"Il faut qu'il fasse du latin...
...avait-il dit : c'est la même forte parole qui aujourd'hui retentit victorieusement en France de nouveau depuis quelques années. Ce que fut pour moi cette entrée dans cette sixième (...), l'étonnement, la nouveauté devant rosa, rosae, l'ouverture de tout un monde, tout autre, de tout un nouveau monde, voilà ce qu'il faudrait dire, mais voilà ce qui m'entraînerait dans des tendresses. Le grammairien qui une fois la première ouvrit la grammaire latine sur la déclinaison de rosa, rosae n'a jamais su sur quels parterres de fleurs il ouvrait l'âme de l'enfant. Je devais retrouver presque tout au long de l'enseignement secondaire cette grande bonté affectueuse et paternelle, cette piété du patron et du maître que nous avions trouvée chez tous nos maîtres de l'enseignement primaire. (...) Cette grande bonté, cette grande piété descendante de tuteur et de père, cette sorte d'avertissement constant, cette longue et patiente et douce fidélité paternelle, un des tout à fait plus beaux sentiments de l'homme qu'il y ait dans le monde, je l'avais trouvée tout au long de cette petite école primaire annexée à l'école normale d'instituteurs à Orléans."
Péguy. Je ne veux pas trop commenter, Péguy est un auteur souvent à la limite du pompeux et du lourd - ce n'est pas une critique, au contraire, puisque justement il ne dépasse pas, ou rarement, cette limite : mais si je m'en mêle, je ne vais pas rendre service à ce texte superbe, qui dessine en contrepoint tout ce qui manque à notre éducation actuelle. Une seule remarque : il est difficile de ne pas trouver significatif que dans le même paragraphe soient évoqués le rôle initiatique du latin et la bonté de la fonction paternelle.
(Par ailleurs, si je n'ai hélas jamais fait de latin, j'ai eu de mon côté une merveilleuse professeur de grec en seconde et première, Mademoiselle Lechevalier - à son âge, proche de la retraite, elle tenait à ce "mademoiselle" - nous n'avons bien sûr jamais osé lui demander pourquoi. Ma fille de bientôt 16 ans m'a montré hier son diplôme officiel du Brevet, elle y est désignée comme "Madame". - Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font...)
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