"Aujourd'hui, il ne suffit plus..."
"Aujourd'hui il ne suffit plus de transformer le monde ; avant tout il faut le préserver. Ensuite, nous pourrons le transformer, beaucoup, et même d'une façon révolutionnaire. Mais avant tout, nous devons être conservateurs au sens authentique, conservateurs dans un sens qu'aucun homme qui s'affiche conservateur n'accepterait."
Gunther Anders (juif marxiste, premier mari de H. Arendt, etc.), j'ai souvent cité cette phrase en démarrant mon blog, c'est une des idées qui m'a permis de sortir de mon gauchisme flou et zombie. Je pensais donc la replacer aujourd'hui, sur le thème : qui veut voter à gauche ne peut voter Macron - cela fait 80 ans que les meilleurs marxistes le disent !
Et il est bien vrai, pour ne citer que cet exemple, qu'entre un candidat qui veut renforcer le rôle des référendums et un autre qui annonce qu'il va gouverner par ordonnances, on voit bien lequel entend se fonder sur la légitimité populaire (au moins en paroles), et lequel s'assoit sur l'idée de démocratie. Que ce soit le premier qui soit considéré comme proto-fasciste par les journalistes en dit long sur beaucoup de choses, mais, toute colère vengeresse mise à part, nous n'en sommes plus là. Et d'ailleurs, c'est là où je voulais en venir, je n'en suis plus à simplement citer ce diagnostic de G. Anders.
"Sans être un saint ni un salaud", comme disait Léo Ferré dans Ils ont voté… et puis après ?, je ne suis en ce qui me concerne qu'un quadragénaire cultivé s'efforçant de subvenir aux besoins de sa famille tout en tenant un blog pour happy few : si je m'arrêtais d'écrire, cela ne gênerait certes pas grand-monde. Mais des gens plus importants et plus investis que moi doivent avoir le même goût saumâtre dans la bouche à l'approche du hara-kiri collectif qu'est le vote que nous voyons se dessiner, à l'approche de ce spectacle d'un peuple masochiste donnant le fouet et la légitimité pour s'en servir à ceux-là mêmes qui le font souffrir depuis des années, qui l'engueulent, le culpabilisent, et lui prédisent des punitions encore plus dures pour les prochaines années. - A un moment, et en repensant à des avertissements déjà anciens (cet Ézéchiel paradoxal que fut Céline, avant la deuxième guerre mondiale, et encore dans les années 50, se désolant de cette bêtise crasse et confiante de ses compatriotes...), on a envie de tout laisser tomber. (Céline d'ailleurs ne fut pas beaucoup plus écouté qu'Ézéchiel, peut-être la fille aînée de l'Église le regrettera-t-elle autant que le peuple élu ; passons.)
A ceci près que j'ai quarante (-cinq...) ans et deux enfants, et que je me trouve un peu trop jeune et un peu trop responsable par rapport à ces enfants pour me contenter d'écouter du Wagner en boucle en pleurant sur la nullité de mes contemporains, jusqu'à ce ce que mort s'ensuive. Et j'écris cela en partie par égoïsme : comme je le faisais remarquer à un valeureux combattant de presque vingt ans mon cadet, on fait de la politique, ou de la métapolitique si l'on veut, beaucoup pour soi, parce que l'on sait que plus on sera entouré de cons et plus la vie sera pénible.
Tout cela pour tirer une première leçon positive de cette élection (ceci sauf bonne surprise dimanche…) : le conservatisme, fût-il le plus sage, le simple bon sens, ne suffisent pas à faire une politique, le conservatisme et le simple bon sens ne créent pas à eux seuls un élan. Marine Le Pen est plus proche de la grande majorité des Français que ne l'est Emmanuel Macron, héritier qui plus est de quelqu'un que les Français en question détestent, et c'est ledit Macron qui va se faire élire. A un moment, il faut donner aux gens du désir - surtout lorsqu'on est en position d'outsider. Le représentant du système peut gérer et voir venir, quitte à se faire avoir (Giscard en 1981), pas le contestataire. C'est l'un des paradoxes de cette élection : les Français aimeraient que ça redevienne comme avant, avec plus de pognon, de sécurité, de bonne bouffe, moins d'immigrés et d'islamistes, etc., et ils vont voter pour celui qui leur propose tout le contraire et pas pour celle qui leur propose tout ce qu'ils veulent : précisément parce qu'elle ne propose que ça. (Je n'oublie pas le poids des mensonges médiatiques, tout ça, et je ne propose pas de remède miraculeux.) Même à des gens aussi fatigués et fatigants que les Français d'aujourd'hui, il faut du neuf pour bander (pas de grivoiserie : je ne suis pas en train de vouloir remplacer Marine par Marion, toutes choses égales d'ailleurs ; ces réflexions de plus débordent largement le cadre du FN). Et même des gens aussi fatigués et fatigants que les Français d'aujourd'hui n'ont pas tort de sanctionner Marine Le Pen de ce point de vue, n'ont pas tort de lui reprocher de ne leur promettre que ce qu'ils demandent. A défaut de donner plus que ce qu'elle a, la plus belle fille du monde doit promettre plus ce que ce qu'elle a, ceci qu'elle s'appelle Marine, Marion, ou, "Je le déclare dans ma jalousie et le feu de ma colère… Il y aura un grand tumulte dans le pays d'Israël..." (Éz. 38.19), Emmanuel.
