jeudi 29 mars 2012

Genèses, limites et ambiguïtés du « soralisme », II bis. On peut retourner le problème dans tous les sens...

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Genèses, limites et ambiguïtés du « soralisme », I.

Genèses, limites et ambiguïtés du « soralisme », II.

Genèses, limites et ambiguïtés du « soralisme », III.


...on en reviendra toujours là : c'est peut-être un problème qu'ils nous détestent, mais c'est encore plus un problème qu'ils aient de bonnes raisons de le faire. Et même, qu'ils aient de bonnes raisons de nous mépriser. On peut retourner le problème dans tous les sens, on en revient toujours à Machiavel : si on ne peut être aimé, il faut au moins être craint. Nous ne sommes guère plus craints qu'en tant que caution morale, je rigole, âme damnée si l'on préfère, des États-Unis. Notre dernière capacité d'agir, qui est une capacité de nuisance, se trouve là : la vaseline BHL qui permet à d'autres - en Syrie, ça coince, quand même - d'aller les enculer une fois de plus. France, lubrifiant de l'Empire ! Qui a lu Verschave sait que ce n'est pas nouveau, mais, au fil du temps, et entre autres du fait du cynisme paradoxalement innocent de notre président actuel (et à venir ?), c'est devenu de plus en plus apparent.

De ce point de vue, on peut certes chercher plein de petites bêtes sur le cadavre de M. Merah, mais, comme le dit J.-P. Voyer, peu importe qu'il soit manipulé : je pense qu'il y a quelques années encore, personne n'aurait pu manipuler qui que ce soit pour le pousser à tuer des militaires français et des enfants... des enfants quoi, au fait ?

- la question n'a rien d'odieux, n'a rien d'un détail, comme dirait Jean-Marie, même s'il est plus aisé à un blogueur de la poser qu'à un homme politique de l'aborder : ces enfants, qu'étaient-ils pour leurs parents ? Juifs, Français, Israéliens ? qu'étaient-ils pour M. Merah ?

Passons. Ainsi que je le signalais avant-hier sur Twitter, j'ai commencé à écrire ce texte avant d'écouter l'entretien de mars d'Alain Soral. Je m'agaçais à part moi de lire sur le site d'E&R ou sur Voxnr des textes sur un éventuel côté agent double de M. Merah. Ach, ce n'est certes pas que cela me gêne que l'on ne se contente pas des versions officielles, ce n'est pas non plus qu'il soit insignifiant de savoir si Merah était « manipulé » (je mets des guillemets, parce que c'est une notion qui n'est pas aussi évidente qu'elle peut en avoir l'air : ce jeune homme avait son libre arbitre, me semble-t-il) et surtout par qui, mais je trouve qu'à ne s'interroger que sur cet aspect des choses on passe à côté d'autres vérités.

Dans son entretien du mois, donc, A. Soral, un peu comme il l'avait fait au moment des crimes d'A. Breivik, passe sans transitions logiques claires de l'émission d'hypothèses et de soupçons à propos de ce que racontent les media, à l'affirmation pure et simple que « c'est bidon » (je résume, je ne cite pas). C'est d'une certaine façon de bonne guerre, dans un entretien oral, mais cela ne simplifie pas les choses.

J'ajouterai que s'il n'est pas impossible que MM. Breivik et Merah aient été tous les deux « manipulés » par le grand méchant loup sioniste, il faudrait quand même se demander s'il est bien cohérent de voir la patte dudit loup derrière, d'une part, un aryen sioniste qui tue des jeunes gauchistes, d'autre part un rebeu musulman aux actions fortement anti-sionistes. Je sais bien que, dans le détail, A. S. a affiné le truc, que l'histoire Breivik était censée être un signal envoyé à la Norvège pro-palestinienne, alors que Merah serait là pour alimenter le choc des civilisations…

Mais, bon sang de bois, il existe tout de même bien un peu, ce choc ! La question est surtout de savoir à quel point son existence se confond avec son essence, autrement dit de savoir si eux et nous sommes voués à nous détester, depuis toujours et pour toujours, et à nous foutre sur la gueule de plus en plus souvent, éventuellement jusqu'à anéantissement de l'une des parties, ou si l'état de haine réciproque par certains aspects de plus en plus évident est un acmé temporaire, qui peut laisser la place à une coexistence pacifique, n'impliquant pas nécessairement - il ne vaut sans doute d'ailleurs mieux pas - de grandes embrassades.

