mardi 26 juillet 2005

L'actualité brûle !

Une citation de Hegel pour commencer :

"L'histoire mondiale n'est pas le terrain du bonheur. Les périodes de bonheur y sont des pages vides ; car ce sont des périodes d'harmonie, des temps sans conflits." Faîtes-en ce que vous voulez.


Je dois mettre en ligne sous peu un texte consacré à Jean-Pierre Voyer et Alain Badiou. Ce qui suit est lié aux idées qui y sont développées (ainsi qu'aux quelques notes que j'ai déposées sur ce blog ces derniers temps), mais je n'arrive pas à trouver les quelques heures consécutives de disponibilité qui me permettront de présenter quelque chose de lisible. L'actualité n'attendant pas, non plus que Voyer, dont le dernier texte sur les attentats à Londres (cf. liens - Voyer I : "Murawiec, penseur de réservoir") tombe si j'ose dire en plein dans mon texte, je mets donc ce soir la charrue avant les bœufs.

La Révolution française a fini de mettre à bas un régime en bien mauvais état. Il y eut alors , d'emblée, deux possibilités. Appelons-les la démocratique et l'émancipatrice. La démocratique, celle des droits de l'homme, celle de 1789, est la bourgeoise, qui allait petit à petit s'imposer. C'est la révolution de l'individu, la révolution utilitariste, que la Restauration n'allait finalement guère contrarier (tant l'on voit bien que l'enjeu de la liberté de la presse n'était pas le plus important) et que le Second Empire allait même soutenir.

L'émancipatrice, à laquelle on peut accoler les noms de Robespierre et Saint-Just, est celle qui veut tout de suite dépasser le stade des "libertés formelles" si justement critiquées par Marx. On sait qu'elle n'y parvint pas. Ces gens-là pourtant avaient pris au sérieux les promesses inscrites dans la Déclaration des droits de l'homme et cherchaient à rendre concrètement possible l'exécution de ces promesses, en tirant de cette volonté toutes les conséquences nécessaires - ils en furent radicalement empêchés. De temps à autre aux XIXème et XXème siècles cette cohérence conceptuelle allait resurgir, en France (la Commune) ou ailleurs (Octobre 17, Makhno, spartakistes...). Pendant ce temps l'ordre bourgeois utilitariste s'installait toujours plus avant dans les coutumes et les mœurs, avec une pause, relative mais pas négligeable du tout dans l'après-deuxième guerre mondiale, quand le poids et le prestige de l'URSS, conjugués au piteux état de la droite, permirent de créer un rapport de forces, certes profondément matérialiste et utilitariste, mais au moins quelque peu empreint de solidarité.

Inutile d'insister sur l'égoïsme actuel. Mais voici que des gens, parfois Anglais, Américains ou Français, mais venus d'ailleurs, se mêlent de nous attaquer - et quelque part, les salopards d'impérialistes que nous sommes ne peuvent leur donner tout à fait tort. Voyer écrit, à raison je crois, que le problème n'est pas tant de savoir comment les affronter que de savoir comment nous affronter nous-mêmes : tant que nous resterons des ordures utilitaristes contentes d'elles - et je rajoute une nouvelle fois : impérialistes -, il n'y a aucune raison que ces gens portés par une ferveur totalisante, unifiante, s'arrêtent de nous dire, de cette brûlante et explosive façon, ce qu'ils pensent de nous.

Fidèle à ses principes, Voyer se garde de nous dire comment. Badiou, plus militant dans l'âme, évoquerait des nécessités d'organisation - mais dans les faits il n'est pas beaucoup plus disert sur le "que faire".

Il est vrai que le problème est inextricable. Nous avons détruit la civilisation de l'Ancien régime, sa religion, ses corporations, ses solidarités, et avons refusé de mettre quelque chose à la place, laissant le capital occuper le terrain, tout-puissant devant des êtres humains d'autant plus démunis concrètement que dans le même temps on les sacralisait philosophiquement et politiquement dans la catégorie de "l'individu". On peut penser pis que pendre en tant que tel de l'Être suprême créé par les Conventionnels, au moins avaient-ils saisi qu'il fallait créer une nouvelle et profonde unité. Mais nous voici bien plus athées que les Français de 1793, n'ayant aucune envie de ressembler aux hurleurs islamistes, ne pouvant revenir en arrière, et plus bloqués que jamais au seuil des voies émancipatrices que nous avions tracées.
Citons Marx : "La classe ouvrière est révolutionnaire, ou elle n'est rien." On peut remplacer "classe ouvrière" par "les salariés", "les dominés", "les esclaves", voire même "les Français" ou "les Occidentaux" si l'on y tient, la question n'a pas tant varié depuis 1865. La seule voie de l'unité est le projet collectif d'émancipation.
Qui ne se crée pas ex nihilo. Mais peut-être que l'ordure sarkozyenne sécuritaire et libérale, la fatuité julyenne et la peur de l'Arabe y contribueront d'une façon harmonieuse, pour un résultat plus intéressant qu'un simple scrutin électoral, quelque réjouissant qu'ait été son résultat. En tout cas, la pente est forte, comme disait l'autre.

Libellés : , , , , , , , ,