jeudi 17 mai 2012

Zitto, mi pare sentire odor di femmina… / - Cospetto, che odorato perfetto! (Érotique de la crise du monde moderne, I.)

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Faire de la théorie sur les rapports entre les sexes sans dire des conneries est déjà un pari que l'on a de bonnes chances de perdre ; s'efforcer de dégager des relations entre ces rapports et un autre domaine, en l'occurrence celui dit de l'« économie », s'apparente à de l'aquaplaning conceptuel, tant on ne peut s'appuyer sur des concepts à peu près établis, et tant la sortie de route menace à chaque instant. Mais à intellectuel vaillant rien d'impossible, surtout si son instinct, d'ailleurs sous une forme quelque peu érotisée, lui dit qu'il y a là quelque chose à creuser.

Je vais m'efforcer aujourd'hui de donner des indications sur ma façon de procéder comme sur mon état d'esprit. "Vers l'Orient compliqué je volais avec des idées simples", écrivait le Général : n'ayons peur ni de la simplicité ni même de la banalité, au moins dans un premier temps.

Vous savez donc que je sais que je marche sur des oeufs - et avec une femme de plus en plus féministe (ceci est une forme d'aveu d'échec personnel), ce n'est pas un vain mot…Mais optons pour commencer par un point de vue extrêmement général, en utilisant, comme nous l'avons fait pour des questions d'ordre anatomique, en utilisant le principe de raison suffisante (Leibniz) : s'il y a des hommes et des femmes, ce n'est pas pour rien, il y a une raison, et, ainsi que nous l'avons démontré brillamment dans le texte vers lequel je viens de mettre un lien, cette raison n'est pas la reproduction. Elle n'est pas non plus, le même principe s'applique ici, le plaisir purement charnel - en admettant d'ailleurs et justement que quelque chose de « purement charnel » existe.

Bien sûr, cette raison, je ne la connais pas, même si une part de moi signerait volontiers un pacte avec le Diable pour l'apprendre… Mais continuons dans la même voie, la bite sous le bras et Leibniz sous l'autre : s'il y a deux sexes, c'est par définition qu'ils sont différents, ce qui, je le rappelle, et c'est expliqué toujours dans ce même texte, signifie que la question de l'égalité entre eux n'a pas de sens. Et s'il y a deux sexes, et si donc par définition ils sont différents, c'est par conséquent, au minimum, une forme de gâchis s'ils font exactement la même chose. Vous avez un gars qui sait jouer du violon et un autre du piano, si vous décidez qu'ils doivent tous les deux jouer du violon, vous perdez quelque chose.

(Je n'ignore pas que l'on peut substituer à cet exemple celui du premier violon que tout le monde applaudit, comparé au gars qui joue de la cymbale une fois par concert, et qui sait bien qu'il n'est pas à égalité avec le premier (quoi que son rôle puisse être important…


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). J'y viendrai.)

De quelle nature est ce gâchis ? Est-il grave ? Par rapport à quoi exactement y a-t-il gâchis ?

Je vais faire par un détour par un sentiment personnel. Si la copulation est au moins aussi répandue qu'est censé l'être le bon sens, la naissance réciproque du désir, ce qu'on appelle la séduction, ne l'est pas tant que ça dans une vie. Ça arrive, heureusement, mais, à l'échelle de sa propre existence, ça n'arrive pas tous les jours. J'ai fini par me dire qu'il y avait une sorte de péché à ne pas aller au bout de cette séduction réciproque lorsqu'elle a l'heur de se produire. Ce qui ne veut pas nécessairement dire coucher ensemble, même si en bonne logique c'est ce qui doit se produire : disons donner sa chance à cette chose que l'on est en train de créer à deux et que l'on ne peut créer tout seul. Ce péché, on peut avoir de bonnes raisons de refuser de le commettre, la fidélité - à sa femme, à son oeuvre, à des voeux de continence, etc., mais cela reste un péché.

