont eu dans le monde moderne.

Je distingue entre la majorité des Mercuriens, incluant les Gitans, qui s’engagent dans le petit entreprenariat paria et non-cultivé ; et ceux, comme les Juifs, qui se spécialisent, entre autre choses, dans l’interprétation des textes écrits. Avec la montée du monde moderne, les Gitans ont continué à exercer leur métier dans le monde en diminution de la culture orale populaire, alors que les Juifs se sont mis à définir la modernité.

En tous cas, la manière dont les Mercuriens et les Apolloniens se regardent les uns les autres est similaire partout où on porte le regard. Ce qui est vrai des Juifs et de leurs voisins paysans dans la Russie impériale est vrai, je pense, des Gitans et de leurs hôtes, ainsi que des Indiens et des populations locales en Afrique de l’Est, et ainsi de suite.

Y compris les Chinois d’outre-mer en Asie du Sud-est ?

Oui. Les Chinois d’outre-mer aussi sont supposés être habiles – trop habiles, peut-être. On peut reprendre la liste antisémite habituelle : ils sont distants, tortueux, pas virils, etc. C’est la manière dont les Apolloniens décrivent les Mercuriens dans le monde entier.

Et bien sûr on pourrait interpréter ces mêmes traits sous un jour positif. « Habileté » et « fourberie » peuvent devenir « intelligence » et « engagement général pour la vie de l’esprit ». Les Gitans sont fiers d’être plus malins que les non-Gitans auxquels ils ont affaire, tout comme les Juifs le sont, ou l’étaient dans le monde juif traditionnel. La vision mercurienne des Apolloniens tend aussi à être négative : « sentimentalité », « courage » et « terre-à-terre » peuvent devenir « stupidité », « belligérance » et « impureté ».

En d’autres mots, les oppositions esprit/corps, intelligence/physicalité, impermanence/ permanence, non-belligérance/belligérance restent les mêmes et sont reconnues par tous ceux qui sont impliqués. Chacun sait quels sont les traits associés à chaque groupe ; la différence est dans l’interprétation.

Ce qui vous conduit à conclure quoi concernant les Juifs ?

Vues de cette manière, certaines choses concernant l’expérience juive et le rôle économique juif traditionnel deviennent moins uniques, pour ainsi dire. Pour parler brutalement, peut-être, ce n’est pas un accident s’il y a eu un holocauste gitan.

Que voulez-vous dire ?

Qu’il y a des similarités entre Juifs et Gitans et tout un tas d’autres gens qui s’engageaient dans des recherches similaires, [des similarités] qui vont plus loin que leur sort commun sous les nazis, ou que l’hostilité qu’ils rencontrent partout où ils vont.

Cela pourrait changer la manière dont on comprend l’antisémitisme.

Dans mon livre, j’ai tenté de donner le contexte de l’expérience juive, d’expliquer à la fois la victimisation juive et le succès juif.

Sur la question particulière de l’antisémitisme, mon livre soutient que l’antisémitisme n’est pas une maladie, n’est pas mystique, n’est pas inexplicable. Il soutient que les croyances et les perceptions et les actions habituellement associées à l’antisémitisme sont très communes, et qu’elles ne s’appliquent pas seulement aux Juifs.

Votre argumentation vous donne-t-elle, personnellement, une compréhension différente de ce que cela signifie d’être juif, et de l’antisémitisme ?

Bien sûr qu’elle le fait ! Je n’ai pas écrit le livre pour prêcher quelque chose en particulier. Mais j’espère qu’une conclusion que les gens tireront de cette partie du livre est que quelque chose qui est compris est plus facile à combattre. Si on considère l’antisémitisme comme une mystérieuse épidémie, alors il est difficile de savoir quoi faire. Quand vous sentez que vous comprenez ce qui le provoque, alors il devient plus intelligible. Et moins dangereux.

Mais pour l’Holocauste ?

L’Holocauste juif fut d’une certaine manière plus grand que tout autre événement de cette sorte dans l’histoire du monde. Mais les perceptions sur lesquelles il est basé sont parfaitement familières et très communes. L’histoire des Chinois d’outre-mer en Asie du Sud-est, par exemple, est une histoire de pogroms incessants ainsi que de succès remarquables.

