Vincent, François, Paul et les Juifs.
Il y a plusieurs façons d'être philosémite, plusieurs façons d'être antisémite - plusieurs façons d'être, comme moi, les deux. Mais laissons la parole à un spécialiste :
"Je m'échappais de ces misères en m'enfermant chez moi nuit et jour avec mes documents juifs. J'en faisais un nouveau numéro spécial, Les Juifs et la France. Je plongeais voluptueusement dans l'histoire immémoriale de leurs tribulations. Je voyais mieux encore combien leur puissance chez nous était insolite et neuve. Ces soixante ou quatre-vingt années laisseraient dans le long cours des siècles de la vie française la trace d'une surprenante erreur. Pour l'expliquer un peu plus tard, pour la rendre croyable, il faudrait remonter longuement et difficilement aux causes enchevêtrées qui déterminèrent une pareille obnubilation de nos esprits, l'assouplissement d'un instinct aussi vif de notre sang.
Je quittais mes papiers et mes livres. Je repartais à travers Paris. J'y retrouvais étalés partout les signes les plus imprudents de la souveraineté juive. Les Juifs savouraient tous les délices, chair, vengeance, orgueil, pouvoir. Ils couchaient avec nos plus belles filles.
Ils accrochaient chez eux les plus beaux tableaux de nos plus grands peintres. Ils se prélassaient dans nos plus beaux châteaux. Ils étaient mignottés, encensés, caressés. Le moindre petit seigneur de leur tribu avait dix plumitifs dans sa cour pour faire chanter ses louanges. Ils tenaient dans leurs mains nos banques, les titres de nos bourgeois, les terres et les bêtes de nos paysans. Ils agitaient à leur gré, par la presse et leurs films, les cervelles de notre peuple. Leurs journaux étaient toujours les plus lus, il n'y avait pas un cinéma qui ne leur appartînt pas. Ils possédaient leurs ministres au faîte de l'État. Du haut en bas du régime, dans toutes les entreprises, à tous les carrefours de la vie française, dans l'économique, dans le politique, dans le spirituel, ils avaient un émissaire de leur race posté, prêt à retenir la dîme, à imiter les vetos et les ordres d'Israël.
L'Église elle-même leur offrait son alliance et leur prêtait ses armes. Ils avaient toute liberté de couvrir leurs ennemis de boue et d'ordures, d'accumuler sur eux les plus mortels soupçons.
Bientôt, ils auraient le pouvoir de le[s] bâillonner. Pour un mot qui écorcherait les oreilles, ils feraient pourchasser, juger, emprisonner, ruiner le téméraire chrétien qui l'aurait prononcé.
Mais devant les feux et l'or clinquant du Paris juif, je pensais avec une tranquille certitude à l'exode éternel et inévitable. En remontant les Champs-Élysées où ils se vautraient dans les beaux bras de leurs esclaves chrétiennes, je repassais dans ma tête toute la suite des édits implacables qui jalonnaient pour les Juifs l'histoire de France. Je voyais de Philippe le Bel à Louis XVI se dérouler ce long cours de siècles féconds où mon pays ne cessait de grandir, où il était le plus puissant du monde et où il vivait sans Juifs, où le Juif loqueteux, égaré d'aventure sur les terres du royaume, versait à l'entrée des ponts de péage la même obole que pour un cochon.
Les Juifs venaient d'atteindre la plus grande puissance qu'ils eussent jamais rêvée, au bout de cent cinquante années ensanglantées par les guerres et les révolutions les plus obscures et les plus meurtrières, déshonorées par les chimères les plus folles et les plus funestes, les formes de tyrannies les plus féroces, que le monde eût connues depuis toujours. Le Juif, antique pillard de morts, ne pouvait conquérir sa plus grande fortune que dans les temps où s'amoncelaient de tels charniers humains. Il ne pouvait prétendre au rang de prince et de chef que dans une époque où les têtes perdues d'illusion oubliaient toute réalité.
Il avait fallu le dogme insane de l'égalité des hommes pour qu'il pût à nouveau se faufiler parmi nous en déchirant ses passeports d'infamie, pour que ce parasite, ce vagabond fraudeur pût s'arroger tous les droits de notre peuple laborieux, attaché depuis des millénaires à notre sol. Le Juif était l'universel profiteur de notre démocratie. Mais elle apparaissait semblable à lui-même, comme lui verbeuse, retorse, crasseuse, sournoise, se berçant de mirages, affectionnant l'artifice, inégalable dans le faux et l'escroquerie, incapable dans la construction, nourrie des mêmes livres et des mêmes mythes que lui, révérant de Marx à Blum tous les maîtres de la nouvelle Cabbale, poursuivant comme lui le vieil espoir de l'anarchie qui referait le genre humain.
