dimanche 14 août 2005

Deux pistes de réflexion.

1/
- M. Mauss a beaucoup fait contre la conception de l'homo economicus, et par conséquent contre le juridisme. Pourtant, au point de vue des relations internationales, il fut un défenseur de la SDN et de l'internationalisme juridique.

- Hegel, pas plus partisan des théories contractualistes, maintient la continuité entre l'intérieur et l'extérieur : ce qui se joue entre Etats est trop sérieux pour être réglementé. Les idées kantiennes de paix universelle n'ont pas de rapport avec la réalité des relations entre Etats. (Les Etats "se trouvent les uns par rapport aux autres dans l'état de nature et leurs droits n'ont pas leur réalité effective dans une volonté générale constituant une puissance au-dessus d'eux, mais dans la volonté particulière de chacun d'eux. (...) Le projet kantien d'une paix perpétuelle, réalisable par une fédération d'Etats (...) suppose l'adhésion unanime des Etats. Mais, une telle décision repose sur des raisons et des considérations morales, religieuses ou autres, donc en général, toujours sur la volonté particulière souveraine, et demeure ainsi entachée de contingence. Pour cette raison, dans la rivalité qui oppose les Etats les uns aux autres, quand les volontés particulières (de ces Etats) ne parviennent pas à régler leurs différends par des négociations, il n'y a que la guerre qui puisse décider entre eux." - Principes de la philosophie du droit, trad. Derathé, § 333 et 334.)

- P. Muray rappelle la conception hégélienne de la guerre, montre que l'agression américaine en Irak en est comme une "farce" (ce qui rappelle une célèbre sentence de Marx). Il évoque par ailleurs la dissuasion nucléaire à l'époque de la guerre froide. Si l'on suit son raisonnement, on en vient à penser que la guerre froide a été la dernière ou une des dernières "vraies" guerres - simplement, grâce à Dieu et à l'atome, elle n'a pas eu lieu.

On remue tout ça, et on se demande si, dans le contexte actuel, et pour ce qui est des relations entre Etats (hors terrorisme donc), il ne faut pas être kantien, si à ce niveau ce fragile pis-aller ne vaut pas mieux.


2/
- Marx, dans son Introduction à sa critique de Hegel, donne au prolétariat sa mission historique en raison de la souffrance universelle qu'il éprouve, ce qui "fait" qu'en se libérant il libérera toute l'humanité.

- Une incise de l'intéressant petit livre de J.-C. Michéa, Impasse Adam Smith, que peut-être je critiquerai en détail ultérieurement, incrimine le rôle de Durkheim dans la redéfinition du socialisme français, dont il aurait effacé la généalogie proprement ouvrière, prolétarienne (universalisante donc si l'on suit Marx), au profit, via Saint-Simon, de l'esprit - utilitariste - des Lumières.

- Dans ses lettres à Mauss, Durkheim reproche justement aux socialistes français, en 1899, leur esprit de classe, leur étroitesse d'esprit - leur mépris de l'universel ("Le socialisme des socialistes comme Guesde et tutti quanti est la pire des choses. (...) Le socialisme de classe, qui réduit la question sociale à la question ouvrière, est un socialisme d'incultes et de haineux." ; "Je serai prêt à entrer dans le socialisme quand il aura élargi ses formules, quand il aura cessé d'être un parti exclusif de classe.")

L'universel ne peut-il être que l'exclusif des autres ?




(Légèrement corrigé et complété le lendemain soir.)

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