Vous avez vu ces croyances communes vous-même ?

En grandissant en Russie, on ne pouvait pas s’empêcher de remarquer que les choses que les gens disaient ou pensaient sur les Arméniens étaient à de nombreux égards analogues aux choses que les gens disaient ou pensaient sur les Juifs. Et il y eut mon expérience en Afrique de l’Est, qui est l’une des raisons pour lesquelles je me suis intéressé à la comparaison. Au Mozambique, il était frappant de voir combien les rôles sociaux et économiques des Indiens locaux étaient similaires aux rôles sociaux et économiques des Juifs en Europe de l’Est.

Voyiez-vous les Indiens comme des « Juifs » à l’époque ?

Oui. Tout le monde les voyait ainsi. Ils sont souvent appelés ainsi – « les Juifs de l’Afrique de l’Est ». Et les Chinois d’outre-mer sont parfois appelés « les Juifs de l’Asie du Sud-est ».

Mais c’est une chose de réaliser que la rhétorique est similaire ; c’en est une autre de reconnaitre que la rhétorique est basée sur quelque chose que les gens font réellement, et que cela remonte loin dans le passé, et que c’est beaucoup plus vaste que l’exemple familier des Indiens et des Chinois d’outre-mer.

Dans votre livre, vous examinez la littérature moderniste de cette manière.

Le Ulysse de Joyce, par exemple, est le texte central du modernisme, et il traite de cette même opposition. Le personnage principal, Leopold Bloom, est un « demi-juif » ; et la figure d’Ulysse est le représentant terrestre absolu du mercurianisme, de l’habileté, de l’agitation, de la diplomatie, de l’ingéniosité – toutes ces choses.

Y a-t-il un Juif apollonien fameux, pour utiliser vos termes ?

Irving Howe a dit que Trotski était l’une des plus grandes figures du XXe siècle parce qu’il avait réussi à être à la fois un écrivain et un guerrier ; quelqu’un qui analyse l’histoire tout en la faisant ; quelqu’un qui est également bon pour penser et pour tuer.

On pourrait dire qu’Israël, et le sionisme en général, est une tentative d’abandonner la judéité traditionnelle en faveur de l’apollonisme avec un visage juif, tels qu’ils le sont. Je suppose qu’Ariel Sharon serait un Apollonien juif. Il est partisan du rejet du monde des shtetl, de la vie de la diaspora, de la Zone de résidence – la voie mercurienne.

Comment expliquez-vous cela ?

La vie dans la Zone signifie vivre avec la faiblesse physique, associée à l’éloquence et à l’intelligence ; cela signifie faire des choses que les autres méprisent. Cela signifie être impliqué dans la vie de la diaspora et de la tradition. Et le sionisme devait être le rejet absolu de cette vie et de cette tradition. L’État d’Israël devint un endroit où l’on pouvait échapper au sort de Tevye le laitier – le grand personnage de Sholom Aleichem. Il devint un endroit qui existait dans le but de venger la faiblesse de Tevye par un rejet de l’habileté et de la non-belligérance de Tevye.

L’Holocauste créa une aura autour d’Israël qui le rendit différent de tous les autres Etats modernes, qui l’exclut de certaines des attentes qui sont habituellement associées aux États modernes – et de certaines critiques. A cause de son rôle très particulier, de son histoire, et de ses prétentions morales, Israël devint l’État auquel les règles standard ne s’appliquent pas.

D’une tentative de sortir du ghetto, Israël s’est transformé en un ghetto d’un nouveau genre, qui est le seul endroit où vous pouvez dire certaines choses.

Par exemple ?

C’est le seul endroit dans le monde occidental où un membre du Parlement peut dire – et en toute impunité – « déportons tous les Arabes hors d’Israël ». Ou bien où tant de gens peuvent dire, dans la conversation politique de routine : « Nous devons faire plus d’enfants juifs parce que nous voulons que cet Etat soit ethniquement pur ». Imaginez quelqu’un disant la même chose en Allemagne : « Procréons pour faire plus d’enfants parce que nous avons trop de Turcs ici ».

Et Israël peut aussi faire des choses que les autres Etats ne peuvent pas faire ?

