De Gaulle prophète en son pays.
Le Général et son époque me semblent de plus en plus à l’origine de nombreux problèmes actuels, je n’en suis pas moins frappé par ce florilège de citations réuni par P. Yonnet à partir d’un livre de Claude Mauriac (qui fut secrétaire de de Gaulle). La perspicacité du Général ne change hélas rien à mon diagnostic, au contraire, et à l’idée qui s’impose de plus en plus à moi que le de Gaulle de 1958, au contraire de celui qui tient les propos qui suivent, n’est plus qu’un pion au service des États-Unis. Un pion récalcitrant (si j’ose dire) parfois certes, mais qui sait très bien, et ce que n’est pas ce que vous allez lire qui me contredira, qu’à part mettre un peu d’ordre dans la maison France et incarner, pour la gloire, quelque chose de différent de l’ordre américain sur la scène internationale (comme on parle d’une scène de théâtre…), il ne peut plus guère prendre d’initiative. Et le fait est qu’une fois sa Constitution utilisée par d’autres, explicitement pro-américains, l’ordre juridique qu’il aura mis dans la maison France servira d’autant plus aisément à la soumission du pays - cf. Nicolas Sarkozy, ça semble loin, déjà… Bref, la parole au Général, les coupures étant de P. Yonnet :
"De Gaulle parle.
Du « bluff soviétique, du peu de goût des Russes pour une guerre qu’ils perdraient certainement », s’ils la déclenchaient : « Sans l’Ouest, ils se faisaient battre par un peuple de 70 millions d’habitants, ce qui n’est pas brillant… » (noté le 2 avril 1946 par Claude Mauriac).
De l’Empire : « C’est effrayant, vous savez, combien l’Empire s’est désagrégé depuis que je suis parti… (noté le 14 juillet 1946). « Et on laisse ce Ho Chi Minh nous narguer jusque chez nous - et l’Empire peu à peu se désagrège alors que notre seul espoir serait de profiter des difficultés qui assaillent par bonheur toutes les autres nations, pour regrouper l’Empire, nous ressaisir, refaire cette substance qui nous sera un jour ou l’autre indispensable si nous voulons survivre… » (noté le 31 juillet 1946). « C’est la fin de l’Empire, ne vous le dissimulez pas. Nous perdrons tout l’Empire ; ils l’abandonnent petit à petit dans les trocs honteux et les marchandages… » (noté le 7 mars 1947).
De l’Angleterre : « L’alliance avec les Anglais, je sais ce qu’elle est, je l’ai même faite à moi tout seul, à une certaine époque (…). L’Angleterre ne veut à aucun prix que la France retrouve sa puissance… » (noté le 2 mars 1946). « Churchill a perdu l’indépendance de son pays qui est devenu un dominion des États-Unis (…). Dès lors les Anglais nous ont tout le temps trahis. Bien plus, ils ont trahi la Croix dans le Proche-Orient. Et ils ont ici [en Europe, note de AMG] trahi l’Occident, ils se sont trahis eux-mêmes ». Je l’ai dit à Churchill. Je lui ai dit : “En définitive, c’est contre vous que vous travaillez…” » (noté le 3 juillet 1946).
Des États-Unis : « Ce que risque d’être la pression américaine est effarant. Si jamais ce jeune pays est, par la force des choses, maître du monde, on n’ose imaginer jusqu’où ira son impérialisme. Ah ! il faut avoir l’oeil… » (noté le 13 avril 1948.)"
- Tu parles, Charles, et le bon ! Et P. Yonnet de récapituler :
"Depuis, l’armée russe s’est dissoute face aux bandes tribales des seigneurs de guerre afghans, Pompidou a fait entrer le dominion américain dans l’institution européenne, l’impérialisme américain s’est déployé sur un monde délivré de la menace soviétique, et de Gaulle n’a eu d’autre ressource, une fois revenu au pouvoir pour garder l’Algérie française, que de liquider au plus vite l’Empire."
"Revenu au pouvoir pour garder l’Algérie française…" : dans l’esprit des Français à l’époque, oui, dans son esprit à lui j’en suis moins certain, il pensait peut-être déjà (j’ignore s’il y a des témoignages à ce sujet) à "liquider au plus vite l’Empire", qu’il liquida aussi au plus mal, hélas, nous n’avons pas fini d’en payer les conséquences sur notre propre sol.
Yonnet écrivait cela en 2009. Dix ans plus tard, nous pouvons actualiser.
"Depuis, l’armée russe a retrouvé une certaine efficacité, voire en certains domaines une supériorité technique sur l’armée américaine. C’est fort heureux, car il serait fou de croire que la sortie du dominion américain qu’est l’Angleterre de l’institution européenne l’éloignera des États-Unis, bien au contraire. Ceux-ci, si récemment, grâce à D. Trump, ils trahissent un peu moins la Croix dans le Proche-Orient, ont continué à la trahir pendant des décennies (un aspect qui intéresse moins P. Yonnet), tout en faisant tout pour affaiblir la France et l’empoisonner avec les suites (Saint-Simon parlait ainsi des bâtards de Louis XIV et de Mme de Montespan : de funestes suites…) de son défunt Empire. - Au point d’ailleurs, là encore depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump et avec l’engagement de Steve Bannon, de s’alarmer des conséquences de l’affaiblissement du satellite européen en période d’expansion russe et chinoise, et de faire en partie marche arrière - d’où le soutien de S. Bannon à Marine Le Pen. La France pendant de ce temps se fait passivement violer par tous les trous et par tout le monde, Américains, Musulmans, Israéliens (même si, là aussi, il y a des inflexions), ses propres élites vendues à l’étranger dans les trocs honteux et les marchandages… Et ce n’est certes pas dans l’Empire qu’elle n’a plus, mais, si cela doit arriver, dans quelque chose de plus immatériel, qu’elle trouvera cette substance qui nous sera un jour ou l’autre indispensable si nous voulons survivre… En admettant que nous le voulions !"
<< Home