lundi 22 janvier 2018

Qu'ill faut pour ce combat préparer de vigueur...

Voici un nouvel extrait, après celui du 22 décembre dernier, de l’Imitation de Jésus-Christ traduite et mise en vers par Corneille. Difficile de ne pas être sensible ici à l’empreinte du style de l’auteur du Cid et de Horace… - Le « il » dont il est question au début est le bon chrétien qui s’efforce, malgré tous leurs attraits, de maîtriser ses passions :  


"Il ne croit trouble égal à celui que se cause
Un coeur qui s’abandonne à ses propres transports, 
Et maître de soi-même, en soi-même il dispose
Tout ce qu’il se propose 
De produire au-dehors.

Bien loin d’être emporté par le courant rapide
Des flots impétueux de ses bouillants désirs, 
Il les dompte, il les rompt, il les tourne, il les guide, 
Et donne ainsi pour bride
La raison aux plaisirs. 

Mais pour se vaincre ainsi qu’il faut d’art et de force ! 
Qu’il faut pour ce combat préparer de vigueur !
Et qu’il est malaisé de faire un plein divorce
Avec la douce amorce 
Que chacun porte au coeur ! 

Ce devrait être aussi notre unique pensée
De nous fortifier chaque jour contre nous, 
Pour en déraciner cette amour empressée
Où l’âme intéressée
Trouve un poison si doux.

Les soins que cette amour nous donne en cette vie
Ne peuvent aussi bien nous élever si haut, 
Que la perfection la plus digne d’envie
N’y soit toujours suivie 
Des hontes d’un défaut.

Nos spéculations ne sont jamais si pures, 
Qu’on ne sente un peu d’ombre y régner à son tour ; 
Nos plus vives clartés ont des couleurs obscures, 
Et cent fausses peintures

Naissent d’un seul faux jour."