Oui, comme construire des murs. Il y a eu une tentative de construire un mur dans une ville en République Tchèque – pour séparer la zone tzigane du reste de la ville.

Que se passa-t-il ?

Ce fut un tollé. Ça n’a pas pu se faire. Ainsi, cela me semble être encore une ironie tragique dans l’histoire des Juifs : la tentative de créer un État comme les autres conduisit à la création d’un État qui est remarquablement différent de la famille d’États qu’il voulait rejoindre.

Mais c’est seulement l’une des trois grandes migrations. L’histoire des Juifs en Amérique a été une histoire de réussite et de succès formidables. L’histoire des Juifs en Russie a été une tragédie, au sens le plus basique du mot : il ne peut y avoir de tragédie sans l’espoir et l’épanouissement initiaux, sans la noblesse de caractère que le défaut fatal finirait par miner. C’est ainsi que je vois l’histoire de la vie de ma grand-mère.

Et, en utilisant votre métaphore mercurienne, vous dites qu’à l’époque moderne nous avons tous dû devenir juifs.

Une partie centrale de mon argumentation est que le monde moderne est devenu universellement mercurien. Le mercurianisme est associé à la raison, à la mobilité, à l’intelligence, à l’agitation, au déracinement, à la pureté, au franchissement des frontières, et au fait de cultiver des gens et des symboles par opposition aux champs et aux troupeaux. Nous sommes tous supposés être des Mercuriens maintenant, et les Mercuriens traditionnels – en particulier les Juifs – font de meilleurs Mercuriens que tous les autres.

Et c’est la raison de leur succès extraordinaire et de leur souffrance extraordinaire dans le monde moderne. Cela, me semble-t-il, est la raison pour laquelle l’histoire du XXe siècle, et l’histoire des Juifs en particulier, est l’histoire de trois Terres Promises et d’un Enfer."

Quelques commentaires :

- David Slezkine applique ce que je pourrais appeler le « théorème de Fassbinder », suite à l'analyse qui m'avait été suggérée par sa phrase : « Tout philosémite est un antisémite », ce que j'avais retraduit ainsi : le fait de différencier est plus important que le contenu de la différence. D. Slezkine montre bien comment on peut valoriser positivement ou négativement « Apolloniens » (terme moyennement choisi) et « Mercuriens » à partir de la même configuration d'ensemble ;

- le schéma explicatif de la modernité ici proposé va dans le sens de maintes analyses à vous offertes à ce comptoir : une part de la société - le commerce -, auparavant « imbriquée », comme disait Polanyi, dans l'ensemble, se retrouve sur le devant de la scène et prend une importance démesurée par rapport à celle qu'elle avait en régime traditionnel. L'apport de David Slezkine n'est pas tant de rapprocher Juifs et commerce, ou de rapprocher extension du commerce, importance croissante des Juifs et antisémitisme - les antisémites eux-mêmes ont très vite fait ces rapports -, que, par l'usage de la dichotomie Apolloniens-Mercuriens, de mieux faire saisir ce qui différencie les Juifs des autres Mercuriens au moment de la modernité - leur rôle central en Occident (le lieu de la modernité), leur rôle, par rapport aux Gitans, dans la culture écrite... -, et donc pourquoi « c'est [la Shoah] tombé surtout sur eux ».

On comprend mieux, du coup, le rapport névrotique de la modernité occidentale à ses Juifs : la séparation traditionnelle - Apolloniens-Mercuriens, donc - ne reposait pas franchement sur une amitié réciproque, elle pouvait à intervalles réguliers déboucher sur des phénomènes violents où l'on retrouverait sans peine la logique girardienne du bouc émissaire, cette séparation n'en était pas moins viable, d'autant que les Apolloniens savaient bien, quitte à l'oublier de temps à autre, qu'ils avaient besoin des Mercuriens - en l'occurrence, principalement des Juifs - pour que la société fonctionne.

