Par A + B.
La destruction de l’environnement " est, jusqu’à nouvel ordre, nécessaire à la survie du système [capitaliste]. Le régime d’oligarchie libérale, avec l’apathie et la privatisation qui le rendent possible, présuppose que les gens passent effectivement leur temps dans les supermarchés et devant leur télévision. Les pays où les gens peuvent vivre ainsi représentent quelque chose comme 800 millions de personnes, sur une population totale du globe qui approche les cinq milliards et demi – soit environ un septième du total. Dans les régions riches, habitées par les premiers, le PNB par tête et par an, conventionnellement mesuré, est de l’ordre de 20 000 dollars. Dans les autres, avec leur population de 4,7 milliards de personnes, le PNB ne doit pas dépasser en moyenne les 500 ou 600 dollars (…). Or, s’il y a effectivement, comme je le crois, une liaison non pas entre démocratie et capitalisme mais entre l’avachissement politique moyennant lequel fonctionnent à peu près les sociétés riches et le niveau de vie au sens capitaliste du terme, l’universalisation de cette " démocratie " exigerait que l’on porte le niveau de vie ainsi défini des pays pauvres à la hauteur de celui des pays riches, à 20, 30 ou 50% près. Il faudrait, autrement dit, multiplier la production annuelle mondiale par un facteur d’environ 200 (en gros, 7 pour tenir compte de la différence du nombre d’habitants, et 30 de celle des " niveaux de vie ") ; et, par là même, augmenter de 200 fois la vitesse de destruction annuelle de la nature, le volume des émissions polluantes, etc. Et, en supposant qu’une opération magique permette d’atteindre ce niveau de production mondiale, il faudrait encore que celui-ci continue par la suite d’augmenter de 2 à 3% par an – c’est-à-dire de doubler à peu près tous les trente ans. Si l’on veut l’universalité de la " démocratie " de style occidental, et que l’on méprise les " utopies " et les " utopistes ", il faut dire comment ces défis seront relevés. "
C. Castoriadis, "Quelle démocratie ?", 1990, repris dans Figures du pensable, 1997.
C. Castoriadis, "Quelle démocratie ?", 1990, repris dans Figures du pensable, 1997.
Libellés : Castoriadis
<< Home