jeudi 28 septembre 2006

Paganisme mon cul, athéisme mon cul - paradoxes du ressentiment - simplicité de mon cul.

Pierre Vidal-Naquet (Les assassins de la mémoire, pp. 163-64) :

"Entre Allemands et Juifs, de 1933 à 1945, le rapport n'avait pas été simplement de persécuteurs et de persécutés, voire de destructeurs et de détruits, comme ce fut le cas pour les Tsiganes. Ce que voulaient les nazis, et cela s'exprime parfaitement dans l'idéologie SS, c'était remplacer les Juifs dans leur fonction mythologique de peuple élu, qui depuis le temps des Lumières n'avait cessé de fasciner les nations montantes. En ce sens, on peut dire que le nazisme est une perversa imitatio [A. Besançon], une imitation perverse de l'image du peuple juif. Il fallait rompre avec Abraham, donc aussi avec Jésus, et se chercher avec les Aryens un nouveau lignage. Intellectuellement, la Nouvelle Droite d'aujourd'hui ne raisonne pas autrement." (1987)

Dans une note (p. 223), l'auteur ajoute :

"Et pas uniquement la Nouvelle Droite : tous ceux qui tirent de l'oeuvre de G. Dumézil l'idée, ou plutôt l'utopie rétrospective, que, en somme, l'humanité européenne s'est embarquée sur le mauvais bateau en devenant chrétienne, c'est-à-dire juive."

Ce qui confirme ce que j'avais cru, dans la lignée de Paul-Marie de la Gorce, pouvoir affirmer quant aux rapports d'estime, si j'ose dire, qui liaient les nazis aux juifs, par opposition au mépris pur et simple que ceux-là portaient aux nazis (cf. notamment ce texte, qu'il faudra ceci dit que je complète sous peu.) Ce qui est d'ailleurs par certains aspects une constatation de bon sens : pour être aussi tourmenté par quelqu'un ou par une communauté, il faut bien les prendre un peu au sérieux.

Ce dernier raisonnement semble avoir traversé l'esprit de René Girard, dans une remarque (Le bouc émissaire, Grasset, 1982, éd. "Poche", p. 298) à propos du Moyen Age et des Lumières. Si l'on admet - c'est une question discutée - que le Moyen Age fut au moins aussi païen que chrétien (le culte des saints "adaptant" le catholicisme aux différents paganismes polythéistes de l'époque), si l'on interprète comme une forme d'hommage l'obsession des Lumières à l'égard du catholicisme, on peut soutenir, comme le fait Girard, que le XVIIIè siècle français fut en un certain sens plus chrétien que le Moyen Age occidental. Ce qui permettrait de mieux comprendre le lien entre les Droits de l'Homme et les Evangiles. Une ruse de la raison chrétienne en quelque sorte, si peu hégélien que se proclame par ailleurs Girard.

On répondra que le juif Vidal-Naquet et le catholique Girard font de la réclame pour leur crèmerie. Ce n'est peut-être pas faux, mais, que l'on accepte ou non les diagnostics que je viens de citer (et qui seront étudiés pour eux-mêmes ultérieurement... peut-être !), on a tout intérêt à garder à l'esprit ces liens entre l'hostilité et la fascination, entre l'hostilité et l'envie, entre l'hostilité et la rivalité, entre l'hostilité et le ressentiment (ce dernier, on le sait depuis Nietzsche, étant fort lié à la démocratie ; Girard (La voix méconnue du réel, Grasset, 2002, p. 164) le qualifie de son côté, non sans nuances, d'"enfant du christianisme").

Encore un pas et l'on va tomber dans des impasses théoriques du genre "psychologie du racisme", "ce qui se passe dans la tête d'un raciste", etc. Mais ce ne sont des impasses que si l'on en part : il importe au contraire, d'un point de vue global, de s'assurer que les brillantes synthèses historiques et conceptuelles ont des répondants concrets dans les sentiments des acteurs historiques. Sinon l'on finit par tomber un jour dans ce que j'appellerai, en référence à ma note d'hier, et justement dans une optique de psychologie, le "paradoxe de Redeker" : jouer avec irresponsabilité et veulerie les chevaliers blancs de la responsabilité et du courage.



Sinon, chose promise, chose due - et en toute simplicité :

dieuxdustade17

C'est la fin de mon anonymat !

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mercredi 27 septembre 2006

Monde libre mon cul. (Ajout le 29.09.)

Lorsque l'on découvre un auteur important, il arrive que tout ce qu'on lise ou entende nous semble avoir un rapport avec cet auteur. Et parfois c'est vrai : l'article de Robert Redeker sur l'Islam, publié récemment dans le Figaro - mais indisponible sur le site du journal, pour cause de protestations, et après que le Figaro eut indiqué que ce texte avait été publié sans avoir été lu par la rédaction, ce qui revient à ajouter l'incompétence à la lâcheté -, cet article, donc, est fortement influencé me semble-t-il par René Girard (dont, message à mes lecteurs de gauche, vous n'avez pas fini d'entendre parler).

Il s'agit là d'un tissu de conneries et de sophismes, auquel je ne prendrai pas la peine de répondre. Mais comme ce qui y vient de Girard pourrait convaincre le lecteur, et sinon donner une crédibilité à M. Redeker et au reste de son texte, ce dont je ne me soucie guère, mais renforcer ou créer en lui l'idée d'une supériorité de l'Occident, il y a ici quelques ambiguïtés qui valent l'effort d'une mise au point.

"Comme jadis avec le communisme, l'Occident se retrouve sous surveillance idéologique. L'islam se présente, à l'image du défunt communisme, comme une alternative au monde occidental. À l'instar du communisme d'autrefois, l'islam, pour conquérir les esprits, joue sur une corde sensible. Il se targue d'une légitimité qui trouble la conscience occidentale, attentive à autrui : être la voix des pauvres de la planète. Hier, la voix des pauvres prétendait venir de Moscou, aujourd'hui elle viendrait de La Mecque ! Aujourd'hui à nouveau, des intellectuels incarnent cet oeil du Coran, comme ils incarnaient l'oeil de Moscou hier. Ils excommunient pour islamophobie, comme hier pour anticommunisme.

Dans l'ouverture à autrui, propre à l'Occident, se manifeste une sécularisation du christianisme, dont le fond se résume ainsi : l'autre doit toujours passer avant moi. L'Occidental, héritier du christianisme, est l'être qui met son âme à découvert. Il prend le risque de passer pour faible. (...)

Aucune des fautes de l'Église ne plonge ses racines dans l'Évangile. Jésus est non-violent. Le retour à Jésus est un recours contre les excès de l'institution ecclésiale. Le recours à Mahomet, au contraire, renforce la haine et la violence. Jésus est un maître d'amour, Mahomet un maître de haine. (...)

Au lieu d'éliminer [la] violence archaïque, à l'imitation du judaïsme et du christianisme, en la neutralisant (le judaïsme commence par le refus du sacrifice humain, c'est-à-dire l'entrée dans la civilisation, le christianisme transforme le sacrifice en eucharistie), l'islam lui confectionne un nid, où elle croîtra au chaud. Quand le judaïsme et le christianisme sont des religions dont les rites conjurent la violence, la délégitiment, l'islam est une religion qui, dans son texte sacré même, autant que dans certains de ses rites banals, exalte violence et haine."

Etant donnée la faiblesse de mes connaissances dans le domaine coranique, et bien qu'il n'apparaisse pas nettement dans ce texte que M. Redeker dispose à ce sujet d'un savoir tellement plus étendu que le mien, j'éviterai cet aspect du problème. Je laisserai aussi de côté pour aujourd'hui l'idée de "l'ouverture à autrui", et en resterai donc au coeur de la problématique "girardienne", fort présente dans le dernier paragraphe que je cite.

Pour aller vite, la pensée de R. Girard peut se résumer à trois thèses : la "théorie mimétique", superflue ici ; l'idée que les sociétés sont fondées sur un meurtre primitif et collectif réel dont la victime est ensuite divinisée (un bouc émissaire dont la mort, mettant fin à une crise de la société, apporte la paix : on croit alors que c'est la victime qui a apporté la paix et on lui en est religieusement reconnaissant) ; la vision de la Bible comme la seule religion qui ne soit pas fondée sur ce processus, mais au contraire sur, non pas sa neutralisation comme l'écrit R. Redeker, mais sa dénonciation.

A partir de quoi l'homme a le choix : reprendre le cycle traditionnel de la violence, cycle dont Girard ne nie aucunement qu'il ne soit, dans l'ensemble, et hors les périodes de crise qui débouchent sur des meurtres collectifs, parfaitement viable, ou, en suivant la Bible, rompre ce cycle, ne plus accepter le sacrifice d'une victime émissaire innocente par un lynchage qui soude la communauté. Dieu, le Dieu chrétien, ne peut faire le chemin à notre place, sauf justement à se comporter de la même façon que les dieux archaïques.

"On dit que c'est parce que l'on a fait preuve d'esprit scientifique que l'on a arrêté de brûler les sorcières, mais c'est le contraire : c'est parce que, sous l'influence de la Bible, on a arrêté de brûler les sorcières que l'on a commencé à rechercher des causes naturelles, et non plus humaines, à des phénomènes comme les pestes, les inondations, etc." : à travers ce genre d'idées (je cite très approximativement), Girard explique en quoi il peut selon lui y avoir un lien entre le christianisme et le développement particulier de l'Occident. (On objectera qu'il y eut de la science ailleurs, mais Girard répond qu'en tant que phénomène collectif de grande ampleur seul l'Occident l'a vécu, et que justement cela est dû à l'imprégnation progressive de larges parts des populations occidentales par le message biblique.)

D'autre part, Girard ne dissimule pas que si la révélation biblique lui plaît beaucoup, elle fragilise les univers hiérarchisés traditionnels - les interdits structurant ceux-ci étant selon lui des conséquences du meurtre primitif : la communauté prend des mesures, après s'être défoulée collectivement sur une victime émissaire, pour ne pas se retrouver de nouveau en situation de crise -, et que cela a pu et peut toujours avoir des conséquences terribles. Autrement dit, il renvoie une nouvelle fois à la liberté humaine. Et c'est là où R. Redeker fait, consciemment ou non, n'importe quoi. Il se peut, je n'en sais rien, que toutes les thèses de R. Girard soient justes, il se peut aussi que le Coran soit un texte essentiellement cruel et sanguinaire. Mais même en ces cas, traiter l'Occident comme un produit du christianisme, où la violence archaïque aurait été "neutralisée" (alors qu'il est juste proposé aux hommes une autre voie), est abusif et absurde. Quand bien même le christianisme vaudrait mieux que l'Islam - ce qui, à moins de considérer que toutes les religions se valent, n'est pas une idée inenvisageable, non plus bien sûr que son contraire -, nous occidentaux du XXIè siècle n'y serions strictement pour rien et n'aurions aucune raison de faire les paons de ce point de vue. On ne peut pas à la fois se gargariser de la liberté que nous aurait proposée le christianisme (ce qui j'y insiste est la suite logique de la thèse girardienne implicitement reprise dans le texte qui nous occupe) et suggérer que nous soyions meilleurs que les autres grâce au christianisme : à chaque individu le chemin reste à faire - et, certains, comme Robert Redeker, semblent avoir devant eux une belle marge de progression. Il est amusant de voir à quel point une formule du genre "pas de liberté sans responsabilité", que des gens comme MM. Redeker, Finkielkraut ou Taguieff peuvent appliquer, sans vergogne ni sans non plus nécessairement manquer d'à-propos, à des problématiques aussi diverses que les émeutes de banlieue ou le mariage gay, est susceptible se dissoudre d'elle-même lorsqu'il s'agit de s'abriter derrière un passé supposé glorieux.

Pour ce qui est de l'Islam, évidemment, et tout en restant dans le cadre que nous nous sommes fixés, la perspective essentialiste de M. Redeker saute aux yeux. L'idée que cette religion ait pu évoluer, par ses propres contradictions ou au contact du judaïsme et du christianisme, semble ne pas l'avoir frappé. Ach, n'épiloguons pas là-dessus.