Avec la modernité et le « devenir-Mercurien », donc le « devenir-Juif » de la société comme des individus, le rapport Apolloniens-Mercuriens se fait plus complexe : si la haine antisémite devient plus forte, plus acharnée, ou si le comportement antisémite devient plus haineux, c'est parce que dans le monde moderne les Juifs représentent le monde moderne, ils représentent la modernité, ils représentent ce à quoi on sait plus ou moins que l'on ne devrait pas vouloir ressembler. Les stéréotypes traditionnels respectaient une division fondamentale du travail - au lieu que dans la modernité on reproche aux juifs d'être depuis toujours à l'image de ce que l'on cherche maintenant à devenir tout en redoutant de le devenir, on fait grief aux juifs d'avoir toujours été ce que soi-même on cherche désormais à devenir tout en sentant que c'est une mauvais idée, ou tout en redoutant que ce ne soit pas une aussi bonne idée que ça. « Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage » : la modernité et ses Juifs, ce serait quelque chose du genre « qui a la rage de nager (dans les eaux nouvelles et attirantes de la modernité) a peur de se noyer, et accuse son chien d'avoir la rage et de vouloir vous noyer ». Situation d'autant plus explosive que le chien, lui aussi, avait bien la rage, j'entends par là que les Juifs ont effectivement, et c'est bien normal, tiré profit des possibilités que la modernité leur offrait (les trois paradis évoqués par David Slezkine).

- Alain Brossat a parlé quelque part de la naissance d'Israël comme d'un « cadeau empoisonné », David Slezkine y voit une « ironie tragique » : il est de fait que cette « apollonisation » du peuple mercurien par excellence ne laisse pas d'être paradoxale. Elle est condamnée à l'avance, pour deux raisons : à l'échelle du monde entier, le sionisme est minoritaire chez les Juifs, en ce sens que la plupart d'entre eux préfèrent rester dans les sociétés devenues très mercuriennes que dans cet hybride qu'est l'État d'Israël : le « peuple juif » reste fondamentalement mercurien. Surtout, ce projet va dans le sens contraire de l'histoire (ce qui est aussi le cas, on le sait, de l'histoire de la décolonisation : alors que le processus global de décolonisation est entamé, voilà qu'un État colonial se crée brusquement, à contre-temps...), qui est donc celle d'une mercurisation globale des sociétés (lesquelles, je le précise ne sont pas complètement mercuriennes, ce qui est impossible, et même si cela ferait plaisir à un fou dogmatique comme Jacques Attali). On reproche parfois aux Juifs de vouloir le beurre et l'argent du beurre, par exemple de prôner l'antiracisme tout en voulant préserver leur « pureté », pour eux et pas pour les autres. Quoi qu'il en soit de la justesse de ces critiques, on voit bien qu'il y a quelque chose de ce type dans la situation d'Israël, et cela peut expliquer, en plus de considérations géopolitiques, à quel point cet État suscite les passions.

Ajoutons que cette idée d'« apollonisation » permet de mieux comprendre les points communs qu'une Hannah Arendt avait très tôt perçus entre le nazisme et le sionisme, du point de vue de leurs présupposés racialistes. Dans les deux cas - dans des proportions et avec des conséquences différentes - on assiste à une tentative d'« apollonisation » volontariste de sociétés devenues récemment (l'Allemande) ou depuis toujours (le peuple juif) mercuriennes. Je fais l'hypothèse que le fanatisme que dans les deux cas on peut sans difficulté repérer chez les zélateurs de ces entreprises vient d'une conscience plus ou moins obscure et refoulée qu'elles sont foutues d'avance, dans un monde devenu obstinément mercurien.

(Ce qui, au passage, permet de comprendre pourquoi de nombreux juifs religieux sont soit indifférents au sionisme, soit carrément anti-sionistes : si le sionisme est entre autres choses une crainte de voir disparaître, dans un monde mercurien, des spécificités juives, il est logique que ceux qui depuis toujours ont en charge, justement, l'aspect le moins mercurien du judaïsme, ne voient pas dans le sionisme une solution, ils en ont d'autres en magasin, qui ont fait leurs preuves depuis longtemps...)



Incidemment, tout ceci amène à penser que l'on n'en a pas fini, ni avec les Juifs, ni avec l'antisémitisme, en cette période de mercurianisme effréné, avec les réactions apollonisantes ou trop apollonisantes que cela peut susciter. Histoire à suivre, paradoxes en cours !



re-animator

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mercredi 16 septembre 2009

Élection (piège à c... ?), I.