Un péché vis-à-vis de quoi ? J'en reste au niveau de mon « sentiment » : d'un certain ordre du monde, qui vous offre par ce moment de séduction réciproque une chance, que vous refusez. Un miracle, ou une grâce, que vous choisissez de dédaigner. A quoi ça sert que Dieu se décarcasse ?

Le gâchis dont je parle à l'idée que les deux sexes fassent peu ou prou la même chose est de cet ordre : une chance non exploitée, une possibilité offerte par l'ordre des choses mais refusée, dédaignée.

« Un certain ordre du monde » ; « L'ordre des choses » : il faut clarifier ces expressions. La position défendue ici est conventionnaliste jusqu'à un certain point. Après quelques décennies de travail de l'ethnologie et alors que nous sommes en pleine évolution vers ce que l'on appelle, d'une expression très laide, un monde multipolaire, il nous semble impossible de croire à quelque chose comme un ordre naturel, qu'il suffirait d'observer, et dont on s'inspirerait pour bâtir la Cité idéale. Mais il ne s'ensuit pas que tout soit dans tout ou que n'importe quoi soit possible et/ou souhaitable. Il ne s'ensuit pas non plus, d'un autre point de vue, que l'on doive à tout prix se donner des handicaps ou se compliquer la vie inutilement. La vie est courte, bordel, on a toujours l'impression que l'homme moderne a le temps de faire des conneries et de les réparer, mais pendant ce temps, justement, je vieillis, moi, et d'autres avec, et le temps qu'il me reste pour bien baiser diminue d'autant. Peut-être vous souvenez-vous des thèses de Claude Lefort sur la démocratie comme "destruction des fondements de la légitimité et de la vérité" : "la loi n'est plus désormais indiscutable, mais peut faire l'objet d'un débat incessant", la démocratie est un "régime fondé sur la légitimité d'un débat sur le légitime et l'illégitime - débat nécessairement sans garant et sans terme", etc. Bien sûr, oui, il est possible de tout remettre en question, et c'est évidemment souhaitable de le faire de temps en temps, histoire d'empêcher certains d'être trop sûrs d'eux ou quand les choses déconnent trop. Mais il n'est pas plus bête, me semble-t-il, d'essayer de s'appuyer sur ce qui est à peu près stable pour bâtir quelque chose pendant qu'on en a l'énergie.

Je reprends mon exemple, en vous conseillant de ne pas trop y chercher des métaphores graveleuses, vous en perdriez le fil : s'il y a des pianistes et des violonistes, autant faire des efforts pour écrire de belles sonates pour piano et violon que de passer sa vie à faire jouer du piano au violoniste, couper les cordes des violons, essayer d'inventer un instrument qui soit à la fois un piano et un violon, etc. - En revanche, faire jouer, le temps d'un exercice, la partition du violon par le pianiste, et réciproquement, peut être sain : cela s'appelle faire l'effort de se mettre à la place de quelqu'un. - Il y a des hommes et des femmes, même si nous ne comprenons pas exactement pourquoi c'est comme ça, essayons de profiter au mieux de cette situation. Pour bien baiser il faut être deux, et la probabilité de bien baiser, pour moi comme pour tout le monde, augmente donc si les polarités sont dans l'ensemble respectées et assumées.


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- Ces « polarités », je ne vais pas en parler aujourd'hui. Il est clair comme de l'eau de roche que ce que j'ai essayé ici d'expliquer n'est à certains égards pas très éloigné d'une position traditionnelle ou conservatrice. Il me reviendra d'expliquer pourquoi je ne crois pas pour autant rejoindre cette ligne. Résumons d'abord ce qui précède : il y a un mélange de péché d'orgueil et de temps perdu bêtement à remettre en cause la différence des sexes, quand bien même on a du mal à la définir. Ira-t-on brûler en enfer pour ça, je l'ignore : peut-être est-ce surtout une manière d'importer l'enfer sur terre, ce sera justement un problème à aborder. Mais c'est là une forme de trahison métaphysique, ou de péché contre l'esprit, ou de gâchis spirituel - choisissez selon votre tempérament l'expression qui vous convient le mieux.


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