Contentons-nous d'ajouter pour finir, en attendant d'autres aventures, que les considérations développées ici n'empêchent pas René Girard d'être parfois fort sévère avec le monde occidental - et notamment avec des abominations du genre de "Paris-plage", où M. Redeker doit bien être le seul à apercevoir la "beauté".



(Ajout le 29.09.)
J'ai été bien gentil avec M. Redeker, qui n'a vraiment pas inventé la poudre, mais là n'est pas le sujet : un ami me fait remarquer que l'argument de l'ignorance, utilisé par le Figaro, avait déjà été utilisé par l'éditeur P.OL. lors de ce qu'il est convenu d'appeler "l'affaire Camus". Nos éditeurs et maisons de presse préfèrent passer pour nuls et incompétents qu'islamophobes ou antisémites. Drôle de conception tout de même de l'orgueil professionnel - quand il suffit de dire que "ce n'est pas parce qu'on publie quelqu'un qu'on le cautionne blabla..." On ne s'étonnera pas que ces gens-là passent pour des charlots.

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vendredi 22 septembre 2006

"Les Juifs, les Arabes et moi."

Pourquoi ces guillemets ? Parce qu'il ne s'agit ni d'une confession, ni d'une provocation, ni du début d'une trahison. Juste d'une mise au clair de certains présupposés des discours tenus ici, présupposés dont je ne peux pas ne pas penser qu'ils sont partagés par d'autres, que ce soit là de ma part modestie (je n'ai rien inventé) ou prétention (les autres doivent penser comme moi).

En tout état de cause, je ne chercherai nullement aujourd'hui à élargir le propos ; j'en resterai à un diagnostic personnel, dans lequel le lecteur se reconnaîtra à des degrés divers, jusque peut-être au degré zéro.

Je ne me pensais pas si philosémite que cela, mais depuis que cette expression m'est venue au fil de la plume, je me suis progressivement rendu compte à quel point je l'étais. Ach, pas de chance, le communautarisme juif est à la pointe de l'insupportable, et l'état du même nom, ou plutôt du même adjectif, une aberration criminelle, de plus en plus aberrante et criminelle, quand bien même il ne se réduit pas à cela. Maintenant, le communautarisme juif n'est pas seul en son genre, et surtout Israël n'est pas le pire état de la planète, malgré toute sa bonne volonté actuelle. Mais depuis qu'ils ont, peut-être pas inventé le monothéisme (car il y a le problème Zoroastre), mais ouvert la voie à une religion si ce n'est fondée en dernière instance sur, du moins fortement orientée vers l'homme, les Juifs ont tellement participé à l'aventure humaine - et souvent, paradoxe des minorités opprimées, pour le meilleur - que je ne suis pas le seul, ceci peut être affirmé sans risque d'être sérieusement contredit, à leur en être reconnaissant. De ceci nous sommes nombreux à être conscients, éventuellement pour le pire, puisqu'en la matière nous comptons comme auguste prédécesseur Adolf Hitler, dont j'ai déjà noté que s'il détestait autant les Juifs c'était entre autres parce qu'il voyait en eux des rivaux de la race aryenne - ce que n'étaient pas dans son esprit les Arabes, trente-six niveaux en-dessous.

"Qui aime bien châtie bien" : les pro-israéliens à la Jean-Claude Milner n'ont pas tort de signaler des points de convergence entre l'antisémitisme des années 30 et la "réprobation d'Israël" actuelle, mais, sans revenir sur le fait que cela n'exonère en rien Israël de ses accablantes responsabilités, ils ne comprennent pas ou omettent d'indiquer que la colère actuelle à l'égard d'Israël est aussi un hommage rendu à l'intelligence des Israéliens en général et des juifs en particulier, si j'ose dire. Formulé autrement : si ce que fait Israël choque plus que les crimes chinois ou sri-lankais, ce n'est pas seulement pour les raisons géopolitiques qui font du Moyen-Orient un reflet particulièrement aigu de certaines des tensions actuelles, c'est parce que nous jugeons les Israéliens à notre propre aune, et que nous leur en voulons de nous décevoir de ce point de vue (ce qui ne signifie certes pas que "nous" soyons exemplaires au regard de nos propres valeurs).

Mais les Arabes... J'ai, sans doute est-ce obligatoire, élargi mon point de vue à d'autres que moi, revenons à notre point de départ, me, myself and I. J'ai beaucoup de respect pour la résistance des Palestiniens à tout ce qu'ils subissent, je rends hommage avec plaisir au courage des combattants anti-américains, en Irak ou à New-York, je partage une bonne partie du diagnostic de Jean-Pierre Voyer ("L’Occident est un monde déserté par l’esprit. L’Occident est le devenir monde de l’idéologie anglaise que l’on peut résumer ainsi : le bien et le bonheur sont mesurables. De ce fait, l’Islam, ce qu’il en reste, se trouve être la seule demeure de l’esprit dans le monde. Il se trouve donc sans concurrent. Pour qu’il y ait guerre des civilisations, encore faudrait-il qu’il y eût au moins deux civilisations, ce qui n’est pas le cas."), bien qu'il enterre peut-être l'"Occident" trop vite : il n'en reste pas moins que je ne connais à peu près rien au monde arabe, et que cela ne m'empêche guère de dormir. Ce n'est pas une fin de non-recevoir ou un refus de m'y intéresser : c'est juste comme cela, à l'heure où j'écris. En gros, j'ai lu trois sourates du Coran, d'ailleurs magnifiques, je connais une dizaine des mille et une nuits, et je sais que les Arabes ont inventé le zéro. Le catalogue est vite fait.

Cette méconnaissance ne trouble pas mon jugement - même si, c'est un fait, j'ai toujours été léger, du point de vue de la documentation, pour ce qui est des combats en Irak. Mais cette méconnaissance même, en général, et le fait que je n'aie pas hésité à dire du bien de M. Al-Zarkaoui malgré la faiblesse de mon savoir sur le sujet (et si ceci pouvait se justifier quant à l'aspect symbolique - fort - du personnage, j'aurais pu souligner plus cette dimension), en particulier, prouvent bien que je me permets ici un niveau d'approximation que je ne me serais pas permis avec les Israéliens (ce qui me rend assez sûr de moi au niveau géopolitique, pour ce qui est de mon appréciation globale sur le Moyen-Orient) et qui est un évident reste d'ethnocentrisme. (Après on retombe sur des problèmes classiques : le monde arabe n'est pas censé avoir les mêmes valeurs que nous, Israël si, donc cette discordance de point de vue et d'exigence peut s'expliquer. Certes, mais pas jusqu'à justifier sans le vouloir la théorie du choc des civilisations...)

Que l'on me comprenne bien : je ne cherche ni à me dédire, ni à incriminer des mouvements "pro-arabes" ou "pro-palestiniens" en les accusant de paternalisme. Evidemment, je ne suis pas naïf à ce sujet, mais, ici comme ailleurs, la bêtise de certains ne nuit pas, profondément, à la valeur de la cause qu'ils défendent. Je constate juste que moi qui ai passé pas mal de temps à taper sur Israël et le communautarisme juif, je l'ai fait en partie par admiration pour les Juifs en général. Et que si j'ai soutenu verbalement des Arabes, c'était sur des exemples précis, pas du tout par attirance particulière pour leur culture ou leur histoire (quoique : le sérail, tout de même...).

Ceci n'étant pas une thèse, mais un constat, il n'y a pas de conclusion à en tirer.

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Effet pervers, de balancier, d'optique ?

Mais l'on se met à lire si souvent, notamment chez un certain M. Bonnet, et parfois avec des arguments que l'on aurait pu développer ici-même, des pronostics sur la future défaite de Nicolas Sarkozy, que l'on se prend à craindre que ces pronostics n'arrivent trop tôt, et qu'ils ne soient en fait mauvais signe.



Et voilà comment l'on se met à aborder "2007"... Je ne dois pas être le seul, ceci dit, à avoir la confuse impression que cette élection - sauf cas de victoire de Jean-Marie Le Pen, où là on pourrait s'amuser (mais il ne faut pas rêver) - ne changera rien à rien à moins que N. Sarkozy ne l'emporte, ce qui serait pire que tout. Il n'y a rien de bon à attendre du scrutin à venir, mais une tragédie, ou du moins un drame, à en redouter. Miam !

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mercredi 20 septembre 2006

Piqué chez le voisin.

En l'occurrence M. Statler :

"Je lisais dans le Courrier international numéro 828, la chose suivante :

"Le 10 mai dernier la Fed, la banque centrale américaine, a relevé ses taux directeurs. Wall Street a chancelé et les marchés d'actions dans les économies émergentes ont carrément plongé. (...)

Certes l'économie américaine reste la première au monde et l'évolution des taux d'intérêts américains touche l'ensemble du système financier. Mais au cœur de cette histoire se tapit quelque chose de très sombre – l'industrie des fonds spéculatifs. Face à ces seigneurs de l'apocalypse, qui ont la capacité de provoquer le prochain krach, nul ne sait quoi faire."

En lisant cela j'ai pensé aux colonels Qiao Liang et Wang Xiangsui (La guerre hors limites, Payot-Rivages, 2003) :

"Depuis qu'ils ont vécu la crise financière de l'Asie du Sud-Est, personne d'autre que les asiatiques n'a été autant affecté par la guerre financière. A vrai dire ils n'ont pas été seulement affectés mais véritablement laminés ! Une offensive financière surprise, volontairement planifiée et lancée par les détenteurs de capitaux flottants internationaux, a abouti à envoyer au tapis des pays que peu de temps auparavant le monde affublait du titre de "petits tigres" et de "petits dragons". (...) Les pertes causées par ce chaos prolongé ne sont pas inférieures aux pertes produites par une guerre régionale, et le mal fait au corps social est même encore plus grave que celui qu'aurait engendré une guerre régionale. Ce fut la première guerre menée par des organisations non-étatiques pour attaquer des pays souverains sans la force armée. (...)

L'attitude et la méthode adoptées par les Américains dans le traitement de la crise financière asiatique ont été un secret étroitement gardé. Quand la tempête éclata, les États-Unis s'opposèrent immédiatement à la proposition japonnaise de créer un fonds monétaire asiatique ; ils soutinrent la mise en place d'un plan de sauvetage soumis à conditions par l'intermédiaire du FMI dont ils sont l'un des principaux actionnaires, dans l'intention de forcer les pays asiatiques à accepter la politique de libéralisation économique dont ils étaient les promoteurs. Ainsi, ils posèrent comme condition à l'attribution par le FMI d'un prêt de 55 milliards de dollars à la Corée l'ouverture totale de son marché, offrant aux capitaux américains l'occasion de racheter des entreprises coréennes à des prix dérisoirement bas. Exiger, par ces méthodes de gangster, l'ouverture de marchés ou l'exclusion d'autres pays de ces marchés au profit des pays développés conduits par les États Unis s'apparente à une forme déguisée d'occupation économique"."


"Démocratie", "guerre" - les mots ne veulent plus dire grand-chose. Benoît XVI sur ce point ne me contredira pas.

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dimanche 17 septembre 2006

Au commencement était la parole...

Il est donc recommandé de l'écouter, ou de la lire, avant que d'émettre des jugements, avant que de suivre les jugements émis par d'autres.

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samedi 16 septembre 2006

L'une chante, l'autre bave.

Elisabeth Schwarzkopf, Leopold Simoneau, et maintenant Astrid Varnay

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- décidément le monde lyrique lève le camp avant l'apocalypse. La meilleure, la plus grande, Sena Jurinac, partira sans doute en dernier, pour la beauté du symbole.