Je suis d'accord avec A.S. pour jouer la deuxième option, je ne conteste absolument pas le rôle que jouent N. Sarkozy et autres BHL pour mettre de l'huile sur le feu en la matière, mais ce qui persiste à me gêner est cette espèce d'idée sous-jacente qu'il ne faudrait pas grand-chose pour que tout aille bien. (Ce n'est pas forcer le sens de la pensée d'Alain Soral que d'aller jusqu'à dire que selon lui il suffirait que les Juifs arrêtent d'être juifs, quoi que l'on entende par là, pour que tout aille bien.) Peut-être ne faudrait-il effectivement pas grand-chose pour que tout aille mieux, mais pour que tout aille bien, c'est une autre paire de manches.

Reposons maintenant le problème comme nous avions commencé par le faire, la difficulté, vous l'aurez compris, étant qu'il me faut à la fois parler de M. Merah et d'A. Soral, alors même que l'on ne sait pas trop ce que voulait le premier cité, ce qui m'oblige à traiter la question par approches tantôt générales, tantôt plus précises. Dans son entretien récent, le « Président » a une formule assez forte, que je cite approximativement : sa propre analyse de la situation politique en France et dans le monde serait tellement juste qu'il faut en venir à faire tuer des enfants pour essayer de la contrecarrer.

D'une certaine façon, c'est exactement ce que j'ai écrit au début de ce texte, et qui me semble effectivement essentiel : que M. Morah ait été seul, agent double, triple, fou, manipulé, hyper-lucide, lâche ou courageux, cela ne change rien au fait que ce qu'il a fait n'avait pas été fait avant en France, de même qu'A. Breivik avait poussé le curseur à un niveau jusque-là non atteint en Norvège, ou que O. Ben Laden avait donné une nouvelle dimension au terrorisme un certain jour de septembre 2001. Les services secrets peuvent être imaginatifs et cyniques, ils ne peuvent oser aller jusqu'à un certain niveau d'imagination et de cynisme que parce que cela correspond à un certain air du temps, qui les imprègne autant que le pékin moyen. Des enfants juifs élevés dans des écoles religieuses en France, cela fait un paquet d'années que l'on peut les dégommer sans problème et que l'on peut avoir envie de le faire si on juge que ce sera un bon message à envoyer à Israël. Matériellement, c'est très facile à faire, c'est même, soyons de mauvais goût, enfantin. Mais on ne l'avait jamais fait, parce que, spirituellement, c'est une autre paire de manches : tuer des gamins en France pour passer le bonjour à Israël, éventuellement faire tuer des gamins par un jeune homme en colère pour foutre la merde en France (ou, éventuellement bis, savoir que ce jeune homme est en train de manigancer un truc et le laisser faire, parce qu'on sent que ça foutra la merde en France), il faut que la situation soit déjà, encore une fois d'un point de vue spirituel, passablement pourrie pour que l'on en arrive là.

Et j'en reviens à mon point de départ : le problème est surtout qu'ils aient de bonnes raisons de nous détester. Je vous ai cité il y a peu la belle phrase de Simone Weil : "Les humiliations infligées par mon pays me sont plus douloureuses que celles qu'il peut subir." Nous en sommes arrivés au stade où se confondent les humiliations infligées et les humiliations subies : il ne s'agit pas d'éluder leurs responsabilités, mais de voir les nôtres en face, nous ne pouvons pas les changer, mais nous pouvons peut-être nous changer nous-mêmes, un peu. C'est encore, finalement, le meilleur moyen pour que BHL soit moins juif.


P.S. Et Marc-Édouard Nabe, dans tout ça ? Depuis maintenant assez longtemps qu'elle est en ligne, je ne suis pas arrivé à regarder la vidéo de sa conférence avec T. Ramadan. L'antipathie que j'ai toujours eue pour celui-ci et ses incessants tortillements du cul, la mauvaise qualité de la vidéo sont des raisons à ce refus de la regarder, des raisons évidemment accessoires. J'ai surtout à combattre l'impression intuitive, depuis l'annonce de cette conférence, que MEN s'est ici engagé dans un truc foireux - et ça me ferait chier d'avoir raison. Les extraits mis en ligne par A. Soral ne le confirment qu'à moitié, ce que dit M.-É. Nabe sur le côté « mystique » du printemps arabe suscitant par exemple ma curiosité. A suivre !


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