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Tout se paie en ce bas monde, y compris, surtout, les privilèges :

"Vu d'en haut, le commerce est un véritable sacrilège. Les Juifs, Race aînée auprès de qui tous les peuples sont des enfants et qui ont eu, par conséquent, le pouvoir d'aller du côté du mal beaucoup plus loin que les autres hommes du côté du bien, les profonds Juifs doivent sentir qu'il en est ainsi. Ils sont les pères du commerce comme ils furent les pères de ce Fils de l'Homme, leur propre sang le plus pur, qu'il fallait, par un décret divin, qu'ils achetassent et vendissent un certain jour. Leurs proches voisins d'extraction, les Carthaginois de Carthage, ancêtres perdus des Carthaginois d'Angleterre, ont dû être leurs bons écoliers. Cela n'est certes pas pour les diminuer. Lorsqu'ils se convertiront, ainsi qu'il est annoncé, leur puissance commerciale se convertira de même. Au lieu de vendre cher ce qui leur aura peu coûté, ils donneront à pleines mains ce qui leur aura tout coûté. Leurs trente deniers, trempés du Sang du Sauveur, deviendront comme trente siècles d'humilité et d'espérance, et ce sera inimaginablement beau.


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Il semble qu'il y ait encore du chemin à faire...


Tomber de là dans le négoce moderne, c'est à faire peur, c'est à dégoûter de la vie et de la mort. On a beaucoup parlé de l'abjection juive. Il s'agit ici, bien entendu, de la lie juive, exception faite des individus très nobles qui ont pu garder un coeur fier, un coeur « vraiment israélite » sous le terrible Velamen de saint Paul. En quoi cette abjection si fameuse dépasse-t-elle la servilité du boutiquier le plus hautain vis-à-vis d'un client présumé riche et son insolence goujate à l'égard d'un autre client supposé pauvre ? Si on veut que les attitudes ignobles les égalent en apparence, il y aura toujours, même à ce niveau, l'aînesse infinie de la Race élue et l'énorme prééminence de vingt siècles d'humiliations très soigneusement enregistrées. L'abjection juive peut invoquer la foudre, l'abjection commerciale des chrétiens ne peut attirer que des giboulées de crachats et de déjections."


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"Les Juifs sont les aînés de tous et, quand les choses seront à leur place, leur maîtres les plus fiers s'estimeront honorés de lécher leurs pieds de vagabonds. Car tout leur est promis et, en attendant, ils font pénitence pour la terre. Le droit d'aînesse ne peut être annulé par un châtiment, quelque rigoureux qu'il soit, et la parole d'honneur de Dieu est immodifiable, parce que « ses dons et sa vocation sont sans repentance ». C'est le plus grand des Juifs convertis qui a dit cela et les chrétiens implacables qui prétendent éterniser les représailles du Crucifigatur devraient s'en souvenir. « Leur crime, dit encore saint Paul, a été le salut des nations ». Quel peuple inouï est donc celui-là à qui Dieu demande la permission de sauver le genre humain, après lui avoir emprunté sa chair pour mieux souffrir ?


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Est-ce à dire que sa Passion ne le contenterait pas, si elle ne lui était pas infligée par son bien-aimé et que tout autre sang que celui qu'il tient d'Abraham ne serait pas efficace pour laver les péchés du monde ?"

Léon Bloy (évidemment !, qui d'autre ?), Le sang du pauvre, ch. XVII et XVIII.

Je reviendrai, prochainement j'espère, sur ce rôle sacré/maudit des Juifs dans l'histoire du monde et plus précisément dans celle de la modernité, sur cette judaïsation globale que nous, juifs et non-juifs, souhaitons et redoutons.

Mentionnons pour mémoire, sans savoir s'il y eut une influence précise de Toussenel sur Bloy, que celui-ci rejoint celui-là dans l'anti-« anglo-saxonnisme » féroce - ajoutons qu'ils ont bien raison. Les Anglo-saxons sont pires que les Juifs, ils sont plus juifs que les Juifs, ce sont des juifs sans judaïsme, des juifs castrés, des juifs tapettes - et s'ils vénèrent Mammon chaque jour que Dieu fait, ils n'ont même pas à porter le poids de la mort du Christ... ce qui bien sûr ne les empêche pas d'être souvent antisémites !