Les critiques anglo-saxons considèrent généralement Varnay comme une transition intéressante, mais seulement une transition, dans le chant wagnérien, entre les années 30 dominées par l'immense Kirsten Flagstad, et les années 60 de Birgit Nilsson. Les critiques français répondent que Nilsson, qu'elle chante Isolde, Sieglinde ou Brunnhile, reste aussi désespérement frigide que lorsqu'elle interprète la très vierge Turandot. La vérité est entre les deux : Nilsson fut une admirable chanteuse, Varnay fut moins sûre vocalement, mais le meilleur de Varnay est au-dessus et nettement plus émouvant que le meilleur de Nilsson. En témoigne la meilleure version du Ring, celle de Clemens Krauss à Bayreuth en 1953 - son dernier acte de La Walkyrie, avec Hans Hotter, ou son immolation de Brunnhilde dans Le crépuscule me laissent à tout coup sans voix (c'est logique), mais, hélas pour mes proches, pas tout à fait muet d'admiration - un fier destrier à mes côtés j'irais dans ces moments-là volontiers - la victoire en chantant - abattre les murs protégeant les dieux, rejeter à la mer l'idole par excellence - l'or -, tel M. Atta sur son Boeing, brisant les murs de l'argent...

Référence d'autant moins incongrue que :

- le Ring en son entier peut être interprété, ainsi que le fit un jour Alain Badiou, comme une métaphore du rôle destructurant de l'argent dans les relations humaines. Chez Wagner, cela entrainait, entre autres, le crépuscule des dieux ; de nos jours ce serait plutôt - bientôt ? - le crépuscule des hommes, apocalypse athée, crépuscule des impies ;

- Astrid Varnay fit ses grands débuts sur scène la veille de Pearl Harbor, ce qui présageait déjà d'un beau rapport à l'apocalypse ;

- j'apprends à quelques heures d'intervalle son décès et celui de l'épouvantable Oriana Fallaci

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- qui (clopait, c'est un bon point pour elle, et) fut précisément "inspirée" par le 11 septembre. Elle aurait alors bien voulu posséder le génie littéraire de Céline, elle qui, dans le registre raciste, avait à peine plus de style qu'un vulgaire maire de Montfermeil. Moi qui ai pris la peine de lire La rage et l'orgueil, je lui aurais pardonné son racisme islamophobe, lequel ne m'a jamais empêché de dormir, je n'aurais pas éprouvé une certaine bouffée de plaisir à imaginer les années de souffrance que son cancer lui avait causées, je n'écrirais pas ceci, si ce livre avait poussé la haine jusqu'au délire, jusqu'au génie - malsain, dangereux, je veux bien, mais "humain, trop humain". Mettons les points sur les i : ce qu'écrivit Céline il y a soixante-dix ans dans ses pamphlets est certes répugnant, mais il reste, même là, un écrivain de génie qui fait que l'on ne peut tout à fait suivre contre lui les apôtres du politiquement correct. Au lieu que Fallacci était trop médiocre pour que l'on ne se résigne pas à rejoindre, contre elle, une si triste compagnie.

Et puis certes, il y a, ou plutôt il y avait Fallacci, mais il y a des "prêcheurs de haine" comme Finkielkraut ou Taguieff, qui l'ont soutenue lors de la sortie de ce livre - de farouches défenseurs de la République applaudissant à des phrases telles que : "Dieu merci, je n’ai jamais eu affaire à un homme arabe. A mon avis il y a quelque chose dans les hommes arabes qui dégoûte les femmes de bon goût.", ou : "Les Italiens ne font plus d’enfants, les imbéciles. Les autres Européens, à peu près pareil. Les fils d’Allah, au contraire, se multiplient comme des rats.” - cela laisse, pour le coup, vraiment bouche bée.

Je me tais donc et vous laisse, j'ai un Ring à écouter.

War es so schmälich...

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mercredi 13 septembre 2006

Godwin forever.

(Ajout le lendemain.)


Puisque je suis en veine de comparaisons, poursuivons, avec l'aide de Pierre Vidal-Naquet (Les assassins de la mémoire), quelques parallèles entrepris ces derniers temps :

- propagande sioniste effrénée / négationnisme :

"S'agissant d'Israël, peut-on s'en tenir à l'histoire ? La Shoah déborde celle-ci, d'abord par le rôle dramatique qu'elle a joué aux origines mêmes de l'Etat, ensuite par ce qu'il faut bien appeler l'instrumentalisation quotidienne du grand massacre par la classe politique israélienne. Du coup, le génocide des Juifs cesse d'être une réalité historique vécue de façon essentielle, pour devenir un instrument banal de légitimation politique, invoqué aussi bien pour obtenir telle ou telle adhésion politique à l'intérieur du pays que pour faire pression sur la Diaspora et faire en sorte qu'elle suive inconditionnellement les inflexions de la politique israélienne. Paradoxe d'une utilisation qui fait du génocide à la fois un moment sacré de l'histoire, un argument très profane, voire une occasion de tourisme et de commerce.

Est-il besoin d'ajouter que, parmi les effets pervers de cette instrumentalisation du génocide, il y a la confusion constante et savamment entretenue entre la haine des nazis et celle des Arabes ?

Personne ne peut s'attendre à ce que les années 1939-1945 s'inscrivent immédiatement dans le royaume serein (pas toujours) des chartes médiévales et des inscriptions grecques, mais leur manipulation permanente les prive de leur épaisseur historique, les déréalise et par conséquent apporte à la folie et au mensonge révisionnistes la plus redoutable et la plus efficace des collaborations." (p. 130 ; 1985)

(Il s'agit sous cet aspect moins d'un parallèle que d'une relation de cause à effet.)

- pratiques de la démocratie contemporaine, notamment anglo-saxonne, et pratiques des régimes totalitaires :

P. Vidal-Naquet cite (p. 142) ces lignes de Franz Neumann (Béhémoth, 1944) :

"Le national-socialisme, qui prétend avoir aboli la lutte des classes, a besoin d'un adversaire dont l'existence même puisse intégrer les groupes antagonistes au sein de cette société. Cet ennemi ne doit pas être trop faible. S'il était trop faible, il serait impossible de le présenter au peuple comme l'ennemi suprême. Il ne doit pas non plus être trop fort, car sinon les nazis s'engageraient dans une lutte difficile contre un ennemi puissant. C'est pour cette raison que l'Eglise catholique n'a pas été promue au rang d'ennemi suprême. Mais les Juifs remplissent admirablement ce rôle. Par conséquent, cette idéologie et ces pratiques antisémites entraînent l'extermination des Juifs, seul moyen d'atteindre un objectif ultime, c'est-à-dire la destruction des institutions, des croyances et des groupes encore libres."

Cette tirade d'esprit fonctionnaliste est moins une explication en tant que telle de l'extermination des Juifs qu'une explicitation de certaines de ses conditions de possibilité, mais ce n'est pas notre problème aujourd'hui : la dernière phrase suscite immanquablement me semble-t-il le parallèle avec les effets concrets, encore limités certes en France pour les citoyens "de souche", de la "guerre contre le terrorisme". Le parallèle vaut aussi pour le moyen choisi pour atteindre "l'objectif ultime" de contrôle des libertés : l'ennemi n'est pas trop faible, certes, mais il n'est pas non plus trop fort, puisqu'il ne s'agit pas, en principe, d'affronter le monde arabe ou le monde musulman en leur ensemble. Le parallèle s'arrête là, puisque en l'occurrence, si l'on veut que le terrorisme musulman ne soit pas "trop faible", il faut heurter le monde musulman, au risque que celui-ci bascule globalement dans l'adversité armée. Dosage difficile, quadrature du cercle vicieux.

Quoi qu'il en soit, tout ceci suggère une nouvelle définition du totalitarisme, cette fois-ci dans les termes d'un René Girard. Celui-ci met à la base des sociétés (à la base de tout, même) le système du bouc émissaire : les hommes se réconcilient - momentanément, mais parfois avec solidité - par un meurtre fondateur (bien réel) dont tous les membres de la communauté se rendent coupables. La victime tuée, expulsée de la société, la vie en commun démarre ou reprend, jusqu'à la prochaine crise. Le totalitarisme - et quoi qu'il en soit de ce concept, ici le communisme, le nazisme et la "guerre contre le terrorisme" se rejoignent pleinement - vivrait d'une certaine surchauffe permanente de ce système, par antithèse avec l'explosion violente et unique du meurtre (re-)fondateur. L'ennemi de classe, le Juif, le terroriste qui empêche de capitaliser en rond sont toujours présents, il faut se battre contre eux en permanence. Et ici comme ailleurs le nazisme se distinguerait par un aspect plus archaïque - sa définition de la victime émissaire, malgré la célèbre réponse de Goebbels à Fritz Lang : "C'est nous qui décidons qui est juif et qui ne l'est pas", étant moins flexible que celle du "bourgeois" ou du "terroriste" (cf. Guantanamo) -, plus franc et massif, dira-t-on sans certes prétendre que cela console les victimes émissaires en question : il reste que Staline était plus doué pour trouver en permanence de nouveaux ennemis-à-éliminer-avant-toute-chose-pour-que-le-communisme-survive.

Définition, ou élément de définition, ou formulation qui n'est pas exclusive de la piste jusqu'ici suivie dans l'esprit d'un Dumont.

Les parallèles se rejoignent à l'infini de la saloperie.


(Le lendemain matin.)
"Pour-que-le-communisme-survive" - c'est encore un trait typique du communisme et du nazisme que l'on retrouve dans la "guerre contre le terrorisme" : la formulation des problèmes en terme de survie, de tout ou rien, de "c'est eux ou nous". La puissance effective de l'ennemi - qui peut être réelle, comme dans le cas de l'Allemagne hitlérienne en 1941 (d'ailleurs la force de la réaction des Russes peut s'expliquer, en petite partie, dans ce cadre : enfin un ennemi réel contre qui combattre, pas une classe bourgeoise complètement décimée, fantasme au service de discours et pratiques répressifs) ou de la guerre du Kippour - ne joue à peu près aucun rôle dans cette rhétorique : l'important est que cet ennemi ne veut qu'une chose, depuis toujours et pour toujours : notre mort.

Dans le cas d'Israël, l'utilisation permanente de cette stratégie est pour le moins évidente. Le distingué biomètre Tony Blair ne tient pas un autre discours. Qui y croit ne peut, c'est humain, que choisir "nous" contre "eux", nous sommes en pleine logique de la victime émissaire - et donner quitus à l'aggravation de son propre esclavage.



Ceci n'a vraiment quasiment rien à voir, mais autant le caser ici qu'ailleurs :

"Ecrire, et plus encore écrire en français, semble être la projection de l'échec absolu de soi-même." (Dominique de Roux, 1966)

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mardi 12 septembre 2006

Le rouge, le noir, le vert.

(Complété le lendemain.)


"Est-ce ma faute à moi si les jeunes gens de la cour sont de si grands partisans du convenable, et pâlissent à la seule idée de la moindre aventure un peu singulière ? Un petit voyage en Grèce ou en Afrique est pour eux le comble de l'audace, et encore ne savent-ils marcher qu'en troupe. Dès qu'ils se voient seuls, ils ont peur, non de la lance du Bédouin, mais du ridicule, et cette peur les rend fous."

(Le Rouge et le Noir, II, XII.)

Si l'on ajoute que le ridicule en question est, cela est précisé par Stendhal quelques lignes plus loin, devenu lui-même bien inoffensif, nul besoin, et ce n'est d'ailleurs pas le cas du personnage qui exprime ces pensées - Mathilde de La Mole -, nul besoin d'aimer le Bédouin en question pour en conclure que cela nous ferait - que, qui sait, cela nous fait - du bien d'avoir peur de sa lance. Non que cela nous soude contre l'adversité, en confiant à nos gouvernants le soin de nous en débarrasser : ça, c'est parce que nous n'en avons pas assez peur (donc que nous ne pouvons pas encore être courageux). Mais parce que - retournons au conditionnel - cela pourrait permettre à chacun de mesurer de nouveau ses propres forces, d'estimer, de jauger sa propre valeur - et de cesser de ne "marcher qu'en troupe". Qui sait ?



C'est une situation paradoxale, cocasse même, qu'il faille envisager, voire souhaiter, pour qu'un jour le monde se porte un peu mieux, des conflits armés, lesquels à l'heure actuelle peuvent être apocalyptiques. Mais on ne les envisage, on ne les souhaite pas ici pour purger la planète de ses "méchants" (Arabes, impérialistes, etc.), mais pour que chacun des camps (lesquels, d'ailleurs ?) retrouve de la dignité, sans laquelle on ne peut rien construire.

