Ma bite et mon couteau.
Pour changer - un peu - de Muray, voici les premières lignes d’un texte de Jean Clair sur le rapport des artistes au cirque et aux saltimbanques :
"L’homme, premier des primates à adopter la station debout, est aussi le premier des saltimbanques. Osant se dresser sur le sol, hésiter, s’avancer puis trébucher, trouver son chemin sur deux pieds, il fut, parmi les mammifères, le premier funambule à parcourir le fil invisible de son existence. Là où les autres de son espèce, collés au sol, rampaient, sautillaient, claudiquaient, il avança.
Mais plus encore, ce clown céleste, cet acrobate ouranien insensible au vertige, qui désormais plaçait sa tête au-dessus de lui et dirigeait son regard un peu plus haut vers l’horizon, fut le premier à deviner qu’il portait en lui l’énigme de son existence. Là où d'autres animaux dissimulaient leur sexe au creux de leur flanc ou sous leur ventre, il l’exhiba, frontal, évident, d’une présence aveuglante, situé qu’il était au centre du cercle qu’il dessine quand il étend les rayons de ses bras et de ses jambes. L’homme n’était pas seulement un funambule, c’était aussi l’acrobate qui inscrivait son corps dans la roue invisible dont la course conquerrait le monde. Connaissant le sexe et inventant le progrès, il découvrit la mort."
De façon moins solennelle, en citant Picasso, J. Clair répète la même chose, quelques paragraphes plus loin :
"Les Espagnols, c’est l’église le matin, la corrida l’après-midi, le bordel le soir."
Le trépied de la civilisation, comme disait Céline, qui lui, parlant des Français, mettait le bistro à la place de la corrida… Une façon moins tragique et plus conviviale d'affronter la mort, en somme.
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