dimanche 7 mai 2017

"Une insolence d'autant plus criminelle..."

"Il n'est point de gouverneur qui ne s'attribue des droits injustes, point de troupes qui ne vivent avec dissolution, point de gentilhomme qui ne tyrannise les paysans, point de receveur, point d'élu, point de sergent qui n'exerce dans son détroit une insolence d'autant plus criminelle, qu'elle se sert de l'autorité des rois [ou d'un « mandat électoral », note de AMG] pour appuyer son injustice.

Il semble que, dans ce désordre général, il soit impossible au plus juste de ne pas se corrompre. Car le moyen qu'il aille seul contre le courant de tous les autres, et qu'il se retienne sur un penchant où le pousse naturellement son propre intérêt, pendant que ceux qui devraient l'empêcher de tomber l'y précipitent eux-mêmes par leur exemple !

Cependant, de tous ces crimes divers le public seul est la victime ; ce n'est qu'aux dépens des faibles et des misérables que tant de gens prétendent élever leurs monstrueuses fortunes. Au lieu d'un seul roi que les peuples devraient avoir, ils ont à la fois mille tyrans, avec cette différence pourtant que les ordres du prince légitime ne sont que doux et modérés parce qu'ils sont fondés sur la raison, tandis que ceux de ces faux souverains n'étant inspirés que par leurs passions déréglées sont toujours injustes et violents."

Louis XIV. Et certes il faut faire la part du monarque absolutiste qui ne se rend pas compte qu'il ne devrait pas trop supprimer les vieilles féodalités, ce que Louis XVI, se retrouvant seul ou presque en première ligne, pourra amèrement à lui reprocher. Mais sur l'anthropologie et la philosophie politique, on ne peut pas dire que ce texte ait beaucoup vieilli.