Qui paie ses dettes s'enrichit...
Je retrouve dans des notes prises en lisant les trois beaux volumes de textes de Marcel Mauss publiés chez Minuit (je bossais, dans le temps), un passage délectable, à multiples résonances.
Chez les celtes, "comme dans le « potlach » , le héros, future victime, demande à ses compagnons de table - on pourrait presque dire de Table Ronde - des présents en nombre déterminé que ceux-ci, défiés, avertis ou non de la sanction qui va venir, mais sommés de s'exécuter sous peine de perdre leur rang, ne peuvent lui refuser. Ces présents sont donnés solennellement, en public, plus précisément, dans la grande salle carrée, du festin des nobles et du tournoi ; l'assistance est garante du caractère définitif du don. Alors, - trait extraordinaire - le héros qui, normalement, eût dû, en une autre séance, rendre avec usure les cadeaux reçus, paie de sa vie ceux qu'il vient de prendre. Les ayant distribués à ses proches, qu'il enrichit ainsi définitivement et qu'il aime tant qu'il se sacrifie pour eux, il échappe par la mort, à la fois, à toute contre-prestation et au déshonneur qui lui viendrait s'il ne rendait pas un jour les présents acceptés. Au contraire il meurt de la mort du brave, sur son bouclier. Il fait honneur à son nom en disparaissant ainsi. Il se sacrifie avec gloire pour lui et profit pour les siens.
Une pareille morale n'a rien d'extraordinaire ; elle est militaire et financière à la fois. Nous en avons encore la survivance immédiate dans nos mœurs, où certains croient payer leurs dettes en se suicidant."
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