vendredi 2 janvier 2015

Bonne année, année Bonnard...

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(Celui dont je vais vous parler se situe à l'extrême-droite de cette photo d'écrivains de droite. Je découvre que Drieu a des faux airs du libraire-éditeur le Dilettante, ou l'inverse, le monde des écrivains et libraires est petit.)


Si vous saviez à quel point le temps m'est compté, chers amis, vous me feriez une pension, afin que je puisse travailler dans mon coin au lieu de m'épuiser à gagner de l'argent. L'argent, c'est amusant mais fatigant. A 43 ans depuis quelques jours je sens bien qu'il ne me reste plus beaucoup de temps, un vieillissement précoce m'a atteint, que seule une couche de graisse autour du menton dénonce, pour l'heure. Dans ma profession je suis un des jeunes qui montent, intérieurement je balance entre le fantôme et le pantin.

Bouffé par le pognon, AMG ? Dire le contraire serait mensonge, même si, en réalité, le moral est toujours là, c'est plus une forme de physique qui lâche. J'ai découvert un auteur important, cela n'arrive pas tous les jours, Abel Bonnard, l'enthousiasme que je peux éprouver à la lecture de ses livres étant hélas aussitôt connoté de mélancolie : cet homme avait raison il y a 70 ans et a été oublié depuis, et qu'il ait si j'ose dire encore plus raison maintenant n'est pas une bonne nouvelle pour le pays.

Les modérés, son livre le plus connu, a été récemment réédité par A. Soral. C'est un chef-d'oeuvre dont je pense - mais aurai-je / prendrai-je le temps ? - vous distiller quelques passages au fil des mois, une rubrique que l'on pourrait appeler "Le Bonnard du jour". J'ai régulièrement cité cette formule de Jean-Pierre Voyer, Dieu le bénisse, selon laquelle le fait même d'être au courant, pour quelqu'un comme lui, de l'existence de BHL, en disait long sur l'état des choses : on peut faire le même raisonnement, a contrario, sur le peu de reconnaissance dont jouit pour l'heure le travail de Bonnard. Je n'ai pas revu encore la présentation des Modérés par Alain Soral, mais il n'est pas sans intérêt de noter que ce livre est le moins « complotiste » qui soit, en ce sens que, d'une certaine façon, Bonnard n'y a pas besoin de l'hypothèse du complot pour expliquer pourquoi, depuis la Révolution dite française, les Français se font si facilement berner. - Par des minorités agissantes : la démocratie est la dictature des minorités, c'est tout simple, les mots en politique cachent ou disent le contraire de ce qu'ils prétendent. On retrouve là tout de suite du complot, si l'on veut, mais les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent, ou, plus prosaïquement encore, si les Français se font si souvent et depuis si longtemps enculer c'est bien qu'ils ont le cul trop facile, qu'ils ne cessent de tendre l'autre fesse.

Quelque part dans ce livre, Bonnard parle de l'histoire de France comme interrompue, suspendue, par la Révolution. Je vous retrouverai ça, mais il est difficile de ne pas interpréter les XIXe et XXe siècles comme un cycle de luttes plus ou moins conscientes - et les minorités agissantes sont toujours plus conscientes que les majorités silencieuses, Simone Weil la sainte vierge l'a très bien expliqué - pour mettre fin ou au contraire entériner définitivement cette solution de continuité. De ce point de vue, les thématiques telles que celles du Grand Remplacement - que pourrait nous expliquer très bien la très peu sainte avorteuse Simone Veil, cheville ouvrière qui plus est du regroupement familial, on a les Juives que l'on mérite, passons... - prennent logiquement place dans cette sorte d'histoire de l'interruption de l'histoire de France. On en arrive au point où comprendre l'histoire de son pays revient presque à s'exclure de son présent, alors que ce devrait être le contraire !

(Une incise sur MM. Nabe et Soral, puisque ce fut l'un de mes thèmes récurrents. Je les suis toujours, ai notamment lu Patience, et ne suis pas du genre à oublier ou trop critiquer ceux envers qui j'estime avoir une dette intellectuelle. J'aimerais tout de même savoir pourquoi ils éprouvent le besoin, chacun à sa façon, de se dire catholiques, alors qu'ils le sont si peu. Personne ne les oblige à l'être, mais ne voient-ils pas qu'ils y perdent en crédibilité ?)

Bref, je vais essayer de vous détailler tout ça dans les mois qui viennent. Et pour commencer, je vais citer... un autre livre, mais dont le début m'a particulièrement touché. Il s'agit de la biographie de Maurras par Stéphane Giocanti :

"Comme ses aînés Taine et Renan, ou son ami Barrès, Maurras est hanté par le constat de la fragilité des choses humaines. La défaite de 1870, la Commune, l'occupation d'un tiers de la France par les troupes prussiennes, la perte de deux provinces lui font voir combien les civilisations sont mortelles, et à quel point les mauvaises décisions politiques se paient. Ébranlé dans sa jeunesse par l'image des catastrophes et des divisions, il a l'intuition de la nécessité, de la bonté et de la beauté de l'ordre, lorsque le génie humain y parvient." (Flammarion, 2007, p. 12). "L'ordre est le nom social de la beauté", surenchérit et synthétise Bonnard (Les modérés, Grasset, 1936, p. 263). Si le Vrai, le Beau et le Bien doivent s'unir, il est logique qu'en plus de tout l'erreur et François Hollande soient laids, ajoute en catimini votre serviteur.

2015, année où les mauvaises décisions politiques vont se payer ? Bises à tous !