vendredi 21 juin 2019

"Le Français aime les théories, le Christ préfère la pratique."

"Articuler engagement personnel et vision politique reste une gageure pour les catholiques contemporains : nourrir le pauvre en bas de chez soi sans discrimination et contrôler ses frontières politiques du même mouvement, voilà ce qu’on lui demande."

Phrase à plusieurs titres bancale, mais bonne synthèse, de J. de Guillebon dans L’incorrect. Ce que développe, quelques pages plus loin, le Père Vivarès : 

"Le pauvre dérange, il a toujours dérangé et dérangera toujours. Il est l’incarnation de la charité chrétienne, l’incarnation du Christ aujourd’hui dans notre monde. Là aussi, quelle que soit l’époque, le pauvre a gêné : que l’on se rappelle le « grand renfermement » en plein XVIIe siècle au grand dam de Saint Vincent de Paul ou les camps de migrants ventilés sur tout le territoire aujourd’hui. Le pauvre est accusé de tous les vices, il est cause de tous les maux et pour enfin vivre tranquilles, il ne faut plus le voir. Dans notre bonne ville de Paris gouvernée par la bien-pensance, on change les sièges du métro, on met des piques sur les rebords des devantures, on repousse les tentes Quechua le plus loin possible du périphérique, quand elles ne sont pas tout simplement détruites. C’est la raison pour laquelle j’ai tant de pauvres qui viennent s’asseoir dans mon église toute la journée. Ici, on les laisse tranquilles, et ils peuvent se poser, se reposer. On n’imagine pas l’insécurité quotidienne de celui qui n’a pas de toit. 

Je n’ai pas à dire quelle attitude adopter : il y a celle que j’adopte en conscience, et j’invite chacun à agir en conscience, non pas devant un problème politique, ou géopolitique, mais devant une personne. Le Français aime les théories, le Christ préfère la pratique. (…) Je rencontre des personnes en souffrance, parfois à cause d’elles-mêmes. Je peux détourner les yeux de cette souffrance ou essayer de l’accueillir et, à ma mesure, avec mes moyens, essayer d’y remédier. (…)

Ensuite, nous votons, là aussi en conscience, sur un programme que l’on voudrait voir appliquer. Si les décisions actuelles ne vous plaisent pas, faites de la politique, ce qui, pour saint Thomas d’Aquin, est l’une des plus hautes formes de la charité. Mais concrètement, nous ne serons pas jugés sur notre amertume politique ou nos victoires électoralistes, mais sur nos actions."

Il faut aussi distinguer charité individuelle et collective : pour un pays plus encore que pour un individu, charité bien ordonnée commence par soi-même. Si l’on veut que les pays riches aident les pays pauvres, il faut que les pays riches aient une indépendance, économique, politique, culturelle, spirituelle, qui leur permette de concevoir, planifier, organiser cette aide. Il est tout de même difficile de ne pas remarquer, sur le long terme, que ceux qui font le plus pour affaiblir, de toutes les manières (économique, politique, culturelle, spirituelle...), les nations occidentales, adoptent souvent aussi des positions pro-migrants (et il ne faut pas confondre, purement et simplement, migrants et pauvres) et se montrent fort prompts à insulter ceux qui se posent des questions sur cette soudaine promotion gaucho-capitaliste du migrant comme personne à qui tous les sédentaires du monde devraient maintenant prêter allégeance !


Et pendant ce temps, de plus en plus de gens, Français et étrangers, dorment, pissent et chient dans le métro d'Hidalgo, toutes les nuits…