Le point de départ est un texte de Jean Borella consacré à certaines différences entre Aristote et saint Thomas d'Aquin.
(Quand moi souligner, moi toujours
souligner ainsi. J'ajoute quelques commentaires [e
n italiques et entre crochets]. Sauf indication contraire, les citations à l'intérieur de cette citation, avec ces « guillemets », sont de Thomas d'Aquin.)
"Cependant, on ne saurait comprendre cette accentuation du thème de l'être comme acte dans l'élaboration de la théologie thomasienne sans faire intervenir la notion biblique (et donc extra-aristotélicienne) de la création
ex nihilo. Dans la mesure même où la création est
donation de tout l'être, c'est-à-dire non seulement de la nature ou essence de la créature mais encore de son exister comme tel dans son effectivité la plus radicale « hors du rien » (
ex nihilo), cet exister est signifié comme différence d'avec le néant : non pas différence statiquement constituée, mais différenciation en acte et toujours agissante ; elle est l'effectivité du non-néant, la permanente saillance hors du rien. Et c'est seulement ainsi que l'être créé peut être pensé véritablement
comme acte. (…)
Assurément…, l'être comme acte est difficile à penser, d'autant qu'en français
être est à la fois substantif et verbe ; d'où l'habitude récente de rendre l'
être substantif par
étant (latin :
ens) afin de le distinguer de l'
être verbe (latin :
esse), l'être comme acte. Ainsi entendu, on voit bien que l'être (
esse) n'est pas “un quelque chose”, une “réalité” transcendante, une “forme métaphysique” qui se combinerait de l'extérieur avec la chose, dont la chose serait dotée ou qu'elle participerait : l'être n'est pas un accident [
au sens de la distinction aristotélicienne entre substance et accident, note de AMG.]. Comme acte, l'être est insaisissable, puisqu'il est l'actualité de la chose ; il est, non la chose elle-même, mais le fait qu'elle existe effectivement : « L'être est l'actualité de toute forme ou nature : car la bonté ou l'humanité, par exemple, n'est signifiée comme actuelle que dans la mesure où nous la signifions comme existante. » Ainsi la forme ou essence d'une chose n'est pas son être, bien qu'une chose ne puisse exister sans sa forme. La substance elle-même, c'est-à-dire le quelque chose d'entièrement constitué et donc capable d'exercer par lui-même l'acte d'exister (un arbre, un chat, un homme, un ange) n'est pas son être, « mais l'être (
esse) est
ce par quoi la substance est appelée un étant (
ens). » L'
esse de la créature est à la fois extérieur à sa nature, et, en même temps, « l'être est en chaque chose ce qu'il y a de plus intime et de plus profondément inhérent. » [
Ici se trouve une note de J. Borella que j'évoquerai plus loin]. « Ce que j'appelle être, conclut saint Thomas dans le
De Potentia », est l'actualité de tous les actes et la perfection de toutes les perfections. »
Si tel est l'
esse dans la créature, alors il devient possible de l'attribuer également à Dieu. N'étant plus aucunement entendu en Dieu comme un quelque chose, l'
esse peut être participé par les créatures non comme une forme dont chaque créature aurait sa part, mais comme une participation à l'Acte d'être divin [
c'est ce qu'on appelle la démocratie participative]. L'être n'est pas plus un attribut de la créature qu'il n'est un attribut de l'Essence créatrice. Dieu ne participe pas [
Dieu n'est donc pas démocrate, Dieu merci, et c'est pour ça que Dieu et des éléments de démocratie existent, merci Vincent Descombes [1]] : Il est l'Acte même d'être. C'est pourquoi, son Essence étant identique à son
esse, cet
esse est absolu et infini puisque rien ne peut en limiter l'actualité. Dans les créatures, l'
esse est toujours celui d'une essence déterminée (par exemple, l'essence “homme”, ou “arbre”, ou “chat” [
J. Borella évacue le problème de l'essence de l'ange, qui était présent au côté des autres créatures dans le paragraphe précédent]), et ce que l'acte d'être de la créature actualise ultimement, c'est telle ou telle nature, l'une excluant l'autre. En Dieu, dont l'Essence est pure actualité d'être, rien ne vient limiter ou déterminer cette actualité. En tant que l'essence est ce par quoi un être est
ce qu'il est (et non pas un autre), on pourrait aller jusqu'à dire qu'en Dieu il n'y a pas d'essence [
en Dieu il n'y a pas de pétrole, mais des idées], ou encore que son essence est « pur acte d'être » (
actus purus essendi, dit saint Thomas) ; d'où son infinité.