Car les deux autres scenarii envisageables, qui d'ailleurs, autre paradoxe, ne sont pas exclusifs l'un de l'autre, sont la "guerre contre le terrorisme" indéfiniment prolongée, en un cycle violence-répression qui risque de ne pas faire envie aux populations concernées, et la victoire occidentale par la mollesse, le confort, la consommation, la veulerie, etc. ; c'est la formule de Muray : "Nous vaincrons parce que nous sommes les plus morts." - et ce serait tragique.

Tout cela je l'accorde risque de paraître peu enthousiasmant.

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dimanche 10 septembre 2006

Faurissonneries.

Les liens n'étant plus disponibles sur le site de Libération, je reproduis les articles cités en fin de note.

- S. Trigano

- M. Tubiana

- B. Stevens


Léger ajout le 13.09.


Oublions - et espérons qu'elles se fassent d'elles-mêmes oublier - les dérisoires incompétences communautaristes qui font désormais l'ordinaire du débat public en France, et passons au degré supérieur du mensonge, de la propagande et de la bassesse, avec un article de M. Shmuel Trigano consacré au Proche-Orient.

Cet article, que j'ai découvert via Alain Gresh, est réfuté sur la plupart des points par Michel Tubiana, président de la Ligue des Droits de l'Homme (une organisation militante qui, tout arrive, me semble digne de respect) et Bruno Stevens, "photojournaliste" mis implicitement en cause par M. Trigano.

Je ne suis pas nécessairement en phase avec tout ce qu'écrivent MM. Tubiana et Stevens, mais l'on ne s'embarquera pas ici dans les détails - au contraire, justement, puisqu'en lisant Shmuel Trigano je me suis aperçu qu'un des éléments de sa stratégie rhétorique était de se concentrer sur les détails en lieu et place de l'essentiel. Ce qui m'a donné l'idée d'un parallèle entre son attitude et celle des négationnistes, parallèle que je vais de ce pas développer.


Auparavant s'imposent quelques précautions, que les lecteurs charitables, comme dit je crois Richard Rorty, c'est-à-dire, et c'est une corporation à laquelle je m'honore d'appartenir, ceux qui en lisant un texte s'attachent toujours à l'interprétation la plus favorable à ce qui y est écrit comme à son auteur, que les lecteurs charitables, donc, peuvent s'épargner la peine de lire, pour nous retrouver cinq paragraphes plus loin.

Je ne connais pas les livres de Shmuel Trigano, à l'exception de quelques pages qui ont un rapport direct avec son article et dont je ferai état plus loin. Je suis donc tout à fait prêt à admettre que cet homme-là, que la quatrième de couverture d'un de ses ouvrages présente comme un "philosophe reconnu", ce qui doit vouloir dire que d'aucuns n'en sont pas si sûrs, je ne doute pas, disais-je !, que cet homme soit capable d'écrire des choses intéressantes. Dans le cas présent, cela aggraverait plutôt son cas à mes yeux, mais je voulais par là préciser que ce qui m'intéresse ici est un état d'esprit et une rhétorique, pas un auteur précis. (D'ailleurs, en un certain sens, M. Trigano a tellement d'aplomb pour défendre l'indéfendable, que je pourrais ressentir pour lui le même genre de sympathie amusée qu'il arrive que l'on éprouve, de temps à autre, pour un clochard spécialement répugnant, un criminel honni par la foule - ou, justement, un Serge Thion ou un Robert Faurisson. Il y a tout de même une différence notable, sur laquelle je concluerai.)

Dès que l'on parle de négationnisme, tout le monde devient fou, et peut-être faut-il que je dissipe toute ambiguïté à cet égard : est-ce une naïve confiance en la vérité, j'ai, je l'avoue, toujours eu du mal à prendre le négationnisme comme ses zélateurs au sérieux. Quant à la façon dont ce discours est présenté comme le péché ou le risque majeur de l'Occident actuel, disons pour être bref et modéré qu'elle me laisse perplexe. Mais j'admets sans peine que l'irruption dans les pages du Monde d'un article de Robert Faurisson en décembre 1978 ait déclenché plus qu'un haut-le-coeur chez d'anciens déportés ou leurs descendants ; il est évidemment tout à fait sain que ce haut-le-coeur persiste. En gros, j'aurais un peu à l'égard du négationnisme l'attitude préconisée par Pierre Vidal-Naquet dans son classique sur le sujet, Les assassins de la mémoire (La découverte, 1987), lu spécialement pour l'occasion (y ayant trouvé du grain à moudre, j'y ferai souvent référence) : le négationnisme, c'est comme le porno, ça existe, autant faire avec, c'est-à-dire, faire sans (et puis, ajouterai-je, un peu de Pierre Guillaume vous défoule de vos bons sentiments, comme, peu ou prou, un peu de porno vous défoule de l'amour : ça purge - il faut se purger de tout, même du bon, même avec du mauvais). Bref, dans l'état actuel des choses, je tiens le négationnisme pour un phénomène marginal, plus farfelu et inintéressant qu'autre chose, sans nier que s'il venait à s'étendre - et contrairement à ce qu'on entend parfois, cela ne me semble pas être le cas - il faudrait prendre la chose moins à la légère. Il n'est pas certain que cette minimisation du péril négationniste atténue mes critiques à l'égard de Shmuel Trigano.

Je trouve par ailleurs de fort peu d'intérêt la comparaison entre Israël et les nazis, je ne cherche donc pas à l'établir en sous-main. Il me semble que les crimes d'Israël parlent d'eux-mêmes, sans que l'on soit obligé de les référer à quelque modèle. Ceci dit, au rythme actuel de plusieurs Palestiniens tués par jour, il y a certes de la marge avant que l'on atteigne la barre mythique des six millions, mais cela va tout de même vite faire du chiffre.

Enfin, je ne prétends nullement être le premier à dessiner le parallèle propagande pro-israélienne - négationnisme, j'en donnerai moi-même un exemple remontant à 1987. J'espère juste en tracer l'intérêt comme les limites.


L-ebranlement-d-Israel


Commençons par opposer à M. Trigano quelques arguments non développés par MM. Gresh, Tubiana, Stevens, au sujet de cette prédominance de l'enfant dans les images des guerres du Moyen-Orient. Elle ne me semble rien moins que naturelle, tant la société occidentale est obnubilée par l'enfance, la surinvestit de tous ses espoirs et d'une innocence qui n'existe que dans ses rêves (pour, par contrecoup, surinvestir de même l'image du pédophile, mais passons). Comme les Arabes font beaucoup d'enfants, ce qu'Israël certes n'ignore pas, il n'est pas étonnant qu'Israël en tue, et comme il y a beaucoup d'enfants morts et que nous les Occidentaux adorons les enfants, il est naturel que l'on en voie beaucoup à la télévision. De même sur les exagérations, les accusations trop rapides de génocide, démenties après coup par des estimations plus exactes des morts et des blessés : c'est toute la télévision qui agit ainsi, en permanence, sur tous les sujets qu'elle traite : on peut s'en moquer et la critiquer, mais si cela dérange vraiment Shmuel Trigano, qu'il fasse comme moi, qu'il ne la regarde pas, il ne s'en portera pas plus mal.

Sauf que... M. Trigano a besoin de la télévision pour son propos, quitte à lui prêter une intelligence qu'elle ne manifeste pourtant que fort rarement, de même que les négationnistes se repaissent du consensus des historiens - et des peuples... - sur la réalité de l'extermination des juifs, a fortiori si toute expression de désaccord avec ce consensus est sanctionnée par l'Etat. Pour jouer les victimes ? Bien sûr, mais cela est partagé avec toutes sortes de propagandes, y endosser le rôle du plus faible est un passage obligé. Non, ce qui fait vraiment se rejoindre ici MM. Trigano et Faurisson, c'est qu'un consensus réunissant par définition beaucoup de monde, donc une bonne part d'imbéciles, on y trouvera nécessairement des sottises, des exagérations, et même des manipulations, et que c'est sur ces bourdes, approximations et manipulations que l'on fera porter l'attention, au mépris de l'essentiel. Je viens d'en donner un exemple pour ce qui est des exagérations : certains négationnistes prennent pareillement appui sur le fait que la plaque commémorative à l'entrée d'Auschwitz indique un nombre bien supérieur aux gazages qui y ont effectivement eu lieu pour en conclure que ce chiffre pourrait encore être abaissé, éventuellement tendre vers zéro. Que l'on ait déliré sur Jénine ne signifie pas qu'il ne s'y est rien passé, et d'ailleurs, matois, le stalinien Trigano oublie de mentionner toutes les graves destructions de matériel perpétrées alors par l'armée israélienne.

On en dira autant des appels guerriers des muftis tel que les cite Shmuel Trigano dans son livre L'ébranlement d'Israël. Philosophie de l'histoire juive, Seuil, 2002, lors d'un chapitre consacré précisément à "la déshumanisation d'Israël : l'enfant-martyr" (pp. 19-26, ici p. 20). Passons sur le fait que ces citations sont faites sans trop nous expliquer le contexte, admettons, en lecteur charitable, qu'elles constituent effectivement, comme il est possible, des appels fondamentalistes à la haine religieuse, cela ne changerait rien aux assassinats d'enfants palestiniens par les Israéliens. Comme le dit très bien Vidal-Naquet, après avoir d'ailleurs noté que le sionisme "fait du grand massacre [le génocide des Juifs] une utilisation qui est parfois scandaleuse" : "Qu'une idéologie s'empare d'un fait ne supprime pas l'existence de celui-ci." (p. 30)

Le même raisonnement s'applique aux manipulations. Les négationnistes se sont beaucoup excités sur l'authenticité douteuse du Journal d'Anne Franck, authenticité que Vidal-Naquet reconnaît problématique sans que je comprenne bien s'il admet qu'il s'agisse effectivement d'un faux (p. 215). Mais - outre que c'est un livre ennuyeux comme la mort -, qu'il soit un faux n'implique nullement que l'extermination des juifs n'ait pas eu lieu. Il est possible que certaines personnes, "bien intentionnées", aient déposé un ours en peluche auprès d'un cadavre d'enfant pour en rajouter sur le symbole, cela ne signifie pas qu'elles aient aussi tué l'enfant. Dans les deux cas d'ailleurs, la charge de la preuve incomberait à M. Trigano. Il n'est pas sûr en l'espèce que sa "méthode paranoïaque hypercritique" (Vidal-Naquet à propos de Faurrisson, p. 105) lui soit d'un grand secours. L'adjectif "hypercritique" s'applique d'ailleurs à la polémique sur la mort de l'enfant Mohammed Al-Dura, à laquelle fait allusion Shmuel Trigano dans son article et dont il fait un grand plat dans L'ébranlement d'Israël (p. 21 - cf. annexe). Quoi qu'il y ait là une manoeuvre de diversion fort classique, cela fait aussi penser aux négationnistes déployant des trésors d'astuce sur les points les plus fragiles de certains témoignages, tout en faisant l'impasse sur ce que ces témoignages ont de plus solide et de commun entre eux. Pour être clair : on pourrait accepter la discussion sur la provenance de la balle ayant tué Mohammed Al-Dura si, depuis sa mort le 30 septembre 2000, des centaines de gamins arabes ne l'avaient suivi dans la tombe.

Eloignons-nous un peu du négationnisme sans malheureusement tout à fait le quitter : il y a dans le texte de M. Trigano un mépris des faits, au profit de l'idéologie, qui ne laisse pas de sidérer. Sous prétexte qu'il y eut un mythe antisémite selon lequel les juifs tuaient des enfants, mythe d'ailleurs bien oublié en France de nos jours, ou plutôt qui le serait si certains ne passaient pas leur temps à le rappeler, il devient antisémite de dénoncer le fait que des juifs, actuellement, tuent des enfants. Il semble d'ailleurs à un esprit simple que, dans un monde en partie laïcisé - y compris chez les Arabes - le fait de tuer des enfants réactive plus aisément ce type de mythes qu'un inconscient collectif supposé inchangé depuis des siècles ou une propagande "très finement orchestrée" (p. 22). A poser le problème en ces termes il n'y a plus que deux possibilités : soit on se laisse qualifier d'antisémite - mais ce mot a-t-il alors encore un sens ? et n'est-il pas dangereux pour tout le monde que ce genre de termes devienne trop imprécis ? -, soit on en arrive, selon l'ignominie commise par M. Trigano à juste titre dénoncée par M. Tubiana, à mettre des guillemets au mot "victime" : à sous-entendre que ces enfants ne sont pas morts. On en revient au négationnisme.

