Mais pourquoi tant de haine ?
"Non, il n’y a pas de culture française, il n’y pas de littérature française ou de rock français.", affirme, en ayant une claire conscience de la portée, littérale autant que symbolique, de ses propos (il avait dit le contraire il y a quelques semaines), François Bayrou, qui est peut-être l'enculé de l'année (beaucoup d'appelés à cette promotion...), mais n'en est pas le perdreau. Mitterrand admirait son ambition, c'est dire.
Pourquoi consacrer du temps à critiquer une absurdité si évidente ? Il y a à cela me semble-t-il quelques bonnes raisons :
- un peu de logique ne fait jamais de mal. Tous ces jésuites, au sens pascalien du terme, jouent sur les mots pour nous enfler. Pas besoin de ressortir les Provinciales pour leur répondre, tant la ficelle est grosse : mettre indirectement en accusation ceux qui pensent qu'il y a une et une seule culture française, qu'elle n'a jamais évolué et ne doit pas évoluer. Je ne sais pas qui peut penser ça. N'importe quel amateur, même de peu d'érudition, ce n'est pas une critique, de la culture française, n'a pas besoin de MM. Macron et Bayrou pour constater que Ronsard, Voltaire, Bloy ou Camus avaient des styles et des tempéraments pour le moins différents. Et si la France est connue comme le pays des polémiques, stériles ou non, c'est bien qu'il s'y trouve, ou s'y trouvait, de la variété ;
- un peu plus de logique encore, avec un détour personnel. J'ai démarré dans la carrière de blogueur sous l'influence de Jean-Pierre Voyer et sous l'égide de son idée d'une simplicité biblique : l'économie n'existe pas. Pour les besoins de sa démonstration, JPV avait notamment été chercher des outils conceptuels dans la philosophie analytique et la théorie des ensembles. Je le suivais plus dans le premier domaine que dans le second (les maths, bon...), et m'aperçus, j'en ai parlé régulièrement au fil du temps et encore récemment, que ce passage par Vincent Descombes et Wittgenstein ramenait, de façon qu'il m'était impossible de conjecturer d'aucune manière a priori, à saint Thomas. Et contrairement aux apparences, je suis en plein dans le sujet : car un des aspects de la question est celui de la relation entre la nature d'un ensemble et la définition ou la description des éléments de cet ensemble. Qu'il y ait une culture française, qu'il y ait une littérature française ne signifie pas et n'a pas besoin de signifier que tous les composants de cette littérature et de cette culture françaises soient estampillés « français » par un organisme officiel qui n'a par ailleurs jamais existé, comme c'est le cas dans l'agriculture bio ou la pureté raciale des Allemands (aux heures les plus sombres...) et d'autres groupes ethniques, dans le passé ou le présent ;
- Bayrou, maintenant. Si cette phrase me fait autant réagir, c'est, dans un premier temps, parce que M. Bayrou, au contraire de M. Macron, est issu de la culture et de la littérature françaises. E. Macron est une espèce de zombie lobotomisé par l'universalisme dissolvant qu'il défend, mais F. Bayrou ne représente pas le même type anthropologique, il a fait un paquet de gosses pour des raisons religieuses assez claires, il a signé et vendu (écrit ?) une biographie de Henri IV - plus français tu meurs, d'ailleurs il en est mort... -, il a été ministre de l'Éducation Nationale, avec de gros guillemets tout partout, il sait très bien de quoi il parle, il a refusé il y a peu de dire de pareilles absurdités... et il se soumet comme une bonne grosse salope de centriste ;
- dans un deuxième temps, ce que cela révèle, c'est, précisément, que les centristes peuvent être aussi des extrémistes. Quand on se tient sur une position qui n'est pas conceptuellement logique, on court le risque - cela dépend après des personnalités, et justement je ne pensais pas que F. Bayrou était une de ces personnalités-là, sans que, je vous rassure, cette petite déception ait quoi que ce soit de traumatisant - de pratiquer la fuite en avant pour éviter la confrontation raisonnée. Les socialistes, ces dernières années, en ont donné des exemples aussi frappants que regrettables, d'autant qu'ils étaient aux manettes de l'État, la pisseuse Anne Hidalgo (Paris pue la pisse, donc sa mairesse aussi, grave limpide) va malheureusement survivre politiquement quelque temps à « MoiPrésident » et illustrer, j'en tremble, ce propos. Mais l'exemple de François Bayrou montre que le centre n'est pas, en aucune manière, un juste milieu. Le juste milieu, s'il existe, on le trouve ou le découvre parce qu'on a raison. Pas en se mettant entre deux adversaires, qui peuvent avoir tort ou raison, respectivement, sur différents points : rien ne prouve qu'en faisant une sorte de moyenne théorique de leurs idées on tombera sur des idées justes. Et ce n'est pas non plus un preuve de tolérance, d'objectivité, de mesure : Valéry Giscard d'Estaing fut à de nombreux égards un dogmatique et un extrémiste ;