Être par essence,
être par participation au pur Acte d'être divin, l'
être est bien “commun” au Créateur et aux créatures, mais par là même,
en tant même qu'il est “commun”, il est aussi infiniment différent, puisque
être pour la créature c'est
recevoir la participation de l'Acte d'être infini de Dieu dans la finitude de son essence. Sinon, précisément, il n'y aurait pas participation, mais identité. Qui dit participation dit donc déficience, mais il dit aussi ressemblance. (…)
C'est donc la causalité efficiente par laquelle Dieu
donne aux créatures de participer à son Acte d'être qui les unit à Lui en tant même qu'elle les distingue de Lui puisqu'elle leur confère par là-même leur réalité la plus intime et la plus propre. De ce point de vue, par la causalité universelle de son Acte d'être, Dieu est immanent au coeur de chaque créature, quelle qu'elle soit : « Dieu est toute chose par essence, en tant qu'il est présent à toutes choses à titre de cause immédiate de leur être (
esse). » Cette conception de la causalité efficiente (ou agente) comme
don de la participation à l'Acte d'être divin rend compte à la fois de l'immanence et de la transcendance divine. « L'acte, écrit B. Montagnes [
La doctrine de l'analogie de l'être d'après saint Thomas d'Aquin, 1963], est en même temps ce que l'effet a de commun avec la cause et ce par quoi il ne s'identifie pas à elle. Ainsi c'est par une véritable
communication d'être que Dieu produit les créatures (…) »." (J. Borella,
Penser l'analogie, L'Harmattan, 2012 [2000], pp. 77-83)
Tout cela est évidemment presque aussi atrocement bandant que ma femme nue et consentante, prolongeons et explicitons notre plaisir. Le vieux fou Mauss avait décidément raison, tout est affaire de don, qui n'est donc pas seulement, ce qui n'était déjà pas rien, un « fait social total », mais qui est carrément un fait métaphysique total. "Nous ne recevons rien que nous n'ayons d'abord donné. Entre nous, il n'est qu'échange, Dieu seul donne, lui seul", comme
l'écrivait Bernanos. Ça a débuté comme ça : nous, nous n'avions rien demandé mais nous recevons l'existence en cadeau. Ce qui peut se développer dans deux directions.
Pour la première, c'est Chesterton qui prend le relais, en partant de François d'Assise :
"Ainsi s'élève de ce qui est presque un abîme de néant, la noble Louange que nul ne peut comprendre tant qu'il la confond avec le culte de la nature ou l'humanisme panthéiste. D'ordinaire, quand nous disons d'un poète qu'il loue la création, nous entendons qu'il loue toutes les créatures. Mais le poète mystique loue réellement
l'acte par lequel toutes choses sont créées. Il chante le moment où l'être succède au néant (…).
