dimanche 12 février 2017

"Est civilisé celui qui veut être civilisé..."

C'est une des bonnes idées de la dernière intervention inactuelle de Julien Rochedy. Le civilisé connaît tout autant le prix de la civilisation que les efforts permanents qu'il faut faire pour la protéger aussi bien contre la barbarie que contre la décadence : c'est une bonne synthèse.

J'ai aussi apprécié sa petite quenelle à Onfray, qui décrète que la civilisation judéo-chrétienne (d'accord avec J. Rochedy, soralien sur ce coup : quel que soit l'apport individuel brillant de certains Juifs à cette civilisation, elle est helléno-chrétienne, pas judéo-chrétienne) est morte, et qui se moque des gens qui ont toujours des enfants. Quelle lâcheté devant une soi-disant fatalité ! J'ai un ami comme ça, un type adorable par ailleurs, qui se plaint tous les jours que Dieu fait que ce qu'on lui a appris dans les années 50 - une éducation à l'ancienne - s'est avéré faux, qui râle néanmoins tous ces mêmes jours que tout fout le camp ; qui estime, selon ses propres termes, que "la race blanche est foutue" (et les Américains, alors ?) et qui gueule contre sa fille parce qu'elle lui donne des petits-enfants. Il ne veut pas stériliser ou avorter toutes les femmes blanches, non plus ?

Plus généralement, ce genre de comportement relève de ce que j'ai appelé dans le temps le "syndrome de Constant" (texte d'origine sur ce concept ici, attention, j'avais fait long) : confondre une évolution, pour significative qu'elle puisse être, avec une fatalité. Cela peut être tout simplement du défaitisme, éventuellement maquillé de dandysme ou de décadentisme, et là-dessus effectivement M. Onfray - je n'ai jamais pu l'encadrer, rien à faire, même quand il dit du bien de gens que j'aime bien ou du mal de gens que je déteste -, qui en plus doit commencer à avoir un compte en banque lui permettant de se barrer du radeau de la civilisation « judéo-chrétienne » assez vite si ce radeau coule, là-dessus M. Onfray méritait bien une volée de bois vert.

Ceci étant, il me semble que J. Rochedy :

d'une part, hésite un peu entre deux façons de penser, son nietzschéisme et un certaine approche chrétienne des choses - ce qui d'ailleurs peut se rencontrer, mais non sans éventuelles confusions, autour de ce qu'il appelle son « vitalisme » : respect de la vie et de ce que les chrétiens appellent, abusivement peut-être, la « loi naturelle », ou exaltation nietzschéenne de « la vie » et donc, de l'expansion, de la force ?

d'autre part, et d'une façon peut-être plus immédiatement gênante par rapport à son propos, tombe, quelle que soit l'acuité de ses remarques, dans le bon vieux piège de la droite lorsqu'elle se définit par opposition à la gauche. Certes il semble avoir toujours été de droite, et donc doit subir depuis toujours le terrorisme intellectuel de gauche. En ce qui me concerne, par contraste, ayant été de gauche pendant longtemps, je n'ai pas le même besoin de me définir par rapport à cette philosophie ; de plus, je ne suis pas sorti de la gauche par la droite, mais, en toute rigueur, par le haut, c'est-à-dire par surplomb. Il m'a certes fallu des années pour comprendre ce que Jean Madiran avait développé dans les années 50, à savoir que la droite est in fine une création de la gauche, et qu'il faut donc être contre la gauche sans être de droite. Beaucoup des remarques de Julien Rochedy, notamment sur la civilisation justement, vont dans ce sens, mais il me semble qu'il gagnerait à avoir ce genre de distinctions à l'esprit. Sinon, à l'arrivée, on retombe sur Fillon et on est, ainsi que cela apparaît clairement ces derniers temps, une cible facile. - En revanche, on voyait bien, dès avant qu'il soit élu, que Donald Trump, quels que soient ses qualités et ses défauts, n'était pas une cible facile pour les attaques traditionnelles de gauche.