Le seul régime qui eût pu porter le Juif si haut était bâti sur le sable et le mensonge, comme toutes les oeuvres d'Israël. En s'identifiant à lui chaque jour davantage, le Juif hâtait sa pourriture. Ensemble ils s'effondreraient. La vermine n'est jamais plus prospère que sur l'arbre qu'elle a sucé jusqu'aux racines et qui va mourir. Mais quand l'arbre meurt la vermine crève avec lui.
La démocratie agonisait. Le temps ne tarderait plus où les Rothschild reprendraient la besace.
Je ne voulais plus connaître de question juive. Elle n'existait pas. Ou bien, telle qu'on nous la posait, c'était la plus belle ruse des Juifs, le débat installé avec sa chicane morale à la place de la loi qui eût si vite tranché. Il n'y avait qu'un problème chrétien. Cinq cent mille Juifs poltrons, perdus parmi quarante millions de Français ne pouvaient être forts que de la bêtise ou de la vénalité des chrétiens. Le statut juif ne relevait pas de l'éthique, mais de la simple police.
Il n'était ni normal ni salubre pour un chrétien de se confiner dans l'étude d'une race inférieure et exotique, de vivre indéfiniment dans son intimité. La plupart des antisémites finissaient par tomber dans l'hyperbole juive. Il n'y avait plus d'entreprise, si démesurée fût-elle, dont ils ne jugeassent la juiverie capable. L'antisémitisme fourmillait de maniaques, d'hallucinés qui voyaient mille Juifs pour un seul. Ils annonçaient avec des yeux hagards l'invincibilité de ce minuscule peuple de pleutres et de déjetés, tremblant de tous leurs membres au seul aspect d'un fusil,
vingt millions à peine d'Hébreux disséminés sur quatre continents, dont plus de la moitié croupissant dans leurs ghettos.
Quelle farce plaisante que cet empire des Juifs au regard de grandes époques de la France ! J'imaginais le rire de Rabelais et de Louis XIV sur de tels propos. Ce qui était burlesque alors n'avait pu devenir concevable que par notre ramollissement. Nous retombions en enfance. Nous avions devant le hibou juif des épouvantes et des superstitions de vieilles femmes.
Sous le Juif le plus policé, le plus francisé d'aspect, je reconnaissais l'Hébreu vaticinant.
A se voir vêtu de si beaux draps anglais, écrasant les indigènes de son faste, crachant conjugalement son sperme juif dans les plus nobles ventres du blason français, académicien comme Racine et La Fontaine, ministre à Paris et à Londres, baron ici et lord là-bas, protégé par les polices et les lois des trois plus grands empires du monde, choyé par les loges, les Parlements et les Églises, arbitre souverain de la Bourse, de Stock Exchange et de Wall Street, le fils des tribus entrait en délire. Tout le fiel amassé dans les vieux ghettos lui remontait à la tête. Il ne voulait plus tolérer les limites à sa revanche et à son pouvoir. Il lui fallait tout asservir. Mais il suffisait d'un bâton brandi par un chrétien pour que le César de Jérusalem déguerpît à toutes jambes.
Les Juifs n'avaient rien acquis que par le vol et la corruption. Plus ils étendaient leur pouvoir et plus la pourriture gagnait avec eux. Il leur fallait démolir toutes nos vieilles fondations et mettre leur boue et leurs déchets à la place pour élever leur édifice. L'effondrement d'un pareil monument était certain. Leur impuissance à quelque gouvernement que ce fût le disait assez.
Les Juifs parviendraient-ils à acheter le monde entier - c'était là leur unique moyen de conquête - ils seraient le lendemain plongés dans un chaos où glapiraient ces sous-hommes, bientôt emportés et déchiquetés par d'indicibles tempêtes. Je ne pouvais croire à cette apocalypse. Israël, sur notre continent même, avait déjà été trop bien mis en échec.
Pour nous, Français, hélas ! la question restait entière. Saurions-nous chasser à temps ces architectes et ces maçons de catastrophe, ou dégringolerions-nous en même temps que leur Babel ?
Quel thème métaphysique pour un chrétien ayant la foi que cette éternelle défaite châtiant à travers tous les âges cette race qui avait tué Dieu ! Mais en l'an 39, de telles idées ne venaient plus qu'à des mécréants. Les catholiques pieux étaient en plein pilpoul. Nos théologiens s'affublaient du taleth par-dessus la chasuble. Si les Juifs cherchaient à tout démolir, c'était pour obéir à leur vocation providentielle. Israël était un corpus mysticum, une Église infidèle, répudié comme Église, mais toujours attendu de l'Époux. Israël avait pour tâche « l'activation terrestre de la masse du monde ». Il l'empêchait de dormir tant qu'il n'y avait pas Dieu, il stimulait le mouvement de l'histoire. « Ecce vere Israelita, in quo dolus non est ». Le Seigneur Jésus lui-même a rendu témoignage au véritable Israël. Les Juifs avaient l'amour de la vérité à en mourir, la volonté de la vérité pure, absolue, inaccessible, car elle est Celui même dont le nom est ineffable. La diaspora était la correspondance terrestre et meurtrie de la catholicité de l'Église.
