"Des enfants de vieux."
Évidemment, Thierry Maulnier, question style, ce n’est pas Chateaubriand, mais si on commence à virer tous ceux qui écrivent moins bien que l’auteur des Mémoires d’outre-tombe, ça ne va pas être facile - or, question lucidité, je trouve ce texte intéressant :
"La « révolution » des étudiants dans la France de 1968, et ailleurs, a été une révolution avortée, comme beaucoup d’autres. Pour qu’elle s’évanouisse ainsi qu’une fumée, il a suffi de quatre phrases prononcées avec l’autorité nécessaire. Il n’en résulte pas qu’elle ait été sans conséquences. En fait, si elle n’a pas provoqué de changements politiques à court terme, tout le climat culturel de la nation s’est trouvé changé, pour ainsi dire, du jour au lendemain. Des parents ont découvert leurs enfants, la gauche a découvert une autre gauche à sa gauche, le règne - le monopole - de la terreur a été consolidé ou instauré dans les facultés, dans les théâtres, les maisons de la culture, dans l’information, jusque dans les salons de la bourgeoisie opportuniste. Il est surprenant que de telles conséquences soient issues d’une sorte de fête des Fous, d’une bacchanale politico-philosophico-sexuelle, que personne n’a prise au sérieux, même pas ses acteurs, qui n’a pas fait de morts, et qui, plutôt que la révolution, en était la dérision involontaire, la parodie. Pourquoi ? Parce que toute la société devant elle était vermoulue, privée de confiance en elle-même - à bout de souffle. Dans une nation épuisée mais parvenue à un certain bien-être, les poussées révolutionnaires elles-mêmes manquent de force. La résistance était molle, mais la poussée était faible. Une société en déclin marque de sa propre faiblesse les énergies révolutionnaires qui se lèvent en elle pour la contester. Les jeunes gens de 1968 étaient des enfants de vieux."
- Et, vieux, ils sont toujours des enfants de vieux… comme une espèce de malédiction originelle, dont ils ne sont pas responsables, mais qu’ils perpétuent avec un zèle regrettable.
<< Home