Le mystique, qui remonte jusqu'au moment où il n'y a plus que Dieu, rien que Dieu, contemple en quelque sorte ce commencement sans commencement où il n'y avait rien d'autre. Il voit chaque chose et le néant dont elle fut tirée. D'une certaine manière, il souffre et endure l'ironie dévastatrice du Livre de Job ; en un certain sens, il regarde creuser les fondations du monde tandis que le choeur des étoiles chante l'aube naissante et que les fils de Dieu clament leur joie. (…)
Ce n'est pas une affaire de sentiment ni d'expression, encore moins d'imagination, c'est une question de fait. Et auprès de ce fait, tout le reste pâlit. Par le sens merveilleux de la gratitude, par le sens sublime de la dépendance, nous touchons le roc même de la réalité. Ce n'est pas un mirage fruit de son imagination qui fait dire au chrétien que nous dépendons à tout instant de Dieu, à l'agnostique lui-même que tout dépend à chaque instant de l'existence même de l'instant suivant. Bien au contraire ce sont les innombrables mirages favorisés par la vie courante qui nous cachent, comme derrière un rideau, ce formidable fait. La vie courante est en soi une chose admirable de même que l'imagination et celle-ci joue un grand rôle dans celle-là. Ce n'est pas la vie contemplative qui se nourrit d'imaginations, mais la vie dans le monde. Celui qui a vu le monde suspendu à la miséricorde du Tout-Puissant a contemplé la vérité ; on pourrait presque dire : la dure vérité. (…)
Tous les biens semblent meilleurs quand ils prennent figure de
dons. De ce point de vue la mystique offre un moyen très sûr et très sain d'atteindre le monde extérieur. A la condition de ne pas oublier que, en raison de sa dépendance de la réalité divine, ce monde tout entier occupe la seconde place. Que la vie sociale y paraisse à la fois bien assise et bien équilibrée, ou si l'on veut à la fois efficace et détendue, que l'essentiel y soit assuré et qu'en ce sens elle se suffise à elle-même, n'empêchera pas un mystique de savoir que l'existence même de ce monde tient à un fil ni de penser que tout cela n'est pas très sérieux. Que les autorités et les puissances, même traditionnelles, même naturelles et même nécessaires désignent à chaque homme sa place et la lui assurent, n'empêchera pas le mystique de savoir que ces grands et ces puissants sont en réalité suspendus par les pieds. Il regardera toujours les hiérarchies humaines avec un doux sourire. (…)
Pour donner brièvement une idée de l'un des aspects de l'illumination accordée à François, je dirais qu'elle fut comme la découverte d'une dette. On peut trouver surprenant qu'un homme semble se réjouir de découvrir qu'il est endetté. D'ailleurs sa joie se trouve généralement tempérée sans délai, les usages commerciaux ne lui permettant pas d'en faire profiter ses créanciers ! A plus forte raison lorsqu'il est clair que la dette est infinie et ne peut donc être acquittée. Mais il suffit de recourir à l'image d'un amour humain véritablement grand pour que la difficulté s'évanouisse d'un coup : là le créancier éternel partage vraiment la joie du débiteur éternel, car ils sont l'un et l'autre à la fois débiteur et créancier. Autrement dit l'amour parfait transforme dette et dépendance en plaisir. (…)
(
La version aryenne et la version « judéo-négro-maçonnique », comme disait Ferdinand, faites votre choix.)
Noble et saint paradoxe ! L'homme qui sait qu'il ne peut pas s'acquitter de sa dette ne cesse de s'y employer. Il n'arrête pas de rendre ce qu'il ne peut pas rendre et qu'il n'est pas supposé rendre [
si quand, même, en partie]. Il jette tout ce qu'il peut dans l'abîme sans fond d'une action de grâces sans fin.
Vous êtes trop moderne pour comprendre pareille façon de voir ? Non, mais trop médiocre. Et nous sommes tous trop médiocres pour la mettre en pratique. Nous manquons trop de
générosité pour faire des ascètes - et, pourrait-on dire, par trop de génie. Il faut apprendre à voir la grandeur de l'abandon entre les mains d'un autre, ce dont pour la plupart nous n'avons qu'une faible idée par nos premières amours, échos du paradis perdu. Mais, que nous la voyons ou non, la vérité est là. Elle repose dans cette énigme : il n'y a au monde qu'une bonne chose. Et cette bonne chose est une mauvaise créance.
Si jamais ce sens très rare et très élevé de l'amour, sens vrai dont les troubadours se nourrirent vient à disparaître et qu'il est compté au rang des vieilles lunes, alors le monde moderne cessera de comprendre ce qu'est l'amour comme il a cessé de comprendre ce qu'est le sacrifice. Des barbares ont détruit la guerre chevaleresque, d'autres peuvent détruire l'amour chevaleresque." (Saint François d'Assise, Dominique Martin Morin, 1979 [1923], pp. 81-86)
(Ce dernier paragraphe, sans le contexte du livre, est peut-être quelque peu obscur, laissons tomber pour aujourd'hui.)