Les judéolâtres allaient chercher leurs références chez cet être de boue et de bave, Léon Bloy, fameuse plume, certes, l'un des plus prodigieux pamphlétaires au poivre rouge de nos lettres, mais véritable Juif d'adoption par la geinte, l'impudeur, l'effronterie, la distillation de la haine et de la crasse : « L'histoire des Juifs barre l'histoire du genre humain comme une digue barre un fleuve pour en élever le niveau. »
« L'antisémitisme, disaient-ils, n'était qu'une sorte d'acte manqué collectif, ou de succédané d'une obscure et inconsciente passion d'anticléricalisme. Car on avait beau faire, le peuple d'Israël restait le peuple prêtre. Le mauvais Juif était une sorte de mauvais prêtre. Dieu ne voulait pas qu'on y touchât à lui non plus ». Le véritable israélite portait, en vertu d'une promesse indestructible, la livrée du Messie. Si le monde haïssait les Juifs, c'est qu'il sentait bien qu'ils seraient toujours surnaturellement étrangers.
Ces gens dégoisaient inlassablement leur patois de séminaire et de cuistrerie. Ils faisaient entrer les Juifs baptisés dans le plein convivium de la cité chrétienne. Ils « temporalisaient le problème judaïque constitutionnellement », et par « des enchevêtrements juridictionnels ».
Langue de chiens bâtards, hideuse défécation d'une bouillie philosopharde ! Ces barbares et et fétides cagots n'étaient plus justifiables que d'arguments frappants.
La seule besogne utile était de rendre notre peuple à cette délectable certitude : il suffirait toujours d'un caporal et de quatre hommes pour mener aux galères quand il nous plairait nos cinq cent mille Juifs gémissants et tremblants.
Etc...
Nous verrions de nos yeux une nouvelle démolition du Temple, et il ne se relèverait pas de sitôt de ses décombres. Le grave était que les Juifs avaient décidé de commettre à sa garde tous les hommes et tous les caporaux de France, de les faire étriper pour sauver ses trésors, et qu'il se trouvait dans notre pays même des chrétiens de vieille race pour applaudir à ce dessein." (Les décombres, 1942, I, 5.)
Il paraît maintenant qu'il n'était pas juif... Dommage, j'aimais bien cette idée qu'un des pères de nos lettres, au sourire si ironique et sage, le fût. Que de bruit, que d'agitation !
Lui non plus, semble-t-il... Mais où sont passés les bons Juifs ? Existent-ils ?
Eh oui, cette ignoble face à la Alexandre Adler, véritable cliché antisémite à elle toute seule, est celle d'un des cinéastes les plus délicats, inventifs et même français de l'histoire... Mais vous ne le reconnaissez peut-être pas tous.
Allez, lui pourra nous servir de point de départ pour notre recherche des juifs perdus...
Pourquoi une telle citation, qui plus est aussi longue ? D'abord pour que l'on puisse juger sur pièces : lorsqu'on s'offusque de manifestations contemporaines d'antisémitisme (avec ou sans guillemets), il est bon de voir exactement ce qu'a pu être à une époque l'antisémitisme (sans guillemets !). Ce pourquoi d'ailleurs j'ai renoncé à pratiquer certaines coupures dans des passages moins importants ou réussis que d'autres : il n'y a rien de plus énervant que de lire des extraits de Bagatelles pour un massacre pleins de « (...) », ou toutes les sentences antijuives réunies par Muray dans Le XIXe siècle à travers les âges sans pouvoir juger du contexte exact. Au moins le texte que j'ai retranscrit forme-t-il un tout.
Un tout que vous jugerez vous-mêmes : le moins que l'on puisse dire dans ce texte dense est que l'on y trouve à boire et à manger. Et je sais bien qu'avec cette retranscription je peux aussi bien faire jouir des antisémites que de donner du grain à moudre à ceux qui voient dans la France le plus antisémite des pays. C'est ainsi, et je ne me lancerai pas dans une analyse ligne à ligne de ce qui précède - possibilité dont l'évocation même peut choquer certains puisqu'elle sous-entend qu'il peut y avoir du vrai dans le discours de Rebatet. Du reste, mon commentaire, qui porte sur quelques points précis mais capitaux, suffira j'espère à m'éviter les interprétations les plus désobligeantes.
Les phrases à mes yeux les plus intéressantes sont celles-ci :
"Je ne voulais plus connaître de question juive. Elle n'existait pas. Ou bien, telle qu'on nous la posait, c'était la plus belle ruse des Juifs, le débat installé avec sa chicane morale à la place de la loi qui eût si vite tranché. Il n'y avait qu'un problème chrétien. Cinq cent mille Juifs poltrons, perdus parmi quarante millions de Français ne pouvaient être forts que de la bêtise ou de la vénalité des chrétiens. Le statut juif ne relevait pas de l'éthique, mais de la simple police.
