mercredi 13 février 2019

Parent 1. Parent 2.

J’ai eu la tentation de me contenter de ce titre comme citation du jour, mais il y a plus intéressant à faire qu’à s’indigner une nouvelle fois de l’infamie de la Raie publique en marche, essayons donc d’être un peu plus constructif ce soir. 

Dans le dossier sur le libéralisme paru dans L’incorrect, je retrouve, sous la plume de Thibaud Collin, une idée que j’avais dans le temps piquée chez Braudel je crois, et qui ne prend pas assez de place me semble-t-il dans l’inconscient et la conscience de ceux qui parlent de libéralisme : 

"Désarmée de son assise théologique et ontologique, la liberté humaine va se structurer dans la division entre deux pôles rivaux, c’est-à-dire opposés et complémentaires : l’État et l’individu. Ainsi à la souveraineté de l’État chez Hobbes va répondre la souveraineté de l’individu propriétaire de lui-même chez Locke. Toute la rhétorique libérale se nourrit de son refus de l’étatisme mais la notion libérale de l’individu ne se constitue que dans la matrice théologico-politique de l’État moderne."

Le point de vue de Braudel, autant qu’il m’en souvienne, était, on ne s’en étonnera pas, un point de vue d’historien : lors de la première mondialisation, c’est-à-dire lorsque l’Europe a découvert l’Amérique, mis au point le commerce triangulaire, etc., les États modernes qui alors naissaient, ont fourni un appui logistique et financier important. Il y eut alliance de fait entre États et entrepreneurs. 

(C’est d’ailleurs, rappelons-le ici, une grande différence, plus tard, à l’époque de la naissance du capitalisme puis de la révolution industrielle, entre la France et l’Angleterre : chez nos voisins, les deux classes dirigeantes, l’ancienne aristocratique et la nouvelle bourgeoise, avaient des intérêts convergents et ont pu passer alliance, alors que chez nous le nouveau pouvoir a dû neutraliser l’autre, ou essayer de le faire - et c’est toute l’histoire de la Révolution, du régicide, des changements de régimes au XIXe, cette histoire heurtée continuant bien sûr à nous hanter et nous constituer.) 

Fin de la parenthèse, revenons au sujet. Comme souvent avec le libéralisme, on est un peu obligé de se situer à un trop grand niveau de généralités, tant, dès que l’on se met à préciser des choses, le nombre de « détails » à prendre en compte devient important, voire inhibant. Je vais donc essayer pour aujourd’hui d’être le plus neutre possible dans mes formulations. Le libéral et l’État, c’est un couple qui ne peut divorcer - en tout cas, ce n’est pas le libéral qui peut en prendre l’initiative. Le libéral a besoin de l’État pour être libéral. Le libéral n’est pas nécessairement schizophrène ou hypocrite lorsqu’il demande moins d’État, ou mieux d’État, ou tout ce que vous voulez dans ce genre, mais il reste dépendant, pour être ce qu’il est (et faire ce qu’il fait, s’il est entrepreneur, par exemple), de cet État. De ce point de vue, on en est resté à Hobbes : sans État, c’est la loi de la jungle, que l’on ne confondra pas, même si dans la pratique on peut leur trouver des points communs, avec le libéralisme. « Sans État », si bien sûr il n’y a déjà plus d’Église (chrétienne ou autre), mais c’est justement là le processus de naissance et du libéralisme, et de l’État moderne. 


A suivre !