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Pardonnez-leur...



Ajout, quelques heures plus tard, sur un autre sujet : je ne suis pas un grand fan de Sébastien Musset, mais je recommande ce texte inspiré par l'une des rares occasions de rire ces derniers temps, l'épidémie de suicides à France Telecom. Seule réserve, sur la notion de « salaire décent » (ou indécent, du reste), je ne vois pas trop ce que le salaire et la décence ont à faire ensemble... "Salarié, tu es un drôle de type. Lorsque l'on te bouscule dans le RER au retour de la corvée ou lorsque qu'on te pique ta place de parking au supermarché, tu n'es pourtant pas le dernier pour gueuler ! Au boulot, c'est une autre histoire." Au boulot t'es une merde et en tant que telle tu es là pour te faire écraser, c'est simple comme bonjour...

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lundi 7 septembre 2009

Exercice de style.

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J'ai toujours eu de la tendresse pour cette photo de l'immense Brian de Palma accompagné de sa femme (à la fin des années 70), la délicieusement vulgaire Nancy Allen (que j'avais un temps pensé faire figurer dans mes « Vingt plus belles »). Je la ressors aujourd'hui pour illustrer ce lien vers « Brilliant Sutpen », qui nous propose un beau montage de certaines thématiques de l'oncle Brian. Je fais circuler ces images pour leur valeur propre, mais aussi à titre de défi pour nos lecteurs cinéphiles, puisqu'il me semble en l'occurrence qu'avec l'univers du réalisateur de Raising Cain (film étrangement oublié par T. Sutpen) on peut faire encore mieux - en respectant le principe de départ : un cadre à l'intérieur du cadre. S'il plaît à ces lecteurs de relever le gant, qu'ils ne se privent pas, il n'y a pas que Sarkozy et la crise dans la vie...

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samedi 5 septembre 2009

« Un cercle formidable... » - Visages de l'Amérique.

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Crucifixions modernes, post-modernes ?


"Oui, l'Apocalypse est derrière nous. Nous vivons en post-Apocalypse, nous sommes nés après la fin, c'est notre drame." (M.-É. Nabe, Coups d'épée dans l'eau)


"La pensée est un pouvoir invisible et presque insaisissable qui se joue de toutes les tyrannies. De nos jours, les souverains les plus absolus de l'Europe ne sauraient empêcher certaines pensées hostiles à leur autorité de circuler sourdement dans leurs États et jusqu'au sein de leurs Cours. Il n'en est pas de même en Amérique : tant que la majorité est douteuse, on parle ; mais dès qu'elle s'est irrévocablement prononcée, chacun se tait, et amis comme ennemis semblent alors s'attacher de concert à son char. La raison en est simple : il n'y a pas de monarque si absolu qui puisse réunir dans sa main toutes les forces de la société et vaincre les résistances, comme peut le faire une majorité revêtue du droit de faire les lois et de les exécuter.

Un roi d'ailleurs n'a qu'une puissance matérielle qui agit sur les actions et ne saurait atteindre les volontés ; mais la majorité est revêtue d'une force tout à la fois matérielle et morale, qui agit sur la volonté autant que sur les actions, et qui empêche en même temps le fait et le désir de faire.

Je ne connais pas de pays où il règne, en général, moins d'indépendance d'esprit et de véritable liberté de discussion qu'en Amérique.

Il n'y a pas de théorie religieuse ou politique qu'on ne puisse prêcher librement dans les États constitutionnels de l'Europe et qui ne pénètre dans les autres ; car il n'est pas de pays en Europe tellement soumis à un seul pouvoir, que celui qui veut y dire la vérité n'y trouve un appui capable de le rassurer contre les résultats de son indépendance. S'il a le malheur de vivre sous un gouvernement absolu, il a souvent pour lui le peuple ; s'il habite un pays libre, il peut au besoin s'abriter derrière l'autorité royale. La fraction aristocratique de la société le soutient dans les contrées démocratiques, et la démocratie dans les autres. Mais au sein d'une démocratie organisée ainsi que celle des États-Unis, on ne rencontre qu'un seul pouvoir, un seul élément de force et de succès, et rien en dehors de lui.