Il n'était ni normal ni salubre pour un chrétien de se confiner dans l'étude d'une race inférieure et exotique, de vivre indéfiniment dans son intimité. La plupart des antisémites finissaient par tomber dans l'hyperbole juive. Il n'y avait plus d'entreprise, si démesurée fût-elle, dont ils ne jugeassent la juiverie capable. L'antisémitisme fourmillait de maniaques, d'hallucinés qui voyaient mille Juifs pour un seul. Ils annonçaient avec des yeux hagards l'invincibilité de ce minuscule peuple..."
Dit rapidement : finalement, les Juifs, dont je viens d'étudier si fiévreusement - « voluptueusement » - l'histoire, ce n'est rien, ou si peu de chose. C'est même une ruse de leur part de faire croire qu'ils sont grand chose. Mais comme tout le monde les croit, ils sont tout de même puissants. Incroyablement puissants, même. D'ailleurs, ils tiennent tout, la presse, le cinéma...
Il y a ici la conjonction d'une évidence mathématique, que l'époque de rédaction des Décombres et les années qui suivirent allaient amplement confirmer : les Juifs étant une faible minorité des populations allemande et française (restons-en là), si la majorité décide de les supprimer, elle n'y aura pas grand mal ; d'une évidence mathématique et d'un paradoxe logique : dans le système de Rebatet, l'impuissance des Juifs est le signe même de leur puissance (et, espère-t-il, leur puissance actuelle la préfiguration de leur impuissance à venir). La « question juive » se formule alors ainsi : d'où peut venir la puissance de ces impuissants ?
Si la seule façon pratique de résoudre ce problème, de sortir ce cercle dont Rebatet ne cache guère qu'il le rend un peu fou est - fut - une opération de « simple police », la seule issue d'un point de vue logique est de reporter la responsabilité de la situation sur les Français eux-mêmes. J'ai lu pour l'heure environ un tiers des Décombres : beaucoup des meilleurs passages, parfois même hilarants, sont consacrés à la décadence de la IIIe République, l'état de vieillissement du pays, les discours creux et pompeux, etc. J'imagine que le récit de la débâcle sera l'occasion d'autres belles envolées. Autant dire que cet aspect de mise en accusation des Français est loin d'être oublié par l'auteur.
Cela ne lui suffit pourtant pas. D'abord parce qu'il déteste tout de même plus les Juifs que les Français. Ensuite parce qu'il a aussi de sérieux problèmes avec le christianisme et les chrétiens - au point de vouloir substituer d'une certaine manière à la « question juive » le « problème chrétien » -, et que cela, nous allons le voir, complique sérieusement la question.
C'est ici que le fait qu'il s'attaque au chrétien Léon Bloy devient important. J'avais dans un premier temps pensé seulement à retranscrire le paragraphe qui lui est consacré, comme je l'ai fait de celui sur Bernanos et Mauriac : Les décombres fourmillent d'intéressants jugements sur les hommes, qu'il n'est pas inutile de faire connaître. Je me suis vite aperçu qu'il fallait vous donner tout cet ensemble à lire.
On juge encore parfois Bloy antisémite, quitte à distinguer selon les périodes (il l'aurait été à l'époque du Désespéré pour ensuite marquer ses distances). Qu'un antisémite « pur et dur » comme Rebatet l'accuse, au contraire, d'avoir esquissé une tradition de rapprochement entre l'Église catholique et les Juifs ne vaut certes pas preuve en soi que Bloy n'ait pas été antisémite, mais amène au moins à s'interroger. Mon but ici cependant, en comparant les approches de la « question juive » par Bloy et Rebatet, n'est pas tant de disculper Bloy en trouvant plus antisémite que lui (Bloy n'est pas antisémite) que de mieux comprendre ce que l'on peut entendre par « antisémite ».
Et mon fil d'Ariane sera une nouvelle fois le « théorème de Fassbinder » : "tout philosémite est un antisémite". Ce que signifie ce théorème est simple : si vous commencez à attribuer des qualités particulières aux Juifs, avec les meilleures intentions du monde - ils sont intelligents, entreprenants, cultivés, etc. -, vous êtes déjà dans une mécanique différenciatrice qui d'une part est analogue à celle des antisémites, d'autre part fournit à ceux-ci des armes : à l'intelligence ils substitueront la ruse, à l'esprit d'entreprise la cupidité, à la culture le goût de l'artifice, etc.
