lundi 2 mars 2020

"Vérité du tiers mondisme."

Titre d’un texte de J.-P. Voyer dont voici un extrait : 

"Notre thèse se résume ainsi : 

1) oui le sous-développement est bien une acculturation mais non de la périphérie par le centre, mais bien du centre par la périphérie ; 

2) cela est possible seulement parce que le prétendu développement économique n’est pas économique mais pure culture, pure communication ; 

3) ce développement culturel, ce développement de la communication étant développement de l’aliénation de la communication, c’est par-là même un sous-développement de la communication directe. 

Il faut encore remarquer que l’acculturation du centre par la périphérie n’est évidemment pas le fait de la périphérie qui s’avancerait les armes à la main mais le fait du principe de la périphérie : le fétichisme.

Ainsi, comme le note Lopi dans sa Note sur le spectacle de la rareté, c’est le fétichisme qui était seulement rituel, rêvé, souhaité, invoqué en Afrique qui est totalement réel, réalisé à Paris, Tokyo et New York. 

Donc, s’il y a acculturation, ce n’est pas de l’Afrique par l’Europe ou l’Amérique, mais bien de l’Europe et de l’Amérique par le principe africain de la société qui se trouve ainsi un principe universel. Le monde est fétichiste. Donc le monde est africain."

La « communication directe » est-elle possible, il n’est pas interdit de penser que Jean-Pierre Voyer et son ami Pierre Brée, associé à la conception de ce texte, se soient leurrés sur cette question. Mais retenons aujourd’hui ce renversement de perspective - l’acculturation du centre par la périphérie -, qu’il est certes tentant d’actualiser, à l’heure où les Africains ne sont pas loin de venir au « centre » les « armes à la main » : depuis que ces lignes ont été écrites, il y a plus de trente ans, on ne saurait dire que l’Occident se soit montré moins fétichiste. Il suffit de songer au cérémonial que chaque apparition d’un nouveau modèle d’iPhone a pu provoquer… Il n’y a donc aucune raison que l’Afrique ne s’y sente pas de plus en plus naturellement comme chez elle. Cela expliquerait au moins autant que les discours des uns et des autres sur la colonisation ou sur les Blancs la conscience tout à fait tranquille qu’arborent de plus en plus ostensiblement les nouveaux arrivants : la périphérie est dans le centre comme un poisson dans l’eau, le centre, ce n’est plus que la périphérie avec plus d’argent - de même que l’on dit que les riches ne sont plus que des pauvres avec plus d’argent. 


Le capitalisme, c’est la tiers-mondisation (qui n’empêche pas toutes sortes de colonisations) : désormais, la tiers-mondisation revient à la maison mère ! - Mettez la table, sortez les couverts, mais dépêchez-vous, il n'y en aura sans doute pas pour tout le monde !