jeudi 28 juillet 2011

La Norvège rend con.

Je n'ai pas souvenir, depuis que j'ai pris l'habitude d'aller sur Internet - c'est une phrase un peu étrange, je sais... -, d'avoir pu saisir à ce point in vivo l'importance de ce phénomène mental qui consiste à plaquer sur un événement sa propre grille d'analyse, sans prendre le temps de la réflexion. J'aurais presque pu écrire les articles moi-même avant de les lire, quoique le style de certains ne soit pas si aisément imitable ("Alors couchés, fafounets de tous poils...").

Incidemment et dans le même ordre d'idées, j'ai aussi éprouvé quelque jubilation à voir répéter la même formule rhétorique en tête de chaque papier : "Sans doute est-il trop tôt pour tirer toutes les leçons du drame qui a endeuillé la Norvège. Toutefois, on peut d'ores et déjà..." déconner à bloc et ne parler de l'événement qu'à partir de son prisme, sans se soucier du reste.

- Ceci étant dit, peut-on tirer quelques leçons de ce qui n'est qu'une impression, certes plus aiguë que pour d'autres événements, mais néanmoins banale ?

D'abord, que l'idéologisation d'un événement peut-être contre-productive. J'ai lu dans un article (à part la pique ci-dessus contre mon cher Bonnet de nuit, je ne vous donne pas de lien, je m'attache ici à décrire un phénomène collectif, et de toutes façons vous connaissez les sites que je fréquente habituellement) que d'après des témoins Breivk n'était pas le seul à tirer. Voilà ma foi qui mérite intérêt : s'il n'a pas agi seul, avec qui ? Lui a exprimé ses pensées, mais les autres, les éventuels complices, qu'est-ce qui les aurait amenés à participer à ce carnage ? L'idéologie aussi, la même, une autre ? D'autres intérêts ? A force de faire de Breivik le diable en personne - diable facho, diable sioniste, etc. - on passe peut-être à côté d'informations plus proches du déroulement exact des événements.

Ensuite, que l'expression trop rapide de certaines hypothèses ne tend pas à les rendre crédibles. Je pense ici aux accusations formulées sur un mode plus ou moins mesuré à l'endroit d'Israël, accusations que Égalité et Réconciliation ne s'est pas honorée à reprendre. Il n'y a de fait rien d'impossible à ce que le Mossad ait joué un rôle dans cette histoire : cela fait partie de la définition même d'un service secret que de faire des choses secrètes - et autres « coups tordus » qui ont tant fait pour la réputation de nos propres services. Mais comme on ne fait pas aisément la preuve de telles accusations, ne serait-il pas plus sage de fermer sa gueule pendant quelques jours, au lieu de mettre tout de suite Israël sur la table ? Ne voit-on pas qu'en ramenant tout à ça on se met soi-même en scène comme un obsessionnel fanatique ? "Quelques jours", c'est bien vague, je sais, mais pourquoi contribuer, on retombe sur ce que j'écrivais plus haut, à la cacophonie générale, au moment même où il faudrait être attentif aux éléments les plus concrets ?

Enfin, il ne serait peut-être pas inintéressant de faire porter le débat sur la question de la responsabilité des « intellectuels » et des politiques. J'ai beaucoup ri en découvrant que M. Breivik citait dans son texte Alain Finkielkraut, me disant que notre Calimero national n'était décidément pas né sous une bonne étoile (avec ou sans mauvais jeu de mots ?), mais la question reste : Alain Finkielkraut est-il pour quelque chose dans le massacre d'Utoya ? Si Anders Breivik se réclame de notre ami Finkie, la réponse est forcément oui, il n'y a à ce sujet aucune ambiguïté, mais peut-on aller plus loin ? Je suis très content que notre barde mélancolique touche du doigt le fait que les écrits aient des conséquences, mais cela ne signifie pas que sa responsabilité soit fortement engagée.