Afin de renforcer encore le lien entre ces deux textes, on notera que les extraits du livre de Jean Borella tournent autour du questionnement : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?, l'auteur critiquant certaines thèses de Heidegger sur le sujet avant d'enchaîner : "Seule la pensée d'une origine fait surgir la possible absence de toute chose. Sinon, l'ordre du monde et la présence du réel anticipent par leur évidence toute interrogation." (p. 78) Remarquons par ailleurs sans y insister qu'il y a une sorte de phénoménologie de la perception (du monde et du don du monde, et du monde parce que du don du monde) chez Chesterton : "Tous les biens semblent meilleurs quand ils prennent figure de dons. De ce point de vue la mystique offre un moyen très sûr et très sain d'atteindre le monde extérieur." (Le cadeau de l'apparition apparaît-il au mystique ?) Mais restons surtout sur l'idée de base, sur laquelle se rencontrent le philosophe et l'apologiste-moraliste-sociologue : tout commence par un don pour lequel il n'y a pas de contre-don. (On peut laisser de côté la "joie du débiteur éternel", absente chez Thomas d'Aquin et J. Borella, qui n'est pas si nécessaire au raisonnement d'ensemble, même d'ailleurs chez Chesterton, lequel parle ici d'« image ».)
Ce qui nous amène à la deuxième direction d'interprétation, où l'on retrouve
Maurras et l'idée que grâce à lui j'aie eue du péché originel en tant que reflet ou conséquence de l'absence du don / contre-don. Il n'y a pas de contre-don possible au premier don - don de l'existence comme du monde, à l'échelle individuelle c'est la même chose, tout est livré en même temps. Et, à cette échelle individuelle, comme le développe Maurras dans le texte vers lequel je viens de vous renvoyer, tout commence par des dons que l'on ne peut pas, être faible et dépendant que l'on est, « contre-donner ». Et il
devrait en être de même dans la vie sociale qu'il en est pour Chesterton du rapport du mystique à Dieu, on devrait comprendre que ce n'est pas parce qu'on est / naît porteur d'une immense dette, qu'il ne faut pas chercher à la rembourser, que c'est au contraire en la remboursant le plus possible que l'on va être un peu vivant. Ici encore, la philosophie rejoint aussi bien une forme d'apologétique que la sociologie maurrassio-maussienne - dans la note que j'ai évoquée plus haut mais pas retranscrite, voici ce qu'écrit J. Borella :
"Ce point est lié à la question fort débattue de la distinction de l'essence et de l'existence. Le certain et décisif, c'est que nulle essence (et même nulle substance) n'est son
esse. Ce qui signifie simplement que nulle créature n'est véritablement ce qu'elle est : Dieu seul est absolument Lui-même, en Lui seul il y a identité de l'essence (
ce qu'Il est) et de l'existence (qu'
Il est). (…) Peut-être faudrait-il admettre que l'existence (au sens créaturel du terme : ex-ister = se tenir hors de) est elle-même, en tant que telle, différenciation réalisante d'avec l'essence. Autrement dit : “exister”, c'est ne pas être tout à fait ce que l'on est. La créature est une distance, enseigne saint Maxime le Confesseur : l'homme doit devenir ce qu'il est, il doit réaliser son essence : d'où la temporalité et la liberté." (p. 80n.)
Ce qui ne peut sans doute se réussir complètement ; ce qui ne peut par ailleurs s'envisager sans les liens de dons / contre-dons avec les autres « distances » que sont les autres créatures (c'est ici que Maurras et Mauss repointent leur nez et virent par la fenêtre l'éventuel esprit nietzschéen qui pourrait faire son apparition).
Tout cela, les Sauvages des Trobriand, qui n'étaient pas catholiques, l'ont beaucoup mieux compris que les individualistes modernes, éventuellement catholiques.
D'où une précision d'importance. Depuis que j'ai écrit que "le péché originel, c'est l'absence du don / contre-don, tout simplement", il y a quelque chose qui me titille dans cette formulation. C'est qu'il n'y a qu'un péché originel, mais que l'on peut en avoir clairement ou non conscience. Un système social fondé sur de nombreuses et variées figures de la réciprocité comme celui des Trobriand en a très clairement conscience, même en univers païen.
(Je découvre pendant la mise sous presse ce qu'écrit Joseph de Maistre à ce sujet : "Il n'y a rien de si attesté, rien de si universellement cru sous une forme ou sous une autre, rien enfin de si intrinsèquement plausible que la théorie du péché originel." (
Les soirées de Saint-Pétersbourg, « Oeuvres », Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2007, p. 489). Merci bien !)
