jeudi 30 novembre 2017

Suite directe de la citation d'hier.

Où diable est l’hésitation ? Pour en trouver trace il faut ne comprendre ni le huparcheï du début (qui indique une habitation, une appartenance de nous à cette hôte divin, plus nous que nous), ni le endéchétaï que j’ai traduit par « avoir la grâce » puisque s’y indique ce qui est accordé et peut être reçu. Qui ne voit qu’il y a deux mouvements, l’un par quoi l’animal humain est politique, et politique la vertu que cette nature rend possible depuis les hymnes, les mythes et les fables ; l’autre par quoi l’homme ainsi élevé rencontre, a chance ou grâce de rencontrer la part divine qui apparaît alors comme son être par excellence ? Comment ces deux mouvements se rejoignent en un point de telle vie, et peut-être longtemps se gênent par leur présence ou leur ombre réciproques, est un autre problème. Un problème insoluble, je le crois, pour Aristote, qui dans le monde païen est pourtant allé aussi loin que possible : notre part « divine » peut être recherchée analogiquement dans le composé (le sunthéton) du texte ci-dessus. Mais comment sera-t-il reconnu tel, ce divin, si le dieu ne descend pas vers et lui et n’annonce pas, ensemble, qu’il est le dieu, et que cela (cette part surhumaine de l’homme) est en effet divin ? La contemplation n’est décrite comme une vie pour l’homme que par la croyance que les dieux « vivent » (…). Mais comment savons-nous que vivent les dieux ? Tant qu’ils ne se sont pas révélés, que nul d’entre eux n’est venu dire : « Je suis la vérité et la vie », tant qu’il ne nous a pas été annoncé que le Logos était au commencement, et le Logos était auprès de Dieu, et le Logos était Dieu, nous demeurons dans l’hypothèse de la vie divine. Il apparaîtra un jour monstrueux, et même diabolique, que l’Église catholique ait accepté d’abolir dans sa messe, dans la pratique où l’animal humain rappelle et renouvelle le sacrifice qui le fait accéder au divin, la lecture de ces premiers mots de l’Évangile de Jean. A-t-on eu peur que la formidable annonce de ce qu’Aristote a eu le malheur d’ignorer encore (qu’il eût répété comme un enfant, parce qu’enfin y étaient réunis, à partir de Dieu même, cette archê, ce logos, et ce théos autour desquels sa pensée avait tourné sans certitude), oui, a-t-on eu peur qu’elle dérangeât la vie selon le monde et empêchât un peu de se conformer à lui ?"