Afin que l'on ne m'accuse pas de m'acharner sur A. Finkielkraut, je vais prendre un autre exemple, le mien en l'occurrence : si une lecture trop rapide de ce peu amène texte à l'encontre de N. Sarkozy, où je décris la façon dont, en sapant les « corps intermédiaires », notre Président s'expose individuellement plus à une révolte populaire que ses prédécesseurs, ceci avec des photos de Mussolini et S. Hussein en bien piètre état pour rappeler que ces révoltes peuvent finir de sanglante manière ; si donc une lecture trop rapide de ce texte amène quelqu'un d'un peu excessif à se dire qu'après tout Sarkozy l'aura bien cherché et à essayer de le supprimer lui-même, le peuple ne s'y décidant pas, quelle sera ma responsabilité propre ? Comme pour Finkie, elle existera, mais encore ?

Il faudrait ici faire intervenir Aristote et les différents types de causalité, évoquer des exemples mieux connus que ne l'est pour l'heure celui d'A. Breivik, et que, a fortiori, mon hypothèse virtuelle. Mais on peut déjà rappeler que l'emploi de la métaphore en politique est toujours un peu dangereux. D'une part elle peut être prise au mot par certains. D'autre part il serait souhaitable que certains auteurs ou politiciens se posent plus la question de leur attitude par rapport à ce qu'ils disent ou écrivent : à quel point ceci est-il ou non une métaphore ? Question d'autant plus agaçante pour eux qu'une métaphore est souvent précédée d'une expression du type « littéralement », , « à proprement parler », « sans ambiguïté » qui vise précisément à donner du poids à ce que l'on dit, à faire que "ce ne soit pas qu'une métaphore"... Il n'y a rien de plus énervant que ces écrivains qui ruent dans tous les brancards, contre la terre entière, et se replient derrière les conventions de l'« art » et de la « provocation » si d'aventure certains mettent en pratique leurs leçons ou conseils. Comme le disait Simone Weil, ce n'est pas montrer de la sympathie à l'égard des vichystes qui prétendaient que Gide et la NRF étaient responsables de la défaite de 1940, que de rappeler à Gide qu'il ne pouvait à la fois se poser en chef spirituel des jeunes générations durant l'entre-deux-guerres, et expliquer dès la débâcle qu'il n'avait fait que des oeuvres d'art qui ne prétendaient à aucune influence particulière. Laurent Tailhade était bien plus cohérent, qui ne renia rien de ses engagements politiques après avoir été lui-même blessé lors d'un des attentats anarchistes qu'il approuvait. Il est vrai qu'il aurait eu l'air un peu con. Mais à notre époque, se renier et avoir l'air con, ça ne gêne plus personne...

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lundi 18 juillet 2011

"Si l'on peut dire..." (Ajout le 22.07.)

Après que Simone Weil eut connu en elle, à la fin des années 30, la présence du Christ, elle voulut savoir si elle pouvait devenir officiellement chrétienne. Son désir de communier entrait en conflit avec son besoin de savoir si l'Église pouvait l'accepter telle qu'elle était, c'est-à-dire, entre autres difficultés, fermement convaincue de ce que le Verbe s'était incarné avant le Christ et ailleurs qu'en Palestine (en Égypte, en Inde...), convaincue que l'on pouvait être « païen » et authentiquement proche de Dieu et du Christ.

Les prêtres qu'elle rencontra alors furent plus ou moins souples par rapport à ces principes. L'un d'eux finit par lui proposer de la baptiser, mais cela ne suffit pas à vaincre les réticences de S.W., qui ne put se résoudre à accepter ce sacrement sans être totalement sûre d'adhérer du fond d'elle-même à ce qu'il implique. Aussi répondit-elle :

"En ce moment je serais plutôt disposée à mourir pour l'Église, si elle a besoin un jour prochain qu'on meure pour elle, qu'à y entrer. Mourir n'engage à rien, si l'on peut dire ; cela n'enferme pas de mensonge."