Notons d'emblée que ce raisonnement n'est pas psychologique, mais logique. Ce théorème ne dit pas que le philosémite a en fait des sentiments mêlés ou de mauvaises intentions déguisées : cela peut être le cas, mais ce n'est pas une nécessité - et il est évident qu'il existe des gens qui aiment à fréquenter les Juifs, sans arrière-pensées. Que, en sens inverse, l'antisémite aime ses Juifs, soit fasciné par eux, est un lieu commun, est à ce titre plus ou moins vrai, mais relève du domaine de la psychologie. D'un point de vue logique, le théorème de Fassbinder n'admet pas tout à fait de réciproque, pour la simple raison que l'antisémite est plus fort que le philosémite, dans la théorie : il trouvera aux Juifs des défauts plus difficiles à transformer en qualités (ne serait-ce que dans la mesure où le misanthrope semble toujours avoir raison contre le philanthrope) ; et dans la pratique : il aura plus d'enthousiasme à descendre dans la rue casser du Juif que le philosémite à aider ceux qu'il dit aimer (tous raisonnements transposables à d'autres catégories de population).
Fassbinder plaidait-il pour une indifférenciation globale ? Je ne le pense pas, je crois qu'il se contentait de rappeler à ceux qui lui reprochaient sa vision de juifs dans certains films ou pièces de théâtre qu'en cette matière ce n'est pas toujours l'antisémite supposé qui jette la première pierre, mais il est évidemment, en toute logique, possible d'interpréter ainsi sa phrase et de développer une théorie du « tous pareils ».
Que cela soit écrit aussi clairement que possible : ce n'est pas ma position. Qu'il s'agisse des Juifs, des Arabes, des Américains, des Français, des homosexuels, des catholiques, des alcooliques anonymes protestants à tendance sioniste, des ministres de la culture pédérastes collabos degauche, des fascistes autrichiens invertis ou des secrétaires d'État à la défense noires, lesbiennes et goûtant fort la cyprine ashkénaze, etc., je rejoins sans sourciller le sens commun, et admets qu'un échantillon significatif des individus appartenant à ces catégories présente à divers degrés certaines caractéristiques particulières (positives, négatives, souvent les deux, c'est ça Fassbinder), que l'on ne retrouvera pas ailleurs dans les mêmes proportions (formulation qui évite les excès du genre : "Tous les Italiens sont des coureurs de jupons", "Toutes les Anglaises sont des gros thons"). Et bien que cette façon de décrire certains groupes humains puisse être critique et le soit même souvent, elle n'implique pas en elle-même une réelle hiérarchisation de ces groupes. Je me permets ici d'avoir de nouveau recours à ma terminologie propre et de vous rappeler ce que j'ai nommé le « principe de Kierkegaard » : "Un seul élément ne peut jamais être le fondement d'une hiérarchie." Dire que les Français sont paresseux, les Slaves alcooliques, les Américains incultes, les Japonais serviles, ou que sais-je, cela veut dire que les Français sont plus paresseux que les autres, les Slaves plus alcooliques, etc. : à chaque fois un seul critère est un jeu, qui peut certes être lié à d'autres (encore faut-il se méfier : le travailleur français est un des plus productifs au monde), et cela n'implique pas en soi - quitte à ce que dans l'usage quotidien on s'y trompe - un jugement d'ensemble sur le groupe humain en question. On pourrait d'ailleurs se demander si le succès de la notion de race à l'époque de Rebatet ne venait pas de ce qu'elle pouvait sembler fonder un ordre hiérarchique en opérant une synthèse de ces caractères réels ou supposés des groupes humains : c'était un tour de passe-passe logique, mais qui eut son efficacité.
Quoi qu'il en soit, il n'y a ici - ou il ne devrait y avoir - aucun privilège particulier en ce qui concerne les Juifs - en mettant un peu de polémique, on pourrait faire remarquer que ce sont parfois les mêmes qui critiquent les Français, « beaufs », alcooliques, sales, et bien sûr racistes, et qui glapissent comme de vieilles pucelles en rut à la moindre généralisation à l'égard des Juifs.
Cette évidence étant énoncée, il faut aussitôt la dénoncer - il y a en réalité bien un privilège juif, et cela fait quelques années (plus de 5000... bagatelle, dirait l'autre !) maintenant qu'il est connu : les Juifs sont le peuple élu. Je serais même tenté de dire que c'est ce qui les définit le mieux : être juif, c'est avant tout être différent des autres (ce qui, pour le coup, pourrait nous ramener à un ordre hiérarchique, mais passons). On arguera que la prétention d'une tribu orientale à l'élection n'est pas la preuve qu'elle est élue et a pu être fort commune chez ses voisines, je demanderai alors que l'on m'en cite une qui perdure encore (oui, je sais, Koestler, Shlomo Sand, la fausse continuité du peuple juif, tout ça... c'est passionnant, mais de notre point de vue ça ne change à peu près rien), et qui de plus ait fini par donner naissance - dans la douleur - à une des grandes religions de l'histoire de l'humanité (le christianisme, qu'il n'y ait pas d'ambiguïté), avec tout ce que celle-ci a pu changer au cours de l'histoire universelle. Que l'on m'en cite une encore dont l'histoire au fil des siècles - et singulièrement depuis la modernité, ce que Rebatet ne manque pas de noter - ait été si mouvementée et si intéressante ? Ceci sans même évoquer l'actualité... En d'autres termes, la « question juive » existe bel et bien - ce qui ne signifie pas qu'elle soit la plus importante au monde, ou que je vais passer ma propre vie à en parler. Il se peut d'ailleurs que le judaïsme ne soit pas éternel, qu'un jour, pour une raison ou pour une autre, il n'y ait plus de Juifs sur cette terre, je ne me place pas d'un point de vue religieux lorsque j'admets l'élection du peuple juif. Mais foutre, si ce jour-là arrive, cela voudra dire que l'histoire du monde aura incroyablement évolué...
