Suite du précédent. La charnière.
"Le monde moderne a deux ennemis, l'enfance et la pauvreté. Dans une civilisation technique dont la seule règle est l'efficacité, qu'est-ce que l'enfance, sinon une période inefficace de la vie, et qu'il s'agit de supprimer. Supprimer l'enfance, quelle énorme récupération de travail et d'énergie ! L'enfance ne sert pas à grand-chose et la pauvreté ne sert à rien. Il y a une superstition de la Pauvreté qui paraît d'abord ne tenir qu'une place bien modeste dans l'ensemble du catholicisme, et lorsqu'on y regarde de plus près, on s'aperçoit qu'elle en est comme la charnière. Le premier devoir du monde moderne est de détruire cette superstition et on ne saurait la détruire qu'en supprimant les pauvres, en faisant du pauvre un citoyen comme les autres, que rien ne distinguera des autres ; qui ne donne pas ce scandale intolérable de pouvoir vivre sans confort, de paraître ainsi mépriser le confort, ce confort dont l'idée tient dans la société actuelle la place que tenait dans l'autre l'idée de salut, le confort au nom duquel l'État prétend disposer de nos biens, de nos travaux, de nos vies, de nos consciences et faire de nous, au bout du compte, des robots. Car le robot, pour le monde moderne, c'est l'homme sauvé."
<< Home