mardi 22 mai 2018

Examen de conscience.

Un peu de lyrisme introspectif et lucide - parfois mâtiné chez notre ami Massignon de quelque sensiblerie : 

"En tout cas, je suis déterminé à liquider dans le plus bref délai les paperasses [un travail universitaire, note de AMG] qui m’occupent depuis trois années. Elles m’ont isolé, en tête à tête avec mon plus antipathique moi, dans une angoisse permanente, de jour en jour plus atroce. 

Il s’y combine, avec des résolutions définies d’ascétisme qui devraient être fécondes et saines, une basse délectation morose à constater, à chaque occasion, tout ce que je me suis interdit. Je suis resté le même qu’autrefois,  - je ne puis qu’aimer, - et aimer à fond,  - et Dieu me laisse errer, tournoyant sur moi-même, yeux bandés, bras étendus, - dans la nuit où je ne trouve que le vide, en Le cherchant. Une sorte d’asphyxie, consciente et lente, - que je ne puis chérir et que je ne sais écarter, - me disant qu’après tout, c’est de la douleur, qui Lui sert… 

Où est le sourire irrésistible des premières grâces ? Où la brûlure transfigurante de la Vérité qui me sublimait en m’incendiant ? Ce sont des cendres qui se refroidissent dans la nuit, sans la plus petite lumière qui les réchauffe. - Sans doute, j’ai cru trop vite que le pardon supprimait l’expiation."


(Lettre à Claudel, 23 juin 1911).