En Amérique, la majorité trace un cercle formidable autour de la pensée. Au-dedans de ces limites, l'écrivain est libre ; mais malheur à lui s'il ose en sortir. Ce n'est pas qu'il ait à craindre un autodafé, mais il est en butte à des dégoûts de tous genres et à des persécutions de tous les jours. La carrière politique lui est fermée : il a offensé la seule puissance qui ait la faculté de l'ouvrir. On lui refuse tout, jusqu'à la gloire. Avant de publier ses opinions, il croyait avoir des partisans ; il lui semble qu'il n'en a plus, maintenant qu'il s'est découvert à tous ; car ceux qui le blâment s'expriment hautement, et ceux qui pensent comme lui, sans avoir son courage, se taisent et s'éloignent. Il cède, il plie enfin sous l'effort de chaque jour, et rentre dans le silence, comme s'il éprouvait des remords d'avoir dit vrai.

Des chaînes et des bourreaux, ce sont là les instruments grossiers qu'employait jadis la tyrannie ; mais de nos jours la civilisation a perfectionné jusqu'au despotisme lui-même, qui semblait pourtant n'avoir plus rien à apprendre.

Les princes avaient pour ainsi dire matérialisé la violence ; les républiques démocratiques de nos jours l'ont rendue tout aussi intellectuelle que la volonté humaine qu'elle veut contraindre. Sous le gouvernement absolu d'un seul, le despotisme, pour arriver à l'âme, frappait grossièrement le corps ; et l'âme, échappant à ces coups, s'élevait glorieuse au-dessus de lui ; mais dans les républiques démocratiques, ce n'est point ainsi que procède la tyrannie ; elle laisse le corps et va droit à l'âme. Le maître n'y dit plus : Vous penserez comme moi, ou vous mourrez ; il dit : Vous êtes libre de ne point penser ainsi que moi ; votre vie, vos biens, tout vous reste ; mais de ce jour vous êtes un étranger parmi nous. Vous garderez vos privilèges à la cité, mais ils vous deviendront inutiles ; car si vous briguez le choix de vos concitoyens, ils ne vous l'accorderont point, et si vous ne demandez que leur estime, ils feindront encore de vous la refuser. Vous resterez parmi les hommes, mais vous perdrez vos droits à l'humanité. Quand vous vous approcherez de vos semblables, ils vous fuiront comme un être impur ; et ceux qui croient à votre innocence, ceux-là mêmes vous abandonneront, car on les fuirait à leur tour. Allez en paix, je vous laisse la vie, mais je vous la laisse pire que la mort.

Les monarchies absolues avaient déshonoré le despotisme ; prenons garde que les républiques démocratiques ne le réhabilitent, et qu'en le rendant plus lourd pour quelques-uns, elles ne lui ôtent, aux yeux du plus grand nombre, son aspect odieux et son caractère avilissant.

Chez les nations les plus fières de l'Ancien Monde, on a publié des ouvrages destinés à peindre fidèlement les vices et les ridicules des contemporains ; La Bruyère habitait le palais de Louis XIV quand il composa son chapitre sur les grands, et Molière critiquait la Cour dans des pièces qu'il faisait représenter devant les courtisans. Mais la puissance qui domine aux États-Unis n'entend point ainsi qu'on la joue. Le plus léger reproche la blesse, la moindre vérité piquante l'effarouche ; et il faut qu'on loue depuis les formes de son langage jusqu'à ses plus solides vertus. Aucun écrivain, quelle que soit sa renommée, ne peut échapper à cette obligation d'encenser ses concitoyens. La majorité vit donc dans une perpétuelle adoration d'elle-même ; il n'y a que les étrangers ou l'expérience qui puissent faire arriver certaines vérités jusqu'aux oreilles des Américains.

Si l'Amérique n'a pas encore eu de grands écrivains, nous ne devons pas en chercher ailleurs les raisons : il n'existe pas de génie littéraire sans liberté d'esprit, et il n'y a pas de liberté d'esprit en Amérique.

L'Inquisition n'a jamais pu empêcher qu'il ne circulât en Espagne des livres contraires à la religion du plus grand nombre. L'empire de la majorité fait mieux aux États-Unis : elle a ôté jusqu'à la pensée d'en publier. On rencontre des incrédules en Amérique, mais l'incrédulité n'y trouve pour ainsi dire pas d'organe.