Je me montre ici parfaitement fassbindérien, en ce sens que cette reconnaissance d'une supériorité globale objective du peuple juif n'implique pas de ma part une amitié particulière, non plus qu'une antipathie systématique, à son égard, dans la mesure précisément où je n'ai pas non plus de sentiments unilatéraux ou d'a priori quant aux non-juifs, en l'occurrence ceux que D. Slezkine appelle les apolloniens. Tout est affaire de situations, d'équilibre, d'intensité [1] - et d'individus. En n'oubliant pas la relative importance qu'il peut y avoir à répondre à des gens qui cassent les couilles des Français, et parfois les mettent gravement en accusation, pour certains depuis plus de trente ans, qui de plus assimilent trop souvent et indûment judaïsme et sionisme (avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur notre politique extérieure), j'avoue qu'il y a un côté bien agréable pour moi dans cette position. Elle me permet en effet de critiquer plus vertement certains individus juifs que certains individus non-juifs, au nom de cette supériorité collective que je me crois forcé de reconnaître au peuple dont ils sont issus, supériorité dont eux-mêmes ne sont pas nécessairement très porteurs. C'est la rançon de la gloire ! A charge pour moi de ne pas abuser de ce confort théorique que j'ai fini, involontairement certes, par me donner moi-même, et d'en avoir conscience. Sachant bien qu'en explicitant ici ce dont j'ai peu à peu pris conscience je ne cherche pas tant à proclamer des opinions en elles-mêmes assez vagues (que l'on pourrait si l'on voulait résumer par un plat : « chez les mercuriens comme les apolloniens, il y a du bon et du mauvais, à boire et à manger... ») qu'à contribuer à ce que chacun voie mieux les préjugés et impensés éventuels de ses propres discours [2].
Revenons à Bloy et Rebatet. Bloy est un fassbindérien d'obédience stricte, si ce n'est plus royaliste que le roi - et que moi-même : dans Le salut par les Juifs (à propos duquel je ne peux faire mieux que de vous renvoyer à l'impeccable analyse de M. Limbes, dont je vais largement m'inspirer, en édulcorant ses aspects les plus métaphysiques [3]) comme dans les extraits récemment mis en ligne ici-même du Sang du Pauvre ("Les Juifs, Race aînée auprès de qui tous les peuples sont des enfants et qui ont eu, par conséquent, le pouvoir d'aller du côté du mal beaucoup plus loin que les autres hommes du côté du bien..."), il s'agit parfois d'aller jusqu'à dire que les qualités et les défauts des Juifs, si ces termes ne sont pas trop prosaïques quant à l'angle de vue adopté par Bloy, que ces qualités et ces défauts sont les mêmes, à chaque fois signe, positif ou négatif, d'élection. Il faut bien comprendre ici, et M. Limbes le rappelle fort à propos, que cette perspective bloyenne ne se peut comprendre si l'on n'admet pas que dans leur ensemble, au fil de leur histoire, et surtout depuis la modernité, les Juifs se sont avilis à mesure que le monde lui-même s'avilissait. Ce qui fut, si l'on ose dire, leur croix depuis des siècles, leur confinement dans le commerce et l'usure (entre autres, mais principalement), est devenu depuis la modernité, cette modernité que Bloy déteste, un facteur quasi luciférien : le rôle éminent qu'y jouent les Juifs est encore un signe de leur élection, un signe que leur mission ici n'est pas accomplie. Je me demandais l'autre jour après avoir retranscrit les extraits du Sang du Pauvre ce que Bloy aurait pu penser du sionisme actuel, d'Israël, tout ça : avec son génie particulièrement paradoxal il faut se méfier, mais peut-être aurait-il considéré l'aspect si déstructurant d'Israël dans les relations internationales actuelles comme un signe comparable à la participation des Rothschild et autres au commerce mondial, un degré de plus dans l'avilissement des Juifs vis-à-vis d'eux-mêmes, un degré de plus dans la participation des Juifs à l'avilissement global du monde, ce qui ne rendra que plus belle leur conversion finale (relisez ces extraits).