Plus encore d'ailleurs que je ne le croyais... Car si, en lisant le livre de Pierre Vidal-Naquet, je cherchais des éléments de confirmation à ma piste de départ, je ne m'attendais pas à y trouver un passage de Robert Faurisson, déjà difficile à avaler en soi, mais encore plus dans le contexte qui nous occupe. Mais cédons d'abord la parole à Shmuel Trigano (L'ébranlement..., pp. 19-20) :

"Le phénomène le plus marquant de la première année de la guérilla palestinienne fut sans aucun doute, de ce point de vue, l'utilisation des enfants dans le combat de rues. C'était une invention, en effet. Jusqu'alors, on connaissait les enfants-soldats, enrôlés de force dans les conflits endémiques de l'Afrique, mais ces enfants portaient des armes et commettaient des atrocités. On n'avait jamais vu de bataillons d'enfants aux mains nues défier et affronter avec des pierres des soldats armés de façon sophistiquée. C'est ce que les caméras du monde entier ont avant tout immortalisé, construisant ainsi la scène absolue de ce conflit. Ses coulisses ont été escamotées, car, derrière ces murs d'innocents manipulés, se pressaient en effet de véritables armadas. Tous les observateurs savent que, protégés par les enfants, se tenaient à l'arrière des "policiers" armés, tirant sur les soldats israéliens, et, plus en amont, tout un système d'éducation (financé par l'Europe unie !) endoctrinant une génération entière en vue du sacrifice et de la mort."

Je rectifie les mensonges de ce texte en annexe, enchaînons avec l'extrait du livre de Vidal-Naquet (pp. 60-61 ; les citations au sein de cette citation sont de R. Faurisson ; j'ai supprimé les références de ces citations) :

"A partir de là, il devient possible de tout expliquer, de tout justifier. L'étoile juive ? Une mesure militaire. "Hitler se préoccupait peut-être moins de la question juive que d'assurer la sécurité du soldat allemand". Beaucoup de Juifs parlaient allemand et on les soupçonnait de pratiquer "l'espionnage, le trafic d'armes, le terrorisme, le marché noir". Les enfants qui portaient l'étoile à partir de six ans ? Faurisson a réponse à tout : "Si l'on reste dans le cadre de cette logique militaire, il existe aujourd'hui suffisamment de récits et de mémoires où des Juifs nous racontent que, dès leur enfance ils se livraient à toutes sortes d'activités illicites ou de résistance aux Allemands." Et, dans cette même page que l'on devrait faire figurer dans une anthologie de l'immonde, Faurisson nous montre, par un exemple précis, que les Allemands avaient bien raison de se méfier : "Ils redoutaient ce qui allait d'ailleurs se passer dans le ghetto de Varsovie où, soudain, juste à l'arrière du front, en avril 1943, une insurrection s'est produite. Avec stupéfaction, les Allemands avaient alors découvert que les Juifs avaient fabriqué 700 blockhaus. Ils ont réprimé cette insurrection et ils ont transféré les survivants dans des camps de transit, de travail, de concentration. Les Juifs ont vécu là une tragédie"."

On peut le dire comme ça... Soyons clairs d'emblée, le texte de R. Faurisson, pièce de choix à l'intérieur même de la littérature négationniste, est, par son sujet comme par son invraisemblance, nettement plus répugnant - voire drôle -, que celui de S. Trigano, qui n'est ici qu'un exemple commode d'une manière de penser. Il doit y avoir d'ailleurs des exemples encore plus frappants de ladite manière, laquelle est tout simplement, chez Shmuel Trigano comme chez Robert Faurisson, la manière de penser du maître : ces gens-là, que nous opprimons, sont des rebelles, la preuve, c'est qu'ils se rebellent, nous avons donc raison de les opprimer. Ils osent même fabriquer des bunkers, pardon, des blockaus, apprennent à leurs enfants à ne pas nous aimer, ce qui n'est vraiment pas gentil de leur part... Ach, arrêtons-nous là. (En notant au passage l'amusant paradoxe de voir Robert Faurisson, qui sévit notamment sur un site "islamiste", ou Shmuel Trigano, qui, selon une ficelle classique et un peu grosse, présente toujours Israël comme le "petit" de l'histoire, adopter cette vision dominatrice et coloniale. Mais nous sommes dans un cadre de pensée où rien n'est à sa place, si ce n'est la crapulerie.) [Parenthèse ajoutée le 13.09.]



A cette comparaison d'ensemble, il est possible me semble-t-il d'adresser deux objections principales :

- il est tout de même sain de la part de M. Trigano de ne pas se contenter de "ce qui se dit à la télévision" et de chercher à voir si ladite télévision reflète réellement la réalité du conflit, surtout après des épisodes controversés comme celui de Mohammed Al-Dura ou les exagérations au moment de "l'incursion" à Jénine. Après tout, lorsque certains vérifient à la loupe si les agressions antisémites en France, dont certaines furent fort médiatisées, se sont vraiment produites et dans quelles circonstances, ne font-ils pas le même travail ?

Il est vrai ! Mais, s'il serait tout à fait imbécile, voire négationniste, d'inférer du canular du RER D qu'il n'y a jamais d'agressions antisémites en France, il ne faut pas confondre esprit critique et chicaneries à fins de diversions : il faut se baser sur la moyenne statistique des faits prouvés. En France, cette moyenne tendait à montrer que les agressions antisémites ont augmenté à un certain moment, avant que de retrouver leur niveau, si j'ose dire, habituel. Au Proche-Orient... la tendance n'est pas franchement à la décrue de la violence contre les Palestiniens.

- dans un autre ordre d'idées, on peut me reprocher d'avoir supposé qu'il existait un mode de pensée négationniste en soi, radicalement différent d'autres modes de réflexion et/ou d'expression. J'assimilerais ainsi la rhétorique d'un Shmuel Trigano à ce qu'il y a de plus unanimement repoussé par les honnêtes gens, sans même avoir fait la preuve que ce mode de pensée si justement condamné a une particularité telle que l'on puisse concrètement le comparer à quoi que ce soit.

Il se peut effectivement que le négationnisme ne soit finalement qu'une tactique de guerre antisémite, menée par des fanatiques pour qui tous les coups sont permis. A lire Vidal-Naquet, on a parfois ce sentiment, au moins pour certains des représentants de cette "école". Mais cette objection ne remet pas en cause ma démonstration : il me suffit d'avoir montré les ressemblances entre la façon de faire de M. Trigano et ce qui serait alors la propagande de guerre la plus éhontée et la plus haineuse. Que celle-ci soit qualitativement ou quantitativement différente de la propagande de guerre "normale" ne change rien à l'affaire.

Il ne faudrait d'ailleurs pas croire que le fait de ne pas être "vraiment" négationniste exonère M. Trigano de quelque responsabilité morale que ce soit par rapport aux malhonnêtetés qu'il profère. Car jusqu'ici, les négationnistes non seulement non tué personne, mais n'ont fait commettre, que je sache, aucun meurtre (ce pourquoi d'ailleurs l'injure "un Eichmann de papier" utilisée par P. Vidal-Naquet à l'encontre de R. Faurisson m'a toujours semblé plus juste du point de vue d'un satiriste que d'un historien), même si certains esprits belliqueux peuvent trouver ce qui leur semble être des justifications dans leurs livres. Au lieu que M. Trigano approuve par ses propos des assassinats d'enfants qui ont lieu en ce moment. Les négationnistes seront peut-être dans le futur directement complices de crimes antisémites ; à l'heure qu'il est, c'est Shmuel Trigano qui se fait, pour des raisons qui le regardent, le complice de crimes qui ont lieu, comme on dit à la télévision, "sous nos yeux".


Annexe.

Puisque l'on vient d'en parler : "Complice. 1. Qui participe à l'infraction commise par un autre. Qui participe à une action répréhensible. 2. Qui favorise l'accomplissement d'une chose. Une attitude complice." (Robert) C'est du sens 2 qu'il est question dans ce qui précède. Ce qui n'est déjà pas si mal.

Je reviendrai d'ici quelques jours sur certains passages du livre de Pierre Vidal-Naquet qui peuvent nous permettre d'élargir utilement le propos, restons-en pour l'heure à ce qui est le plus directement lié à notre sujet du jour.

- Tout d'abord, ce que dit Shmuel Trigano de la mort de Mohammed Al-Dura :

"La figure de proue de ce dispositif militaire s'imposa universellement avec la scène de l'agonie du petit Mohamed, mort à Gaza dans un échange de tirs. Le sort médiatique et politique d'Israël se décida avec cette prise de vue qui a fait la une des journaux et des télévisions de toute la planète, au point de devenir le symbole de la cause palestinienne. C'est l'étincelle qui enflamma les masses arabes et retourna l'opinion publique occidentale contre Israël, voie le peuple juif dans son ensemble, convaincu d'inhumanité. Quelque chose de fondamental a été touché alors dans la conscience collective." (p. 21)

Faire de cet événement un tel pivot, alors même que l'on remet par ailleurs en cause sa véracité, est une tactique limpide. Efficace, c'est autre chose : d'une part, je ne dois pas être le seul à avoir, entre la vie quotidienne et le flux de l'actualité , perdu de vue la mort de M. Al-Dura ; d'autre part, et pour me répéter, s'il n'y avait que lui !

- Ensuite, revenons au passage déjà cité concernant le rôle des enfants, pour rétablir quelques vérités :

"Le phénomène le plus marquant de la première année de la guérilla palestinienne fut sans aucun doute, de ce point de vue, l'utilisation des enfants dans le combat de rues. C'était une invention, en effet. Jusqu'alors, on connaissait les enfants-soldats, enrôlés de force dans les conflits endémiques de l'Afrique, mais ces enfants portaient des armes et commettaient des atrocités.

est-ce mieux ? Un observateur malveillant pourrait d'ailleurs voir ici quelque relent raciste, du genre : "Voyez ces Arabes, ils sont encore pire que les Nègres." Mais je suis un observateur bienveillant, donc...

On n'avait jamais vu de bataillons d'enfants aux mains nues défier et affronter avec des pierres des soldats armés de façon sophistiquée. C'est ce que les caméras du monde entier ont avant tout immortalisé, construisant ainsi la scène absolue de ce conflit. Ses coulisses ont été escamotées, car, derrière ces murs d'innocents manipulés, se pressaient en effet de véritables armadas.

Les innocents manipulés avaient peut-être quelques raisons d'en vouloir aux Israéliens... Par ailleurs, entre ceux qui sont en prison et ceux qui ont été tués, il faut rappeler que la population mâle des territoires occupés tend à être quantitativement faible. Les plus jeunes prennent donc la relève. Passons sur cet incroyable complot des "caméras du monde entier" : il n'y eut donc même pas un journaliste américain pour montrer ces "armadas" ?

Tous les observateurs savent

Shmuel Trigano aime bien les expressions : "tout le monde sait", "tous les observateurs...", mais il peine à citer des exemples. On a vu (j'y reviens plus loin) à travers la réponse de M. Stevens ce qu'il fallait penser de la phrase de son article : "Filmer dans ces régions dépend en effet, comme tous les journalistes le savent, de l'autorisation des pouvoirs en place, qui exercent un étroit contrôle sur les images et les accréditations qu'ils donnent aux reporters."... Mais bref, tous les observateurs savent

que, protégés par les enfants, se tenaient à l'arrière des "policiers" armés, tirant sur les soldats israéliens, et, plus en amont, tout un système d'éducation (financé par l'Europe unie !) endoctrinant une génération entière en vue du sacrifice et de la mort."