Ajout le 22.07.

J'avais délibérément laissé ces deux phrases exemptes de commentaires, je m'aperçois après coup qu'elles trouvent un écho dans la célèbre sentence de Céline : "Il faut choisir, mourir ou mentir." Une nouvelle fois, Simone Weil apparaît comme quelqu'un qui entreprend une tâche quelque peu surhumaine. On voit d'ailleurs dans la biographie écrite par S. Pétrement que sa mort a quelque chose à voir avec une forme d'honnêteté : puisque je ne peux être utile à rien (elle était très déçue de ne pas voir ses projets, soumis à de Gaulle et à d'autres résistants basés à Londres, pris en considération, elle avait l'impression d'être cantonnée à des activités sans intérêts, alors même qu'elle venait d'écrire L'enracinement...), autant s'en aller que de rester là à ne rien faire... A la vérité, il n'est pas évident que S. W. se soit vraiment laissée mourir, comme on a pu l'écrire. Mais c'est comme si son corps, qu'elle n'avait guère ménagé, avait dit stop, avait au moins réclamé une longue pause, au moment même où son esprit devait s'avouer une forme d'échec. Comme si son corps, avec honnêteté donc, se mettait à l'unisson avec l'âme - et choisissait, sinon de se tuer, en tous cas de mourir plutôt que de mentir. ("Je n'ai jamais pu me tuer, moi", ajoutait Bardamu-Céline.)

Et bien sûr, on ne peut que se dire que Simone Weil avait peut-être encore beaucoup de choses à écrire et de messages à transmettre, qu'elle se jugeait trop sévèrement... Mais d'une part ce n'est pas si sûr, elle avait peut-être communiqué l'essentiel de ce qu'elle avait à communiquer ; d'autre part, sans cette sévérité à l'égard de soi-même elle n'aurait pas été la Simone Weil qu'elle a été et qu'on lit encore. Si ce raisonnement paraît trop rigide, il suffit d'imaginer une hypothèse contraire, S. W. vivant jusqu'à 80 ans ou plus et mourant de sa belle mort (comme sa contemporaine Leni Riefenstahl...), pour en comprendre le sens.

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jeudi 14 juillet 2011

"Tout ce que là-bas j'ai volé..." - Fête(s) nationale(s).

C'est un drôle de sentiment que de se dire que l'on est né, en 1971, dans un pays riche - quoi que l'on puisse penser de certaines des origines de cette richesse - et à peu près structuré, et qu'on l'a vu au fil des années s'appauvrir en même temps que sa structure s'apparentait de plus en plus à celle d'une république bananière. Arrogance agressive de ceux qui se sucrent au passage, nationalisme crispé et pas toujours généreux des pigeons de l'affaire (Popu) - ceci sans même insister sur une armée tragiquement inutile où les généraux seront bientôt plus nombreux que les soldats : on se croirait au Mexique de la grande époque…

- La mondialisation comme généralisation de petits Mexique ? Comme sud-américanisation de la planète ?




- c'est ça l'hyperclasse !




- Lancaster ou Cooper, je n'ai jamais réussi à choisir. Selon les âges et les visions je me suis plus ou moins identifié à l'un ou à l'autre, sans pouvoir trancher. A la revision de ce petit extrait je me dis qu'il faut bien que le second ait du charme, dans sa raideur démodée, pour que l'on puisse ne pas lui préférer immédiatement la fougue et l'humour du premier. - Ce qui, finalement, est une façon de dire que le cinéma d'Aldrich était dès le début complexe. Le rapport ambigu de l'anarchiste au courage et à l'armée, voilà bien une thématique de 14 juillet...

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mercredi 13 juillet 2011

De retour de vacances...

éternel


...je constate avec plaisir que certaines coutumes perdurent. La Tradition et la beauté sauveront le monde !

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