samedi 4 avril 2020

"Un spiritualiste déçu qui se révolte contre le matérialisme..."



Une mise au point de Jean Clair : 

"Marx avait décrit la religion comme un opium pour le peuple. Et l’autre grande voix, à l’entrée du monde actuel, Freud, avait parlé de l’art comme d’une « narcose légère ». La religion et l’art, qui ne servent à rien, seraient des stupéfiants qui nous cacheraient la misère du monde. 

Mais les citations sont tronquées. Dans leur intégralité, elles disent le contraire de ce qu’on leur fait dire. Marx dit de la religion qu’elle est aussi l’âme d’un monde sans coeur, « le soupir de la créature oppressée, l’esprit d’un état des choses ou il n’est point d’esprit (Geist) ». Marx est, ici comme ailleurs, un spiritualiste déçu qui se révolte contre le matérialisme d’un temps qu’il voit venir. 

Freud, dans des termes très proches, dira de l’art - cette activité qui ne cessera d’occuper sa pensée au point d’en faire une obsession, un idéal, une énigme dont il tentera en vain de résoudre l’origine - qu’il est une illusion, mais une illusion nécessaire et bienheureuse, une consolation sans prix, qui permet de supporter la souffrance. (…)


Ni l’un ni l’autre donc de ces deux grands révolutionnaires n’ont méprisé l’art ni la religion - au contraire."