J'ai déjà répondu sur cette génération. En ce qui concerne le système d'éducation, je me souviens avoir lu dans le livre de P. Boniface, Est-il permis de critiquer Israël ? (Robert Laffont, 2003), que les manuels scolaires dont disposaient les enfants palestiniens étaient plutôt plus tolérants vis-à-vis du voisin que les manuels israéliens. Si c'est vrai, de toute façon, la réalité de leur existence vaut bien tout ce qu'un manuel peut leur apprendre... Quant au financement par l'Europe des équipements qu'Israël détruit sans vergogne, je serais M. Trigano - à Yahvé ne plaise ! - je n'insisterais pas trop là-dessus.

- Revenons sur la question des accréditations. Deux journalistes que j'ai contactés et qui reviennent du Proche-Orient me confirment les propos de M. Stevens : le fonctionnement des Palestiniens vis-à-vis de la presse internationale n'a rien de "totalitaire" (L'ébranlement d'Israël", p. 22). L'un d'eux m'apprend aussi que M. Trigano a par contre raison de dire que dans les quartiers de Beyrouth non visés par les bombardements, la vie a pu continuer à peu près normalement. En revanche, dire que les gens vont à la plage est quelque peu trompeur : d'une part ils n'ont tout de même pas trop le coeur à ça, d'autre part la marée noire déclenchée par les bombardements israéliens calme les ardeurs des plus optimistes...

L'émission "Arrêts sur images" de ce jour a abordé ce thème. Les témoignages étaient concordants : au Liban (il ne fut pas question des territoires occupés), le Hezbollah a systématiquement conseillé aux journalistes de s'attarder sur les victimes, notamment les enfants. Il n'y a donc rien d'impossible à ce qu'un nounours ait pu être rajouté ici et là. Mais les participants à l'émission rappelaient que les cadavres, eux, étaient bien réels.

- Par ailleurs, je l'ai précisé d'entrée, le parallèle entre propagandistes pro-Israël et négationnistes n'est pas de mon invention. On en trouve notamment un exemple chez Pierre Vidal-Naquet :

"L'invasion israélienne au Liban, le 7 juin 1982, les massacres de Sabra et Chatila en septembre, sous la protection de l'armée israélienne, aggravèrent les choses pour Israël et par contre-coup pour les Juifs. Non que cette invasion ait été, comme on l'a dit alors, un "génocide du peuple libano-palestinien", ni que le siège de Beyrouth ait pu se comparer avec la destruction du ghetto de Varsovie. Mais on vit tout de même alors Annie Kriegel

tiens, une ancienne du PCF ! Le proverbe de Jean-Pierre Voyer, encore une fois : "Stalinien un jour, stalinien toujours..."

essayer de jouer les Faurisson, en se plaçant sur deux tableaux à la fois : tenter d'une part d'expliquer que le nombre des victimes de Sabra et Chatila était en réalité infime, et de l'autre de suggérer que les vrais tueurs pourraient bien être non les phalangistes alliés des Israéliens, mais tout simplement des Russes." (p. 174) Hélas, le bombardement de Cana a réactualisé ce genre de pratiques.

- enfin, et pour se quitter sur une note plus positive : Shmuel Trigano passe pour un bon connaisseur de la théologie juive. Mais, ainsi que je l'ai déjà dit (dans le P.S. 1 de ce texte), il ne faut pas laisser la théologie aux militants pro-Israël. Il semblerait que Pierre Vidal-Naquet ait eu le même sentiment, qui rédigea en 1981, après l'attentat de la rue Copernic et certaines représailles violentes qui s'ensuivirent, un court texte, "Du côté des persécutés" (pp. 104-107), où partant d'une vieille blague juive ("Dans un village de Sibérie deux vieux Juifs sont assis sur un banc. L'un d'entre eux lit un journal et dit soudain : "L'équipe de football de Sao Paulo a battu celle de Rio de Janeiro.". L'autre répond : "Est-ce bon pour les Juifs ?"") il considère que les actes violents dont furent alors victimes des négationnistes (des destructions de livres) sont contre-productifs, avant que de conclure :

"Et puisque précisément beaucoup de ces persécuteurs en puissance se réclament de la tradition juive, qu'ils me permettent de les renvoyer à un texte, que j'extrais d'un midrash (commentaire rabbinique ancien) de Lévitique, 27, 5. C'est Rabbi Huna qui parle au nom de Rabbi Joseph : "Dieu est toujours du côté de qui est persécuté. On peut trouver un cas où un juste persécute un juste, et Dieu est du côté du persécuté ; quand un méchant persécute un juste, Dieu est du côté du persécuté ; quand un méchant persécute un méchant, Dieu est du côté du persécuté, et même quand un juste persécute un méchant, Dieu est à côté de qui est persécuté."

Réfléchir sur un texte pareil et sur ce qu'il implique, voilà, certes, qui serait bon pour les Juifs."

Ach, s'il suffisait de le dire... Le malheur est qu'avec des gens comme Shmuel Trigano, on a tendance à en revenir, de nouveau, à l'Epitre aux Hébreux (V, 11) :

"Nous avons beaucoup à dire, mais les explications sont difficiles parce que vous ne mettez plus d'entrain à comprendre."



P.S. Je découvre en cherchant des détails supplémentaires sur les négationnistes un site consacré à ce "courant de pensée", lequel propose ces deux phrases sur sa page d'accueil :

"[L’historien] ne doit pas avoir en face des témoins du passé cette attitude renfrognée, tatillonne et hargneuse, celle du mauvais policier pour qui toute personne appelée à comparaître est a priori suspecte et tenue pour coupable jusqu’à preuve du contraire ; une telle surexcitation de l’esprit critique, loin d’être une qualité, serait pour l’historien un vice radical, le rendant pratiquement incapable de reconnaître la signification réelle, la portée, la valeur des documents qu’il étudie; une telle attitude est aussi dangereuse en histoire que, dans la vie quotidienne, la peur d’être dupe, cette affectation que Stendhal aime à prêter à ses personnages (« je suppose toujours que la personne qui me parle veut me tromper »...)." 

Henri-Irénée Marrou, De la connaissance historique, Éd. du Seuil, coll. Points Histoire, 1975, pp. 92-93.

"[La] “méthode” [des négationnistes], si l’on peut dire, est perverse : elle associe l’hypercritique à la fabulation, l’ergotage sur les détails et sur les mots à l’ignorance massive du contexte, et cherche à faire apparaître comme conclusion d’une démonstration ce qui est postulat affirmé au départ. [C’est une] anti-histoire."

Bernard Comte, Le Génocide nazi et les négationnistes, 1990.

Ce n'était pas la peine de lire tout le Vidal-Naquet !







Article de S. Trigano : "Guerre, mensonges et vidéo", 31.08.06.

"Mais où êtes-vous ? Où sont les grandes âmes, le scandale ? Les déclarations des plus hautes autorités politiques du monde ? Depuis le 14 août, je cherche désespérément dans les colonnes des journaux et sur les écrans la condamnation du bombardement d'un orphelinat par l'armée sri-lankaise dans sa lutte contre le mouvement terroriste des Tigres tamouls. Quarante-trois écolières tuées, soixante autres blessées. Pas seize enfants sur vingt-huit morts, comme à Cana. On ne peut qu'être abasourdi devant la différence de traitement. Les victimes arabo-musulmanes seraient-elles plus précieuses que les autres ? Pas nécessairement, car qui s'émeut des meurtres de masse perpétrés en Irak par des Arabes sur d'autres Arabes ? Non ce qui est en question, c'est Israël ou, plus exactement, les Juifs.
Toute personne sensée aura remarqué, depuis l'année 2000, quelque chose d'étrange dans les images du conflit : la centralité de la figure de l'enfant, des corps sanguinolents des victimes d'Israël. Il suffit d'ouvrir la télévision française pour voir le projecteur braqué uniquement sur les civils libanais alors que l'image d'Israël se résume à des blindés, des avions ou des soldats. Aucune société civile n'est visible : ni les dégâts matériels, ni les victimes et les drames. Pas de corps ensanglantés, ni de blessés, ni de cadavres ou de cercueils. Ce choix ne fait que réactiver une idée antisémite très archaïque : les Juifs tuent des enfants. Dans l'Antiquité, ils étaient accusés de cannibalisme, au Moyen Age ­ et encore aujourd'hui dans le monde arabe ­ de crimes rituels.
La fabrication délirante de ce mensonge suit les mêmes chemins qu'au Moyen Age. Affabulations et «mystères de la foi» mettent en scène et «prouvent» le meurtre, en construisant de toutes pièces une narration, un exemplum édifiant, comme l'a si bien analysé Marie-France Rouart dans le Crime rituel ou le sang de l'autre (1). Le récent scandale (vite étouffé) de la photo truquée de Beyrouth en flammes, diffusée par l'agence Reuters, face émergée d'un ensemble de trucages, nous montre comment l' exemplum est fabriqué avec des images, alors qu'auparavant on agençait des mots pour mettre en forme le fantasme. Par exemple, cette photo du magazine US News où l'on voit un terroriste du Hezbollah en pose guerrière devant un avion israélien abattu et en flammes : examinée de plus près, la photo révèle en fait l'incendie d'un dépôt d'ordures. Le trucage de l'image du réel est le plus souvent moins grossier : ce n'est pas la photo qui se voit manipulée mais son angle ou sa composition, avant prise de vue. Le spectacle des destructions de Beyrouth est ainsi surdimensionné. Ce sont toujours les mêmes prises de vue qui passent en boucle à la télé, pour donner une impression d'étendue. Le spectateur innocent pense que tout Beyrouth est en flammes. Comment saura-t-il que, en dehors du quartier qui sert de QG au Hezbollah, les gens vont à la plage ou sont attablés aux cafés ? Ou alors, on place, comme à Cana, dans une photo de destruction, un objet insolite : un nounours (bizarrement très propre au milieu des gravats), une robe de mariée (très blanche), un petit Mickey (très coloré) (2)... La suggestion est ici encore plus forte que des cadavres: l'enfant absent, la jeune mariée promise au bonheur mais déplacée... On n'a jamais vu les «combattants» du Hezbollah, ni leurs bunkers systématiquement placés au milieu des civils, utilisés comme boucliers «moraux». On a gommé le caractère de milice fasciste du parti, ses provocations, ses tirs centrés sur la population civile israélienne.
Ce sur quoi il faut attirer l'attention de l'opinion, c'est la résurgence de l'accusation du meurtre rituel, c'est-à-dire le retour d'un stéréotype antisémite classique. Il est sciemment mis en oeuvre, de façon massive, par les médias arabes : la mort filmée «en direct» de Mohammed al-Dura à Gaza (3), puis Jénine, puis la plage de Gaza, puis Cana. Nous avons là une série d'événements pour le moins douteux quant à leur réalité exacte, qui nous sont parvenus à travers une mise en scène théâtrale par des reporters sous le contrôle de l'Autorité palestinienne, du Hamas ou du Hezbollah. Filmer dans ces régions dépend en effet, comme tous les journalistes le savent, de l'autorisation des pouvoirs en place, qui exercent un étroit contrôle sur les images et les accréditations qu'ils donnent aux reporters. Des simulations sont créées de toutes pièces au point que certains experts, comme le professeur Richard Landes, de la Boston University, parlent aujourd'hui des studios de «Pallywood» (du mot «Palestine»).
A voir les photos les unes après les autres, on retrouve souvent, dans des situations différentes, les mêmes acteurs, jouant des rôles différents. Quoi qu'il en soit de la réalité exacte des différentes affaires ­ et il ne s'agit pas ici de justifier tout ­, on constate qu'un scénario du type du légendaire «génocide de Jénine» (56 morts parmi les milices palestiniennes contre 23 soldats israéliens, au terme d'un combat au corps à corps pour éviter les victimes civiles) sous-tend tous ces exemples. Un scandale mondial est à chaque fois orchestré par les médias, avant que l'examen des faits n'en réduise la portée, et toujours en isolant comme par enchantement l'événement de son contexte et de la guerre menée contre les populations civiles israéliennes, sans doute, elle, jugée «juste». Entre-temps, l'impact a été gravé dans l'imaginaire collectif. Le plus terrible est que cette camelote puisse trouver acheteur dans la gent médiatique occidentale sans aucun recul critique.
Comment les journalistes peuvent-ils sous-traiter enquêtes et reportages auprès d'acteurs engagés dans le conflit aux côtés de mouvements totalitaires ? Que recherchent-ils ? Le spectacle brut et violent ? Les belles images ? Se rendent-ils compte que celles-ci incitent à la haine et au meurtre ?
Le mal est profond, car la facilité avec laquelle de nombreux médias acceptent ce récit montre que subsiste un fond archaïque, toujours vivace. Le discours sur Israël est hanté par une forme nouvelle de l'antisémitisme, un antisémitisme compassionnel qui se focalise sur la «victime» des Juifs, forcément innocente et pure comme un enfant, sans pour autant formuler directement le nom du bourreau cruel et inhumain que sa victime désigne. Un antisémitisme «par défaut», que la moralité conforte."