On voit des gouvernements qui s'efforcent de protéger les mœurs en condamnant les auteurs de livres licencieux. Aux États-Unis, on ne condamne personne pour ces sortes d'ouvrages ; mais personne n'est tenté de les écrire. Ce n'est pas cependant que tous les citoyens aient des mœurs pures, mais la majorité est régulière dans les siennes." (A. de Tocqueville, De la démocratie en Amérique)

"L'Amérique, c'est le refuge de ceux qui en ont marre d'être humains." (M.-É. Nabe, Zigzags)

"Le peuple, qui ne se laisse pas prendre aussi aisément qu’on se l’imagine aux vains semblants de la liberté, cesse alors partout de s’intéresser aux affaires de la commune et vit dans l’intérieur de ses propres murs comme un étranger. (…) On voudrait qu’il allât voter, là où on a cru devoir conserver la vaine image d’une élection libre : il s’entête à s’abstenir. Rien de plus commun qu’un pareil spectacle dans l’histoire. Presque tous les princes qui ont détruit la liberté ont tenté d’abord d’en maintenir les formes : cela s’est vu depuis Auguste jusqu’à nos jours ; ils se flattaient ainsi de réunir à la force morale que donne toujours l’assentiment public les commodités que la puissance absolue peut seule offrir. Presque tous ont échoué dans cette entreprise, et ont bientôt découvert qu’il était impossible de faire durer ces menteuses apparences là où la réalité n’était plus." (A. de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution)

- ce qui, espérons-le, est pour bientôt !

Notons que cette dernière citation ne vise pas tant Nicolas Sarkozy que le système qu'actuellement il dirige et représente tant bien que mal.

Trois remarques concernant la tirade de Tocqueville sur le conformisme américain :

- comme le faisait remarquer Muray, il a fallu les déchirements de la guerre de Sécession pour que les États-Unis produisent de grands écrivains : c'est que « la tyrannie de la majorité » (expression de Tocqueville) avait été battue en brèche, que l'« Union » avait été lacérée en deux, fracture que des écrivains ont enregistrée et méditée ;

- vous l'aurez noté, l'évolution de l'Europe en « Union », justement, et en Union conformiste, a fait diminuer les marges de liberté décrites par Tocqueville ;

- de même, vous aurez actualisé ses analyses sur les moeurs des Américains et les « livres licencieux » : il est au contraire, dans une certaine mesure non contradictoire avec le conformisme puritain de masse, devenu conformiste d'être licencieux et anti-conformiste (un exemple évocateur ici, au sujet de la demoiselle qui, les jambes écartées, vous a accueilli, après tant d'autres !, en ouverture de ce texte). Si d'ailleurs l'on cherchait à définir « l'idéologie américaine » (dans le sens de Dumont et de son Idéologie allemande), il faudrait certainement recourir à la notion de conformisme, mais en incluant dans cette notion la volonté de prosélytisme que dans les faits elle comporte : chacun est conformiste et attend des autres qu'ils le soient, donc le moindre propos a un sens normalisateur : que l'on aille ou non dans le sens du vent, on attend des autres qu'ils se conforment à ce que l'on dit. Grégarisme communicatif, je suis l'opinion publique et attends des autres qu'ils en fassent autant, même pour se rebeller contre l'opinion publique - merveille de l'individualisme moderne, la réalité est décidément par trop réjouissante ! - L'incroyable faculté du cinéma américain, puis des séries américaines, à proposer, suggérer, dicter, imposer des comportements, même « rebelles » (without a cause...), m'a toujours, et me laisse encore pantois.



Ce serait, parenthèse cinéphile pour finir, le prix des films de la « deuxième période » de la carrière d'Aldrich : si l'on peut fantasmer sur les personnages de Vera Cruz ou Kiss me deadly, on ne peut plus vouloir ressembler aux « Douze salopards » ou aux membres de la « Bande de flics » : et pourtant, ils sont plus humains que 99% des gens que l'on croise sur les écrans américains. « Détestable humanité », peut-être, mais humanité, au moins !


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mercredi 2 septembre 2009

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"N'est pas le premier venu qui veut. C'est un don que Dieu ne prodigue pas."


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