Gunther Anders (juif marxiste, premier mari de H. Arendt, etc.), j'ai souvent cité cette phrase en démarrant mon blog, c'est une des idées qui m'a permis de sortir de mon gauchisme flou et zombie. Je pensais donc la replacer aujourd'hui, sur le thème : qui veut voter à gauche ne peut voter Macron - cela fait 80 ans que les meilleurs marxistes le disent !
Et il est bien vrai, pour ne citer que cet exemple, qu'entre un candidat qui veut renforcer le rôle des référendums et un autre qui annonce qu'il va gouverner par ordonnances, on voit bien lequel entend se fonder sur la légitimité populaire (au moins en paroles), et lequel s'assoit sur l'idée de démocratie. Que ce soit le premier qui soit considéré comme proto-fasciste par les journalistes en dit long sur beaucoup de choses, mais, toute colère vengeresse mise à part, nous n'en sommes plus là. Et d'ailleurs, c'est là où je voulais en venir, je n'en suis plus à simplement citer ce diagnostic de G. Anders.
"Sans être un saint ni un salaud", comme disait Léo Ferré dans Ils ont voté… et puis après ?, je ne suis en ce qui me concerne qu'un quadragénaire cultivé s'efforçant de subvenir aux besoins de sa famille tout en tenant un blog pour happy few : si je m'arrêtais d'écrire, cela ne gênerait certes pas grand-monde. Mais des gens plus importants et plus investis que moi doivent avoir le même goût saumâtre dans la bouche à l'approche du hara-kiri collectif qu'est le vote que nous voyons se dessiner, à l'approche de ce spectacle d'un peuple masochiste donnant le fouet et la légitimité pour s'en servir à ceux-là mêmes qui le font souffrir depuis des années, qui l'engueulent, le culpabilisent, et lui prédisent des punitions encore plus dures pour les prochaines années. - A un moment, et en repensant à des avertissements déjà anciens (cet Ézéchiel paradoxal que fut Céline, avant la deuxième guerre mondiale, et encore dans les années 50, se désolant de cette bêtise crasse et confiante de ses compatriotes...), on a envie de tout laisser tomber. (Céline d'ailleurs ne fut pas beaucoup plus écouté qu'Ézéchiel, peut-être la fille aînée de l'Église le regrettera-t-elle autant que le peuple élu ; passons.)
A ceci près que j'ai quarante (-cinq...) ans et deux enfants, et que je me trouve un peu trop jeune et un peu trop responsable par rapport à ces enfants pour me contenter d'écouter du Wagner en boucle en pleurant sur la nullité de mes contemporains, jusqu'à ce ce que mort s'ensuive. Et j'écris cela en partie par égoïsme : comme je le faisais remarquer à un valeureux combattant de presque vingt ans mon cadet, on fait de la politique, ou de la métapolitique si l'on veut, beaucoup pour soi, parce que l'on sait que plus on sera entouré de cons et plus la vie sera pénible.
Tout cela pour tirer une première leçon positive de cette élection (ceci sauf bonne surprise dimanche…) : le conservatisme, fût-il le plus sage, le simple bon sens, ne suffisent pas à faire une politique, le conservatisme et le simple bon sens ne créent pas à eux seuls un élan. Marine Le Pen est plus proche de la grande majorité des Français que ne l'est Emmanuel Macron, héritier qui plus est de quelqu'un que les Français en question détestent, et c'est ledit Macron qui va se faire élire. A un moment, il faut donner aux gens du désir - surtout lorsqu'on est en position d'outsider. Le représentant du système peut gérer et voir venir, quitte à se faire avoir (Giscard en 1981), pas le contestataire. C'est l'un des paradoxes de cette élection : les Français aimeraient que ça redevienne comme avant, avec plus de pognon, de sécurité, de bonne bouffe, moins d'immigrés et d'islamistes, etc., et ils vont voter pour celui qui leur propose tout le contraire et pas pour celle qui leur propose tout ce qu'ils veulent : précisément parce qu'elle ne propose que ça. (Je n'oublie pas le poids des mensonges médiatiques, tout ça, et je ne propose pas de remède miraculeux.) Même à des gens aussi fatigués et fatigants que les Français d'aujourd'hui, il faut du neuf pour bander (pas de grivoiserie : je ne suis pas en train de vouloir remplacer Marine par Marion, toutes choses égales d'ailleurs ; ces réflexions de plus débordent largement le cadre du FN). Et même des gens aussi fatigués et fatigants que les Français d'aujourd'hui n'ont pas tort de sanctionner Marine Le Pen de ce point de vue, n'ont pas tort de lui reprocher de ne leur promettre que ce qu'ils demandent. A défaut de donner plus que ce qu'elle a, la plus belle fille du monde doit promettre plus ce que ce qu'elle a, ceci qu'elle s'appelle Marine, Marion, ou, "Je le déclare dans ma jalousie et le feu de ma colère… Il y aura un grand tumulte dans le pays d'Israël..." (Éz. 38.19), Emmanuel.
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