Deux points très importants pour comprendre la position de Bloy vis-à-vis des Juifs, et, par contrecoup, les problèmes conceptuels rencontrés par certains antisémites. D'une part il n'oublie jamais les racines juives du christianisme, les grands prophètes juifs. D'autre part il ne détache jamais ce qu'il peut lui arriver d'appeler une « abjection juive » de l'abjection du monde dans son ensemble, et du monde chrétien en particulier. Dans le monde du commerce notamment ce que font les Juifs n'est pas pire que ce que font les chrétiens, catholiques ou protestants qui les méprisent, alors même qu'ils se précipitent pour les rejoindre dans l'indignité : mais ils le font mieux - donc, si j'ose dire, pire - et le fait que maintenant tout le monde fasse comme eux (c'est le règne des mercuriens) est un signe sans équivoque d'abjection universelle.
On n'est évidemment obligé ni de partager les croyances religieuses de Bloy ni ses tendances apocalyptiques - j'aurais tendance quant à moi, vous l'aurez compris, et quitte à faire hurler à la trahison les bloyens, à adopter une vision « laïcisée », au moins provisoirement (car il faudrait bien sûr expliquer d'où vient cette élection du peuple juif ; disons qu'en Laplace prudent je dirais que Dieu est ici une hypothèse dont je n'ai pas encore eu besoin) de son point de vue. Il me semble en tout cas que l'on peut ne qu'admettre la cohérence de son système et de son regard sur les Juifs.
On n'en dira pas autant des positions de Rebatet.
Si vous m'avez suivi jusqu'ici vous admettrez j'espère que ce n'est par provocation que je peux exprimer ma réelle affection pour Rebatet, tant sur de nombreux points il me ressemble (et ressemble à beaucoup d'autres, notamment parmi les blogueurs). J'espère revenir en long, en large et en travers sur ce sujet. Le fait est néanmoins qu'à propos des Juifs, et alors même qu'il peint une brillante caricature des antisémites « maniaques, hallucinés qui voyaient mille Juifs pour un seul... », il s'emmêle les pinceaux, ceci notamment parce qu'il applique Fassbinder sans le savoir : il voudrait à la fois que les Juifs ne soient rien et qu'ils soient tout, et même qu'ils ne soient tout que parce qu'ils ne sont rien. Or, encore une fois d'un point de vue logique, il n'y a pas trente-six solutions pour arriver de façon cohérente à un tel résultat : soit on fait du Bloy, et donc on estime que le salut viendra par les Juifs, soit on fait de l'anti-Bloy, on prend Bloy et on le renverse, et on estime tout simplement que les Juifs sont le Diable. Peut-être est-ce en dernière instance le point de vue d'un catholique antisémite comme Drumont, je ne sais pas, à chaque jour suffit sa peine, mais c'est en tout cas un point de vue religieux, où l'élection n'est que le signe d'une unilatérale malédiction divine. (C'est aussi un point de vue qui pose problème, Bloy le signalait assez, quant aux racines juives du christianisme). Rebatet, comme de nombreux antisémites laïques (et même, dans son cas, anti-chrétien), ne peut adopter un angle d'attaque de cette sorte, dont il accepte pourtant un préjugé d'importance, en ayant des Juifs une vision essentialiste : "Sous le Juif le plus policé, le plus francisé d'aspect, je reconnaissais l'Hébreu vaticinant..." (au contraire de Bloy qui nous l'avons vu prend acte de la rupture de la modernité à cet égard), et se retrouve finalement avec un Diable laïcisé, soit un objet conceptuel pour le moins embarrassant - et qui l'énerve grandement... Autant que je me souvienne, il y a de cela aussi chez Céline, mais celui-ci croyait vraiment au diable ("L’enfer n’est pas qu’un mot ! le diable existe quelque part !", proclame-t-il dès Semmelweis) : je ne suis pas certain que l'on puisse croire au Diable sans croire à Dieu, mais au moins cette croyance permet-elle à Céline de ne pas se poser les mêmes questions que Rebatet sur la puissance ou l'impuissance des Juifs : tout est négatif chez eux, c'est simple.
