Zone de mort.
Un jour, si Dieu me prête vie, il faudra que je lise Bossuet :
"C’est une étrange faiblesse de l’esprit humain que jamais la mort ne lui soit présente, quoiqu’elle se mette en vue de tous côtés, et en mille formes diverses. On n’entend dans les funérailles que des paroles d’étonnement de ce que ce mortel soit mort. Chacun rappelle en son souvenir depuis quel temps il lui a parlé, et de quoi le défunt l’a entretenu ; et tout d’un coup il est mort. Voilà, dit-on, ce que c’est que l’homme ! Et celui qui le dit, c’est un homme ; et cet homme ne s’applique rien, oublieux de sa destinée ! ou s’il passe dans son esprit quelque désir de s’y préparer, il dissipe bientôt ses noires idées ; et je puis dire, Messieurs, que les mortels n’ont pas moins de soin d’ensevelir les pensées de la mort que d’enterrer les morts eux-mêmes."
Quand Paul Yonnet, dont je viens enfin de me décider ce midi à acquérir Zone de mort, le livre posthume dans lequel il décrit son expérience de la maladie et de l’approche de la mort (crainte et tremblement de mon côté depuis la sortie de ce volume, je tombe sous la condamnation de Bossuet…), met cette phrase en exergue de son grand livre Le recul de la mort, que j’ai décidé ce matin sur une impulsion imprévue de ressortir, se sait-il souffrant, voire condamné ? Je l’ignore. Mais si j’ai rouvert le Recul, c’est en me disant que dans mes idées un tant soit peu personnelles il y a une vision croisée de ce livre et du 19ème siècle à travers les âges de Muray, et qu’il serait peut-être temps, quand même, un jour, de m’atteler à travailler vraiment lesdites idées.
Tomber, dans ce contexte, sur cette tirade de Bossuet, le jour où j’achète un livre dans lequel un auteur que j’aimais beaucoup, et qui devait donner une suite à son chef-d’oeuvre - dont le titre n’est tout de même pas anodin - ce que la mort ne lui permit pas de faire -, livre dans lequel cet auteur, mort prématurément, comme on dit, évoque sa mort à venir, à un âge que j’atteindrai (peut-être) dans quelques petites années… il est difficile de ne pas y voir un signe.
Bref : vive Bossuet.
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