Suite du précédent. "Je ne suis pas assez lâche pour faire semblant de croire..."
"A une telle question, le premier venu des imbéciles répondra : « J'espère bien que non ! » avec cette grimace qu'on voit au visage de l'imbécile chaque fois qu'il vient de gober une fausse évidence, comme un canard gobe une limace. (…) N'importe ! Il y a un mystère dans la Pauvreté, je ne suis pas assez lâche pour faire semblant de croire qu'elle n'est qu'un problème général d'économie politique à résoudre. Est-il même besoin de revenir sur la distinction faite, après tant d'autres, par Péguy, entre les pauvres et les misérables ? Le misérable dégradé, déshumanisé par la misère ne peut plus porter témoignage que de l'effroyable injustice qui lui est faite, mais le Pauvre est le témoin de Jésus-Christ. J'ose écrire qu'une Société sans pauvres est chrétiennement inconcevable et si personne n'a plus le courage de l'écrire après moi, j'estime que je n'aurai pas vécu en vain. Vous voulez une Société sans pauvres ? Vous n'aurez qu'une société inhumaine, ou plutôt vous l'avez déjà. L'innocente pauvreté que vous aurez cru détruire reparaîtra sous d'autres formes effrayantes, sous lesquelles vous ne la reconnaîtrez pas. Si un proche avenir me donne bientôt tragiquement raison, que m'importe votre scandale ? Il y a une force cachée dans la pauvreté, comparable à celle que nos savants viennent de libérer dans une matière dont leurs prédécesseurs ne voulaient connaître que l'inertie. La désintégration de la Pauvreté ne vous donnera pas moins de surprises que l'autre."
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