Il faut donc reformuler : comme le disent les ados, lesquels, en pleine découverte de la sexualité, sont bien placés pour savoir qu'il y a des cadeaux empoisonnés (Mauss vous fait des tartines là-dessus, sur ces mots qui veulent dire à la fois don et poison), nous n'avons pas demandé à naître. La naissance au monde est un cadeau qui nous tombe un peu sur la gueule, nous sommes dès le début débiteurs, dès le début faibles, qu'il s'agisse de l'humaine condition ou de la néoténie du nouveau-né. Ensuite, à l'inverse des ados, ou justement en devenant ce qu'on appelle adulte, nous comprenons que pour limiter les effets de cette faiblesse comme pour s'amuser un peu dans la vie, il faut passer par la gratitude, que ce soit à l'égard de notre créancier, comme dit Chesterton, que par rapport à nos compagnons de galère. Que cela passe par une théorie élaborée de la faiblesse humaine, du péché originel, n'est pas de ce point de vue essentiel.
Précisons que tout cela n'est pas fleur bleue ni « de gauche » : les figures de la réciprocité et du don, n'excluent pas, il s'en faut, l'émulation, la compétition, les phénomènes agonistiques, etc., ni tout ce qui relève de la hiérarchie et de l'autorité.
Si l'on repense à ce que Chesterton écrit de la façon dont le mystique qui a vu la vérité du don de Dieu regarde les hiérarchies humaines avec un « doux sourire », on notera ceci dit que le croyant (Chesterton) est plus fondamentalement sceptique quant à ces hiérarchies que le théoricien qui pense le catholicisme comme une pièce de son système politique (Maurras).
(Au passage : on comprend ici ce qui manque à Muray, qui ne voit dans la notion d'unité collective qu'une fusion païenne / totalitaire, ou l'affadit en « principes » chrétiens, et ne conçoit pas cette forme d'unité sous-jacente qui permet la variété.)
Il faudra détailler tout ça. Voir ce que ces clés peuvent ou non ouvrir. Plus loin dans son livre Jean Borella revient sur le péché originel, j'ai lu sa thèse après avoir rédigé ce texte, il importera de comparer avec mon interprétation.
- Et le cul, alors ? Il est bien évident que mes testicules remuent en tous sens à l'idée d'essayer d'appliquer ces pistes d'interprétation à la sexualité, mais je crois que ça serait trop charger la barque pour aujourd'hui. "Bien fier [déjà] d'avoir fait sonner ces vérités utiles", comme dit, encore, Ferdinand au début du
Voyage, il ne me reste donc plus maintenant qu'à vous laisser "là, ravis, à regarder les dames du café [
du commerce]."
[1]Je fais ici allusion à un texte qu'à une époque je citais
souvent, dans lequel Vincent Descombes montre que pour qu'il y ait de la démocratie dans un système social il ne faut pas chercher à la mettre partout :
"Quand la philosophie accepte de se laisser éclairer par l'anthropologie, elle doit même aller plus loin et reconnaître que les valeurs modernes sont parfaitement incompatibles avec d'autres choses importantes et précieuses de la vie humaine, du moins au premier abord et tant qu'on n'a pas introduit toutes sortes de complexités nécessaires. La démocratie, c'est très bien, la famille c'est très bien, mais la famille démocratique, cela n'existe pas. Ce qui peut exister, peut-être, et doit certainement être recherché, c'est la famille dont les membres sortent sur l'agora avec les vertus de caractère d'un citoyen démocratique. Cette famille sera donc démocratique par sa finalité, par son adéquation aux conditions d'une société démocratique, mais pas littéralement par son fonctionnement, car aucune famille ne saurait être conçue sur le modèle d'une société contractuelle, d'un instrument au service d'individus qui ont accepté de coopérer. Même chose pour l'école : elle est l'exemple même d'une condition non démocratique, du moins immédiatement, de la démocratie." ("Un itinéraire philosophique", entretien à
Esprit, juillet 2005.)
Libellés : Aristote, Bernanos, Borella, Céline, Chesterton, Descombes, Heidegger, Maistre, Malinowski, Maurras, Mauss, Muray, Nietzsche, Thomas d'Aquin, Voyer, Wagner