Je discutais pendant l'affaire Madoff avec un très bon ami, antisémite proclamé, et lui demandais comment il pouvait se réjouir que l'ex-maître nageur juif ait arnaqué autant de ses correligionnaires, y voir une preuve supplémentaire de l'ignominie juive - « ils ne se respectent même pas entre eux » -, tout en me serinant à longueur d'année (encore récemment, avec le soutien de Finkie ou Kouchner à Polanski) que les Juifs passent leur temps à s'entraider sur le dos des goys. Il s'agit là je crois d'une certaine application de Fassbinder : mon ami comme d'autres antisémites en d'autres occasions ne peut que sentir que la solidarité juive (laquelle n'est pas un vain mot, comme pourrait essayer de le prétendre le fassbindérien indifférencialiste) est aussi une qualité : il la présente néanmoins comme un défaut (« ils profitent de nous »), mais pour aussitôt retrouver le fait, sauter sur le fait que c'est une qualité si d'aventure un juif manque à cette solidarité. N'entrons pas trop dans la psychologie mais retenons à titre provisoire ce résultat : certains antisémites se débattent en permanence avec le théorème de Fassbinder, et ils le sentent plus ou moins nettement (Le fassbindérien bloyen, croyant ou non, par exemple M. Defensa, émettra l'hypothèse que l'affaire Madoff est justement un élément de preuve de l'avilissement des juifs par le commerce même).
D'une certaine façon, ce texte n'a pas besoin d'une conclusion, ou ne peut en avoir : la conjonction d'un cas d'espèce (Rebatet), d'un angle d'analyse (le théorème de Fassbinder), et d'une prise de position globale et cohérente (celle de Bloy), elle-même analysable sous l'angle choisi, nous a permis de tester quelques hypothèses sur le fonctionnement de certains aspects de l'antisémitisme. Sans même rappeler qu'il faut continuer la lecture des Décombres et voir ce qu'il en résulte pour Rebatet comme pour notre cadre d'analyse, la suite est évidente : poursuivre l'archéologie de l'antisémitisme français (en l'occurrence : Toussenel, que j'ai laissé en chemin, Drumont, Céline...), en étudier les éventuels prolongements actuels, valider, ou non, à chaque fois, les outils d'analyse qui nous ont aujourd'hui paru utiles.
Et il y a évidemment plusieurs volumes à écrire - et/ou déjà écrits - sur le point de vue des Juifs sur eux-mêmes.
D'ici là bonne nuit !
[1]
Le cas paradigmatique du philosémite-antisémite étant celui-même qui me mit sur la voie du théorème de Fassbinder, à savoir Pierre-André Taguieff, lequel « donne » beaucoup trop aux Juifs, qui dans leur ensemble n'en demandent pas tant, et peuvent se demander si représenter à eux tout seuls la démocratie, l'économie de marché, la culture, la liberté de penser, la psychanalyse, la science, etc. n'est pas un peu large pour leurs épaules.
A titre plus anecdotique, à une moindre échelle, et pour continuer le dialogue avec nos interlocuteurs habituels, on en dira autant de M. Maso lorsqu'il écrit, de Bernard-Henri Lévy, non sans provocation mais comme un éloge, qu'il "refuse de toute son aristocratie judaïque le triomphe de la meute, qui sait que cette meute est fondamentalement bête, faible, peureuse, et qu’elle sera vaincue par auto-destruction." L'« aristocratie » de BHL n'est guère que celle d'un fils à papa esclavagiste (le qualificatif s'applique au père et au fils), philosophe nul, cinéaste inepte, historien depuis longtemps disqualifié (par des juifs, d'ailleurs : Aron, Vidal-Naquet...) : la rapporter à sa judéité est peut-être, et encore n'en sait-on rien, vrai d'un point de vue psychologique, mais ne me semble pas sans effets « antisémites » pervers. A la limite, si on veut un vrai Juif aristocratique qui méprise la meute et dont l'oeuvre possède assez d'envergure pour justifier de la part de son auteur un tel mépris envers la foule, Marx ferait bien mieux l'affaire. Mais je sors du sujet...
[2]
J'avais par exemple pris graduellement conscience de ce qu'il pouvait y avoir, chez moi et chez d'autres, une forme de paternalisme dans le soutien aux Palestiniens contre Israël, avec un impensé du genre : ces pauvres cons d'Arabes se font toujours avoir par les Juifs. Avouons qu'il y eut suffisamment de bêtises dans les politiques des régimes arabes vis-à-vis d'Israël, de réussites dans les manoeuvres israéliennes, pour justifier en partie un tel jugement, cela n'empêche pas de prendre conscience de l'importance du présupposé, reflet plus ou moins lointain (et pervers, car il pouvait impliquer que dans l'affaire les Palestiniens seraient de toutes façons toujours perdants) de l'idée d'élection du peuple juif, qui aussi le motivait. Je reviens dans le paragraphe suivant sur certains rapports entre le sionisme et le thème de l'élection.
[3]
Aspects métaphysiques dont je ne pense pas mésestimer l'importance, mais qui ne me semblent pas, aujourd'hui, nécessaires à ma démonstration.
Libellés : antisémitisme, Apocalypse, Bernard-Henry Lévy, BHL, Bloy, Céline, Cormary, Fassbinder, judaïsme, Kierkegaard, Lévy, Limbes, Lubitsch, M. Dombasle, marx, Proust, Rebatet, Sionisme, Un ami
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