- dans un troisième et dernier temps, qui ne voit que nous sommes là devant quelque chose comme les deniers de Judas ? Si François Bayrou fait une telle déclaration, dont il sait évidemment qu'elle est fausse et offensante pour les électeurs dont il est censé racoler le suffrage au service de la Mère Macronnelle, s'il la fait après avoir dans un premier temps refusé de la faire, c'est parce qu'il considère, et de ce point de vue il ne peut pas avoir complètement tort, que c'est un ticket d'entrée dans la campagne électorale, que c'est là le prix à payer pour son ralliement. - C'est sa façon à lui, changeons d'Henri IV, d'aller à Canossa... Et c'est là le plus triste et le plus grave : qu'un homme politique français expérimenté estime que pour continuer sa carrière il faille insulter la population, l'histoire et la culture françaises. - Il n'y a pas si longtemps, les hommes politiques français s'écharpaient, en des termes nettement plus violents que de nos jours, sur de nombreux sujets, mais ils partageaient le même respect du passé français - dont précisément notre littérature (avec la gastronomie, j'y reviens ci-après, et plus que la musique ou la peinture) est l'emblème, littérature à laquelle ils empruntaient les saillies et les figures de style nécessaires pour s'insulter les uns les autres. Je pense même, dans la lignée des réflexions d'hier, que si F. Bayrou a insisté sur la littérature, ce qui n'avait pas été le cas d'E. Macron, qui ne doit pas avoir de rapport affectif avec elle, c'est par masochisme, le masochisme caractéristique de ceux qui savent qu'ils trahissent et se trahissent.
Autrement dit, et après je vais dîner (de la nourriture française, ce soir, cela aurait pu être différent : mais pourquoi dans le cas de la bouffe, admet-on l'existence de cultures nationales que l'on rejette par ailleurs ? Parce que personne, même pas E. Macron ou F. Bayrou, ne peut nier que si on mélange des sushis, du couscous, une blanquette de veau et du caviar d'aubergines, toutes choses par ailleurs excellentes, le résultat sera à vomir. C'est exactement la même chose pour les cultures...), on en est arrivé au stade où pour avoir une chance de se faire élire des politiciens français estiment nécessaire, dans le cas présent je pense à contrecoeur, de cracher sur l'histoire et les traditions de leurs pays. Ce n'est pas certes une révélation, mais c'en est une confirmation, d'un certain point de vue, éclatante.
Pourquoi consacrer du temps à critiquer une absurdité si évidente ? Il y a à cela me semble-t-il quelques bonnes raisons :
- un peu de logique ne fait jamais de mal. Tous ces jésuites, au sens pascalien du terme, jouent sur les mots pour nous enfler. Pas besoin de ressortir les Provinciales pour leur répondre, tant la ficelle est grosse : mettre indirectement en accusation ceux qui pensent qu'il y a une et une seule culture française, qu'elle n'a jamais évolué et ne doit pas évoluer. Je ne sais pas qui peut penser ça. N'importe quel amateur, même de peu d'érudition, ce n'est pas une critique, de la culture française, n'a pas besoin de MM. Macron et Bayrou pour constater que Ronsard, Voltaire, Bloy ou Camus avaient des styles et des tempéraments pour le moins différents. Et si la France est connue comme le pays des polémiques, stériles ou non, c'est bien qu'il s'y trouve, ou s'y trouvait, de la variété ;
- un peu plus de logique encore, avec un détour personnel. J'ai démarré dans la carrière de blogueur sous l'influence de Jean-Pierre Voyer et sous l'égide de son idée d'une simplicité biblique : l'économie n'existe pas. Pour les besoins de sa démonstration, JPV avait notamment été chercher des outils conceptuels dans la philosophie analytique et la théorie des ensembles. Je le suivais plus dans le premier domaine que dans le second (les maths, bon...), et m'aperçus, j'en ai parlé régulièrement au fil du temps et encore récemment, que ce passage par Vincent Descombes et Wittgenstein ramenait, de façon qu'il m'était impossible de conjecturer d'aucune manière a priori, à saint Thomas. Et contrairement aux apparences, je suis en plein dans le sujet : car un des aspects de la question est celui de la relation entre la nature d'un ensemble et la définition ou la description des éléments de cet ensemble. Qu'il y ait une culture française, qu'il y ait une littérature française ne signifie pas et n'a pas besoin de signifier que tous les composants de cette littérature et de cette culture françaises soient estampillés « français » par un organisme officiel qui n'a par ailleurs jamais existé, comme c'est le cas dans l'agriculture bio ou la pureté raciale des Allemands (aux heures les plus sombres...) et d'autres groupes ethniques, dans le passé ou le présent ;
