mercredi 6 septembre 2017

Tamagoshi ta mère !

Relire Après l'histoire, écrit par Muray en 1998, conduit à se poser un certain nombre de questions, tant sur le dispositif théorique mis au point par l'auteur - évidemment très pertinent à de nombreux égards, mais aussi moins dense, plus rigide et plus poseur qu'à l'époque (1984) de la parution du 19e siècle à travers les âges -, que sur la problématique de la sortie de l'histoire. Non d'ailleurs, concernant ce thème précis, qu'il faille d'emblée donner tort à P. Muray : la façon dont une partie des Européens de l'Ouest semble se résigner plus ou moins consciemment à mourir, comme s'ils étaient, ou se pensaient, ou se savaient en fait déjà morts, va au contraire plutôt dans son sens. Mais nous aurons probablement - il faut le craindre… - l'occasion de revenir sur cette thématique brûlante. Pour aujourd'hui en effet, il s'agit d'un texte sur lequel on ne saurait guère reprocher, a posteriori et vu de 2017, à l'auteur de s'être trompé. Voici ce qu'il écrit au détour d'un texte consacré aux tamagoshis :

"Dans notre monde en cours de pacification, s'il n'y a plus guère de différence entre l'univers humain et l'univers animal, il n'y en a pas beaucoup plus entre ceux-ci et l'univers virtuel. Si la distinction entre humain et non-humain s'efface, on ne voit pas pourquoi les objets ne bénéficieraient pas, eux aussi, d'une reconnaissance pleine et entière (sauf à risquer de leur faire subir une régime de ségrégation des plus abusifs). D'autant qu'en l'occurrence, avec le « tamagoshi », il s'agit d'un objet propre à attendrir, à émouvoir, à bouleverser une humanité qui, c'est le cas de le dire, ne se préoccupe plus du tout de savoir si c'est la poule qui fait l'oeuf ou si c'est l'oeuf qui fait la poule. D'ailleurs, il n'y a même plus de poule et même plus d'oeuf. A sa façon, le  « tamagoshi » réalise presque idéalement le rêve de reproduction asexuée, de procréation autiste (sans père et sans mère) qui sera peut-être un jour pour tous le comble de la festivophilie en matière d'engendrement."

Le transhumanisme est festivophile… - Il faut se méfier des lignes de fracture trop simples ou trop systématiques, mais il est difficile ne pas noter que, si les événements récents - attentats, migrations massives… - vont peut-être forcer l'Europe à remettre le nez dans l'Histoire, ce sont souvent les plus Festivus de nos contemporains (avec guillemets si vous le souhaitez), les plus anti-Histoire, les plus LGBT-friendly, etc., qui sont aussi les plus « accueillants » envers les « réfugiés ». Et ce n'est pas une question de grandeur d'âme, pas du tout : c'est une question de philosophie, voire de religion. On est indifférentialiste ou on ne l'est pas. - Bref, nous en reparlerons !