(1) Berg International, 1997.
(2) http://zombietime.com/reuters_photo_fraud/
(3) Images tournées à Gaza par France 2 en septembre 2000, abondamment rediffusées par les médias arabes, et controversées, ndlr.




Article de M. Tubiana : "Israël, un Etat comme un autre", 05.09.06.

"Un vieux proverbe chinois édicte que, lorsque le doigt montre la lune, l'imbécile regarde le doigt. Autant le dire clairement, l'article publié par Shmuel Trigano nous invite à la même démarche. Que nous dit Shmuel Trigano ? Que l'on se préoccupe trop des cadavres libanais et pas assez des cadavres sri-lankais, que l'on ignore les corps des Irakiens martyrisés par d'autres Arabes ? Que l'image des enfants arabes tués envahisse les écrans, ressuscitant le mythe antisémite du Juif tueur d'enfants. Et de se livrer à une analyse des images pour en conclure qu'elles résultent d'une «mise en scène théâtrale par des reporters sous le contrôle de l'Autorité palestinienne, du Hamas et du Hezbollah». Shmuel Trigano en conclut que la source de tout cela est un «vieux fond archaïque» revisité par «une forme nouvelle de l'antisémitisme, un antisémitisme compassionnel qui se focalise sur la "victime"des Juifs». 
Certes, les manipulations de l'information existent, dans le conflit israélo-palestinien, comme dans tous les autres événements. On peut s'en désoler, on doit les dénoncer, car, non seulement, elles altèrent la réalité, mais, de plus, elles ne font qu'attiser la haine. Ce qui est inquiétant dans le propos de Shmuel Trigano, c'est la généralisation à sens unique. Toutes les images mettant en cause l'armée israélienne sont «sous contrôle». En postulant cela, il use du vieux procédé selon lequel toute information est nécessairement mensongère dès lors qu'elle va à l'encontre d'une des thèses en présence. C'est sans doute pourquoi il ne se souvient pas des images insupportables des corps déchiquetés d'enfants israéliens ou des morceaux de chairs humaines parsemant les rues de Jérusalem et de Tel-Aviv. Ces images reflètent-elles la réalité où ont-elles pour but de renforcer l'imagerie traditionnelle de la cruauté des Arabes ?
Le soupçon général que délivre Shmuel Trigano vaut alors pour tous, avec pour seul résultat d'absoudre le camp auquel on s'identifie. Il conduit, in fine, à justifier l'intolérable puisque, si la vérité n'est que relative, chaque horreur n'est, elle aussi, que relative. C'est, hors de toute éthique, faire de l'insupportable une possible morale. C'est, sans doute, ce qui permet à Shmuel Trigano d'oser les guillemets lorsqu'il évoque les victimes de la politique des autorités israéliennes.
L'invocation de l'usage de vieux mythes antisémites, qui seraient revêtus de nouveaux oripeaux, est encore plus inquiétante. Est-il donc possible de dire que bombarder des populations civiles volontairement, où que ce soit et quelque qu'en soit l'auteur, est un crime de guerre, sans être taxé d'antisémitisme ? Là encore, le processus de généralisation n'a pour effet que d'interdire tout dialogue : l'Autre est d'ores et déjà diabolisé, puisqu'il a recours à des mythes antisémites.
Lorsque Shmuel Trigano aura admis que l'Etat d'Israël est un Etat comme un autre, avec les mêmes droits et les mêmes obligations, lorsqu'il cessera de traquer l'antisémitisme derrière chaque image, derrière chaque critique d'une politique effectivement critiquable, il retrouvera peut-être le chemin d'une rationalité qui ne s'évapore pas dès que les mots «Juifs» et «Israël» sont prononcés.
En attendant, peut-être consentira-t-il à admettre qu'avant de se préoccuper des intentions de la main qui prend la photo le cadavre de l'enfant que l'on y voit est d'abord celui d'un innocent dépourvu de nationalité."




Article de B. Stevens : "Une manipulation fantasmée", 05.09.06.

"Vous avez raison, M. Trigano, de vous demander où reste la condamnation par la communauté internationale du bombardement par l'aviation sri-lankaise d'un internat.
Mais sur tout le reste ou presque, vous avez tort.
Votre macabre comptabilité des victimes («Quarante-trois écolières tuées, soixante autres blessées. Pas seize enfants sur vingt-huit morts, comme à Cana») est abjecte. Vous tombez dans le travers que vous prétendez combattre. Une seule victime innocente d'un conflit est intolérable, insupportable, et surtout en aucune manière justifiable, par aucune cause, quelle qu'elle soit.
Si l'image de l'enfant victime est en effet fréquente ­ pas uniquement dans le conflit qui nous occupe ­, c'est précisément parce qu'un enfant tué dans une guerre est exemplaire de la barbarie qui la produit. Si les images d'enfants morts sont récurrentes dans le conflit israélo-palestinien, dont la récente guerre est un avatar, c'est parce que ce conflit tue des enfants, des milliers d'enfants.
Il n'y a rien d'antisémite dans le fait d'affirmer et de montrer qu'Israël, par sa politique et son armée, tue des milliers d'enfants et de civils innocents ; bien entendu les attentats terroristes tuent et blessent de nombreux enfants et civils israéliens, personne ne le nie, personne ne le cache. Au contraire de ce que vous affirmez, la presse internationale accorde beaucoup d'espace aux victimes israéliennes ; en fait, et c'est très facile à montrer, un espace équivalent à celui des victimes que vous appelez arabo-musulmanes.
Durant le récent conflit, un temps égal ou à peu près était alloué pendant les journaux télévisés du soir par les chaînes de télévision occidentales, et françaises notamment, à des reportages de part et d'autre de la frontière. Et c'est bien là que réside la véritable manipulation, beaucoup plus insidieuse que celle que vous prétendez décrire : présenter de manière équivalente des choses qui ne le sont pas, donner autant d'espace aux quarante morts civils israéliens qu'aux mille morts civils libanais serait une imposture. Sans tomber dans le travers de comptabilité macabre que je condamne sans ambages au début de ces lignes, un rapport de un à vingt-cinq dénote une asymétrie manifeste qu'il convient de rapporter, et sur laquelle il est éthiquement impératif de se pencher. Lorsqu'une armée, quelle qu'elle soit, tue quatre à cinq fois plus de civils que de combattants ennemis, il ne s'agit plus de «dommage collatéral», expression à la mode depuis la guerre du Golfe, mais au contraire d'une stratégie de terreur et de punition collective sur tout un peuple. Cette armée, quelle qu'elle soit, se rend ainsi coupable de crimes de guerre caractérisés, qui sont le résultat de son incompétence et/ou du cynisme intolérable de ceux qui la dirigent, tout autant que du manque de conscience et de discipline de ses soldats.
Vous avez encore tort, M. Trigano, de citer comme exemple des événements dont vous n'avez pas été un témoin direct, et de me mettre en cause ainsi que mes collègues sans en avoir les moyens. Il se trouve que je suis l'auteur de la photo (et d'une autre similaire dans Time ) du combattant du Hezbollah publiée en couverture de US News que vous dénoncez comme une fabrication grossière. J'ai également participé pour le magazine allemand Stern à une enquête en profondeur sur la mort de Mohammed al-Dura ; j'étais l'un des deux seuls journalistes présents à l'intérieur du camp de Jénine durant trois jours et deux nuits, juste avant la levée du siège de l'IDF (Israeli Defense Force) ­ Jénine où, sur cinquante-six victimes palestiniennes, au moins vingt-deux étaient des civils ­ ; présent encore au Liban durant quatre des cinq semaines du récent conflit.
Mais présent également lors d'ignobles attentats kamikazes sur des bus dans la rue de Jaffa à Jérusalem, présent toujours lors de l'enterrement des deux soldats de l'IDF lynchés par la foule à Ramallah en octobre 2000, présent encore pour témoigner de la fermeté du gouvernement Sharon face aux colons de Gaza il y a tout juste un an.
Pour revenir à l'image parue dans US News, magazine dont l'orientation éditoriale est notoirement pro-israélienne, ce que vous appelez un dépôt d'ordures est un parking de la caserne de l'armée libanaise à Kfar Chima, dans la banlieue est de Beyrouth, sur lequel se trouvaient des camions affrétés vraisemblablement par le Hezbollah, contenant au moins une rampe de lancement de missiles et plusieurs missiles. La mise à feu incontrôlée causée par le bombardement israélien a provoqué le décollage intempestif d'un fragment de missile suivi par sa chute et son explosion sur le stock de pneus et de camions désaffectés à l'arrière de la caserne. Les images de la télévision libanaise montraient un objet métallique de taille importante en feu, chutant de très haut à cet endroit précis. L'hypothèse d'un F16 israélien abattu, avancée au moment des faits, paraissait crédible ; mais après être retourné personnellement trois fois sur les lieux dans les jours et les semaines qui ont suivis (il fallait attendre la fin de l'incendie), je suis arrivé à la conclusion que l'explication la plus plausible est celle du missile endommagé retombant ; j'ai photographié à cet endroit une rampe de lancement de missiles accréditant cette hypothèse... où est la fabrication grossière que vous dénoncez ?
Lorsque vous écrivez : «On n'a jamais vu les "combattants" du Hezbollah», le démenti est simple : sur cette image précise, par exemple !
Je vous enjoins, M. Trigano, d'appeler France 2 et de leur demander de pouvoir visionner l'entièreté de la cassette filmée par leur cameraman Talal Jalouni, à Netzarim, lors de la mort de Mohammed al-Dura. Les quatorze minutes de cette vidéo sont absolument insoutenables ; je suis à votre disposition pour vous montrer les photos et des plans des lieux (détruits quelques jours plus tard par l'IDF...).
Je pourrais continuer à démonter ici point par point chacune de vos allégations calomnieuses à l'égard des milliers de journalistes qui risquent leur vie depuis soixante ans pour témoigner de ce conflit tragique ; il me paraît plus opportun de réfuter les idées erronées qui les sous-tendent. A vous lire, une vaste conspiration relierait les médias internationaux, leurs correspondants sur le terrain et d'innombrables accessoiristes de génie, qui, à la chute de chaque bombinette venant de la Terre Promise, se précipiteraient pour en parsemer le cratère de peluches bariolées et de cadavres frais, tirés d'on ne sait où.
La réalité est bien différente.
Personne, à l'exception de l'état-major de l'IDF et du gouvernement de M. Olmert, ne sait où tomberont les prochains engins de mort qui, dans l'histoire récente, ont tué, estropié et brisé les vies de milliers d'innocents sans beaucoup d'autre résultat «militaire» que d'encourager à la lutte armée des générations entières de jeunes Palestiniens et Libanais désespérés. Les innombrables images et témoignages que vous contestez sont, dans leur immense majorité, bien documentés par des professionnels honnêtes, ne faisant partie d'aucune conspiration antisémite. Bien au contraire, le souvenir de la Shoah et le respect de ses victimes sont bien souvent un facteur d'autocensure aux critiques envers Israël et sa politique. Contrairement à ce que vous avancez, les journalistes n'ont pas besoin d'accréditation et ne font l'objet d'aucune censure au Liban ou dans les territoires occupés (1). Ce n'est pas le cas en Israël, où il devient de plus en plus difficile d'obtenir une accréditation temporaire, spécialement en ce qui concerne les journalistes indépendants (freelance) ; toute production est sujette à la censure du service de presse de l'IDF, censure rarement appliquée mais effective. J'ai personnellement été, à de multiples reprises, insulté, menacé, pris pour cible (2) ; mon téléphone personnel a été brouillé durant chacune de mes interventions en direct sur la RTBF (Radio-télévision belge francophone) depuis le camp de Jénine.
Le mal est profond, qui consiste à jeter l'opprobre sur le messager plutôt que sur la faute. Le peuple israélien et la communauté juive, que je respecte infiniment, feraient mieux de soutenir de justes solutions négociées et humaines, à l'instar par exemple du Congrès de Genève. Il est temps pour ces deux peuples de s'engager sur le chemin de ce que le regretté Rabin appelait la «paix des braves» ; Israël aurait tort de se complaire dans un rôle de Goliath.
Ne croyez surtout pas que mes collègues ou moi-même soyons aveugles quant aux tentations totalitaires du Hezbollah et à la dangereuse dérive fondamentaliste du Hamas. Pour autant, c'est du dialogue avec leurs représentants les plus modérés et non des bombes sur leurs extrémistes que naîtra une paix juste et durable dans la région.
Pour conclure, M. Trigano, je vous invite à venir cette semaine à Perpignan rencontrer personnellement les milliers de photojournalistes qui y sont présents, à l'occasion du festival du photojournalisme Visa pour l'image, et assister à la projection de leur travail, souvent extraordinaire, toujours émouvant. Bien connaître les sujets sur lesquels on écrit, avec la plume ou par l'image, permet d'éviter de répandre des contrevérités et surtout d'avancer vers une société plus juste, plus pacifique et, en un mot, plus humaine."