- Bayrou, maintenant. Si cette phrase me fait autant réagir, c'est, dans un premier temps, parce que M. Bayrou, au contraire de M. Macron, est issu de la culture et de la littérature françaises. E. Macron est une espèce de zombie lobotomisé par l'universalisme dissolvant qu'il défend, mais F. Bayrou ne représente pas le même type anthropologique, il a fait un paquet de gosses pour des raisons religieuses assez claires, il a signé et vendu (écrit ?) une biographie de Henri IV - plus français tu meurs, d'ailleurs il en est mort... -, il a été ministre de l'Éducation Nationale, avec de gros guillemets tout partout, il sait très bien de quoi il parle, il a refusé il y a peu de dire de pareilles absurdités... et il se soumet comme une bonne grosse salope de centriste ;
- dans un deuxième temps, ce que cela révèle, c'est, précisément, que les centristes peuvent être aussi des extrémistes. Quand on se tient sur une position qui n'est pas conceptuellement logique, on court le risque - cela dépend après des personnalités, et justement je ne pensais pas que F. Bayrou était une de ces personnalités-là, sans que, je vous rassure, cette petite déception ait quoi que ce soit de traumatisant - de pratiquer la fuite en avant pour éviter la confrontation raisonnée. Les socialistes, ces dernières années, en ont donné des exemples aussi frappants que regrettables, d'autant qu'ils étaient aux manettes de l'État, la pisseuse Anne Hidalgo (Paris pue la pisse, donc sa mairesse aussi, grave limpide) va malheureusement survivre politiquement quelque temps à « MoiPrésident » et illustrer, j'en tremble, ce propos. Mais l'exemple de François Bayrou montre que le centre n'est pas, en aucune manière, un juste milieu. Le juste milieu, s'il existe, on le trouve ou le découvre parce qu'on a raison. Pas en se mettant entre deux adversaires, qui peuvent avoir tort ou raison, respectivement, sur différents points : rien ne prouve qu'en faisant une sorte de moyenne théorique de leurs idées on tombera sur des idées justes. Et ce n'est pas non plus un preuve de tolérance, d'objectivité, de mesure : Valéry Giscard d'Estaing fut à de nombreux égards un dogmatique et un extrémiste ;
- dans un troisième et dernier temps, qui ne voit que nous sommes là devant quelque chose comme les deniers de Judas ? Si François Bayrou fait une telle déclaration, dont il sait évidemment qu'elle est fausse et offensante pour les électeurs dont il est censé racoler le suffrage au service de la Mère Macronnelle, s'il la fait après avoir dans un premier temps refusé de la faire, c'est parce qu'il considère, et de ce point de vue il ne peut pas avoir complètement tort, que c'est un ticket d'entrée dans la campagne électorale, que c'est là le prix à payer pour son ralliement. - C'est sa façon à lui, changeons d'Henri IV, d'aller à Canossa... Et c'est là le plus triste et le plus grave : qu'un homme politique français expérimenté estime que pour continuer sa carrière il faille insulter la population, l'histoire et la culture françaises. - Il n'y a pas si longtemps, les hommes politiques français s'écharpaient, en des termes nettement plus violents que de nos jours, sur de nombreux sujets, mais ils partageaient le même respect du passé français - dont précisément notre littérature (avec la gastronomie, j'y reviens ci-après, et plus que la musique ou la peinture) est l'emblème, littérature à laquelle ils empruntaient les saillies et les figures de style nécessaires pour s'insulter les uns les autres. Je pense même, dans la lignée des réflexions d'hier, que si F. Bayrou a insisté sur la littérature, ce qui n'avait pas été le cas d'E. Macron, qui ne doit pas avoir de rapport affectif avec elle, c'est par masochisme, le masochisme caractéristique de ceux qui savent qu'ils trahissent et se trahissent.
Autrement dit, et après je vais dîner (de la nourriture française, ce soir, cela aurait pu être différent : mais pourquoi dans le cas de la bouffe, admet-on l'existence de cultures nationales que l'on rejette par ailleurs ? Parce que personne, même pas E. Macron ou F. Bayrou, ne peut nier que si on mélange des sushis, du couscous, une blanquette de veau et du caviar d'aubergines, toutes choses par ailleurs excellentes, le résultat sera à vomir. C'est exactement la même chose pour les cultures...), on en est arrivé au stade où pour avoir une chance de se faire élire des politiciens français estiment nécessaire, dans le cas présent je pense à contrecoeur, de cracher sur l'histoire et les traditions de leurs pays. Ce n'est pas certes une révélation, mais c'en est une confirmation, d'un certain point de vue, éclatante.
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