samedi 22 avril 2006

Quel con, ce Muray,

d'avoir passé sans s'être expliqué nettement sur tous les points.

Il revient à maintes occasions sur le protestantisme - qu'il n'aime pas -, reprend à son compte une phrase de Mme de Staël (protestante elle-même) selon laquelle "Le protestantisme et le catholicisme existent dans le cœur humain ; ce sont des puissances morales qui se développent dans les nations, parce qu'elles existent dans chaque homme.", ajoute : "On pourrait même aggraver les choses en affirmant qu'il s'agit de deux visions du monde inconciliables et qui dureront bien après les religions dont elles portent les masques." (Préface à Procope, La guerre des vandales, Belles-Lettres, 1990), mais s'esquive dès qu'il s'agit de définir avec un rien de précision ces deux "visions du monde", laissant le profane démuni.

A une autre occasion (Après l'Histoire II, Belles-Lettres, 2001), il s'appuie sur une opposition de Gibbon entre "l'inclination contre-nature à la servitude des protestants et "la tendance irrégulière des papistes à la liberté", là encore sans donner beaucoup de compléments utiles.

Le non-spécialiste doit donc se débrouiller tout seul (je n'appelle plus mes lecteurs à l'aide, vous ne servez à rien, que Benoît XVI vous fasse griller la plante des pieds), et pour commencer émet cette idée : en plaçant l'autorité en-dehors d'eux, les catholiques se seraient simplifié la vie. On obéit à ce que la hiérarchie nous commande, mais pour le reste, tout ce qui n'est pas interdit est autorisé, il n'y a plus de questions à se poser. Au lieu qu'en situant l'autorité en lui-même le protestant la transporterait toujours avec lui. D'une part il ne pourrait jamais se débarrasser de la morale, ce qui n'est pas très réjouissant, d'autre part, lassé de ce questionnement perpétuel qu'il s'impose à lui-même, il aurait tendance à se fier à toutes les formes d'autorité, histoire de se débarrasser de temps à autre de ce fardeau - le catholique aurait quant à lui mieux délimité à qui il faut obéir et qui on peut contester.

Evidemment, il y a des catholiques serviles et des protestants plein d'individualité - mais on parle d'ensembles. Mon interprétation peut-elle tenir la route ? Est-elle mauvaise ? Ou bien Muray balançait-il des généralités spectaculaires pour impressionner les esprits naïfs ? Sa sincérité n'est pas en cause, mais tout de même. Ach, au paradis, entre deux havanes et deux houris, s'il peut me faire signe et m'expliquer ce qu'il voulait dire, je gagnerais du temps.




Dans un domaine proche, je découvre cet article sur les rapports entre l'Eglise catholique et les Etats-Unis, ce n'est pas inintéressant. Et me permet de rappeler ce fait découvert chez Alain de Benoist : il y aura dans quelques années plus de catholiques que de protestants aux Etats-Unis. Malgré ma bienveillance actuelle à l'égard du catholicisme - largement due à Muray d'ailleurs : rendons à César... -, je n'attends guère de miracles de cette évolution, mais j'ai peine à croire qu'elle n'entraînera pas quelques changements significatifs. Ce n'est pas tous les jours que la première puissance mondiale (si les Etats-Unis le sont encore lorsque cette mutation aura lieu) change de religion principale.

(Ajout le 5.05) Tout ceci est de la "politique-fiction", mais allons plus loin dans le raisonnement. D'une part, les catholiques ayant dû se résoudre à suivre le mouvement festif de l'époque et mettre en place des catho pride, chose difficilement imaginable il y a peu, il faudrait déjà se demander si le catholicisme n'évolue pas dans un sens qui lui ferait perdre sa spécificité. Mais il est vrai que cette religion a souvent su faire preuve de souplesse, pour le meilleur et pour le pire. D'autre part et surtout, la vie américaine est tellement marquée par le protestantisme depuis l'origine, y compris dans ses institutions et la façon dont les Américains sont habitués à les voir fonctionner, que si le changement de religion principale que j'ai évoqué doit avoir lieu, il ne pourra se faire sans que le catholicisme américain ne se mâtine de protestantisme, Dieu seul sait comment et à quel point. Fin de la politique-fiction.

Au passage : d'après le Vocabula Amatoria - A French-English glossary of words, phrases and allusions, occurring in the works of Rabelais, Voltaire, Molière, Rousseau, Béranger, Zola and others, with English equivalents and synonyms, Londres, 1896, qui ne cite malheureusement pas sa source, "changer de religion" a pu signifier "devenir pédéraste". Mais cela n'a pas de rapport avec ce que je viens d'écrire.



(Ajout le 4.05) L'évocation des houris n'était pas aussi incongrue qu'il y pouvait paraître, mais elle n'était pas tout à fait adaptée au volontés de feu Muray, qui écrivait en 1991, je le découvre, à propos des allègres femmes peintes et repeintes par Rubens :

"Habiter le rêve de Rubens ! C'est comme un rêve, oui, où je disparaîtrais sans difficulté, le plus réaliste, le plus raisonnable, le mieux fondé des rêves, le moins attaquable. Les houris du paradis de Mahomet ne sont que de pauvres filles, à peine des ombres, en comparaison des pensionnaires divines de son Bordel du Firmament."


rubens2


Dont acte !

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