Dernier ouvrage paru : Bagdad, au-delà du miroir , Ludion.
(1) Une accréditation est souhaitée par l'Autorité palestinienne, mais n'est pas soumise à conditions et ne paraît servir qu'à l'informer de l'identité des journalistes présents et de leur provenance.
(2) Le 10 octobre 2000, à Ramallah, par un sniper de l'IDF, dix minutes avant que Jacques-Marie Bourget de Paris-Match soit grièvement blessé, au même endroit et dans les mêmes circonstances, où il ne pouvait y avoir aucun doute quant à notre identité et statut.

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vendredi 8 septembre 2006

Présentation.

Ayant le sentiment de mieux savoir où je veux aller avec ce blog et pourquoi que lorsque je l'ai démarré, prenant conscience de ce qu'il commence à y avoir ici beaucoup - quantitativement - de choses à lire, je me permets cette petite introduction générale, tant pour les nouveaux venus, éventuellement décontenancés par le joyeux désordre régnant ici, que pour les habitués, éventuellement irrités par ce qui peut leur sembler être des contradictions entre tel et tel texte. Je corrigerai ou actualiserai de temps à autre cette introduction, sans nécessairement toujours le signaler.

La rubrique "Principaux textes" (comme d'ailleurs les "Sites utiles") est là pour donner une idée des principaux axes de travail, le rappel de ceux-ci peut et doit être augmenté de quelques précisions sur les directions suivies :

- la compréhension de la modernité : c'est à quoi l'on consacre l'essentiel de ses efforts. Le texte qui prend appui sur Max Weber résume assez bien l'état actuel de mes réflexions en la matière. Ce que l'on cherche à faire pour l'instant est de définir, petit à petit, cette modernité, on ne cherche aucunement à proposer des "solutions", on ne se pose même pas la question de savoir si on sera un jour en état de le faire. Simplement espère-t-on s'armer autant qu'il est possible pour juger à bon escient les solutions que d'autres ne manquent jamais de proposer ou d'imposer ;

- c'est à l'intérieur de ce cadre qu'il faut inscrire les deux textes consacrés aux débats constitutionnels sur le TCE et la Vè et la "VIè" Républiques. "Pas de liberté pour les amis de la liberté" tente d'élargir et de théoriser le propos ;

- de même, le texte "Points de repère", sur Jean-Pierre Voyer et Alain Badiou, peut être lu comme une réflexion sur la possibilité du gauchisme (d'où je viens) dans notre monde. Il doit tout de même être abordé avec des pincettes, car je ne l'écrirais plus aujourd'hui de la même manière, mais je le laisse dans les "Principaux" parce qu'il est le seul que j'aie vraiment consacré à ce jour à Jean-Pierre Voyer, dont l'influence est pourtant prépondérante sur ce blog ;

- il m'arrive d'aborder la question du Proche-Orient, après avoir plus ou moins annoncé dans "Israël-Palestine : c'est simple" que je n'avais pas l'intention de le faire. Si je dirige les nouveaux lecteurs vers ce texte, c'est notamment parce qu'il résume ma (très simple) position sur les aspects géopolitiques de ce conflit. Pour le reste, il me semble aujourd'hui évident que cette question est révélatrice de tellement d'aspects de notre modernité - l'évolution des démocraties, le rapport aux religions... - qu'elle ne peut que s'insérer dans notre cadre principal ;

- comme si tous ces problèmes n'étaient pas assez compliqués tels quels, des canailles viennent sciemment les obscurcir, et c'est à elles que l'on réserve les principales critiques, ce que l'on peut justifier de deux manières : d'une part, dans l'ensemble on s'attaque ici à des gens dont la malhonnêteté intellectuelle est flagrante, plutôt qu'à des gens dont on ne partage pas les conceptions, mais à qui l'on peut, au moins au bénéfice du doute, reconnaître un certain désintéressement et/ou une réelle conviction ; d'autre part on ne se fait pas d'illusions : G. W. Bush ou Saddam Hussein sont évidemment de plus grands criminels que, pour prendre des exemples canoniques, Bernard-Henri Lévy ou Philippe Sollers, mais attaquer ceux-là ne sert strictement à rien, alors que s'en prendre à des compatriotes, que ce soit un valet du capital comme Jacques Marseille, une baudruche prétentieuse de la gauche morale comme Guy Birenbaum, ou un négationniste autorisé par la loi comme Shmuel Trigano peut, qui sait, aider le lecteur à reconnaître d'autres voyous du même type. Le cas de Maurice Dantec peut rappeler à toutes fins utiles qu'il ne suffit pas d'être contre l'ordre établi - et surtout pas de le proclamer -pour être digne d'intérêt. Le personnage médiatique d'une Carla Bruni, (agréable, c'est bien là une partie du problème) caricature de la beauté féminine, ajoute a contrario à certaines interrogations sur la différence des sexes (googlez cafeducommerce + : « différence des sexes » ou « Où sont les femmes ? »).


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Et c'est à l'intersection de ces diverses problématiques que se situent les communautarismes actuels, auxquels, à partir de l'exemple de l'homophobie, un texte est plus spécialement consacré.


(Ajout le 28.10.08)
A côté de ces "principaux textes", je ne crois pas inutile de vous recommander d'autres tentatives d'approches de la modernité.

D'abord par trois citations et/ou commentaires :

- un texte de Baudelaire qui est peut-être la meilleure présentation possible de ce blog autant que, c'est immodeste mais c'est comme ça, de son auteur ;

- une longue réflexion de P. Muray sur la Révolution française, grâce à laquelle on peut poser certains problèmes sur la notion de sacré avant, pendant et après cet événement pivot de notre modernité ;

- une variation sur René Guénon, Robert Musil, Claude Lévi-Strauss et le sport où l'on essaie, en mettant en rapport des auteurs d'horizons différents, de juger de l'évolution des différentes cultures à travers les prismes de la mondialisation et du sport.


Ensuite par des séries - format auquel la pratique d'un blog conduit assez aisément. Je vous donne la référence au premier texte de chaque série, vous y trouverez les liens pour la suite :

- la retranscription commentée d'une conversation entre Julien Freund et Pierre Bérard, où sont évoqués, dans un esprit proche du mien, nombre de problèmes de notre modernité ;

- la série intitulée "Fragments sur le holisme", dans laquelle j'essayais de mieux définir ce concept cardinal. Cette série est restée inachevée, je n'ai jamais à ce jour rédigé le "bouquet final", où je devais synthétiser ce qui précédait et proposer une définition du holisme. Restent pour l'heure des diagnostics sur ce qu'il désigne autant que ce sur ce qu'il ne désigne pas ;

- la série consacrée à la notion de "nature humaine" fait un point - très général, par nature... - sur cette expression et ses rapports avec le sacré, la notion de culture... ;

- la série "Ethique et statistique" (qui démarre au numéro "I bis", c'est normal), plus spécialement consacrée à Musil, précise quelques données sur la philosophie de l'histoire et notamment le rôle que peut y jouer le hasard ;

- la série "De Charles Baudelaire à Nicolas Sarkozy" présente des réflexions ambiguës sur les beautés et les désastres, tellement liés les uns aux autres, produits par l'époque moderne ;

- enfin, pour les fainéants, je signale ce texte inspiré par Marcel Mauss et Louis Dumont, qui fut un de ceux dont la rédaction m'a semblé m'apporter à moi-même quelque chose.

Voilà, vous avez assez de boulot. Fin de l'ajout du 28.10.08.



A l'heure actuelle, je n'ai pas l'énergie de déployer assez de temps pour mettre sur pied un véritable index thématique. L'apparition récente [écrit le 30.03.07] des "labels" en fin de messages me permet d'y suppléer en quelque manière. Quiconque veut des indications sur l'existence de textes se rattachant à un thème précis peut me contacter directement (cafeducommerce - arobase - hotmail - point - fr). Il est conseillé de faire de même si on me laisse un commentaire sur un texte ancien.

[14.06.08] A l'origine, et suivant le raisonnement exprimé ici, raisonnement formé de la conjonction d'un fait : je ne suis personne de connu ni de spécial, et d'un voeu : que ce café soit un lieu de création collective où les habitués et les gens de passage ne se privent pas d'apporter leur grain de sel, à l'origine donc j'ai décidé de rester anonyme - étant par ailleurs entendu qu'il suffisait de m'écrire pour avoir mon nom. Plus de trois ans après la création de ce site, dans la mesure où les commentaires sont assez rares et où personne ne m'a jamais proposé, malgré mes appels du pied, un texte à fins de publication, je prends acte du fait que je suis seul à la barre, et signe désormais mes interventions de mon nom - en bonne logique, inconnu et fort banal. Il peut donc être la peine de souligner aux nouveaux arrivants que, malgré le caractère rétroactif d'une correction effectuée dans le "profil", les textes présentés ici n'ont été vraiment signés qu'à partir du 10 juin 2008.

[09.12/07] Je regroupe dans le texte Terminologie la définition de quelques expressions que j'emploie régulièrement.

Pour conclure, je rappellerai les principaux auteurs sur lesquels je m'appuie (j'oublie volontairement les artistes à fins de clarté) - par ordre alphabétique : Vincent Descombes, Louis Dumont, Emile Durkheim, René Girard, Marcel Mauss, Philippe Muray, Jean-Pierre Voyer. Et derrière eux l'on devine sans peine la Bible, Hegel, Wittgenstein... Quelque part entre le rationalisme et le sacré.





einstein



P.S. : en faisant une recherche Google pour retrouver rapidement le texte consacré à M. Birenbaum, je découvre que Wikipedia me classe dans les blogs de droite. Je commençais à trouver cette introduction un peu superflue et auto-justificatrice, me voilà au moins en partie rassuré. Ceci dit, le café du commerce étant un lieu public et démocratique, les gens de droite y sont, je rougis de le préciser, aussi bienvenus que les autres.


Ajout le 27.09.06, sur les ajouts : en règle générale, je signale dans la rubrique "Ajouts récents" les compléments apportés aux différents textes. Néanmoins, lorsqu'il s'agit de modifications de détail, je ne m'y astreins pas.

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