jeudi 8 juin 2017

Une bénédiction pour les peuples...

"Que la question fondamentale concernant l'Être soit historique, cela signifie que son fondement est déjà posé avec notre réalité-humaine historique, jusqu'ici advenue et encore à advenir. A-t-on la volonté de cette Histoire, a-t-on assez de force pour la porter et en accomplir la destinée, ce sera chaque fois dans la mesure respective de cette volonté et de cette force, que la première et ultime question de la philosophie assurera sa veille, répandant l'éclat du feu et y faisant transparaître la figure de toutes choses.

Par la traduction, le travail de la pensée se trouve transposé dans l'esprit d'une autre langue, et subit ainsi une transformation inévitable. Mais cette transformation peut devenir féconde, car elle fait apparaître en une lumière nouvelle la position fondamentale de la question ; elle fournit ainsi l'occasion de devenir soi-même plus clairvoyant et d'en discerner plus nettement les limites.

C'est pourquoi une traduction ne consiste pas simplement à faciliter la communication avec le monde d'une autre langue, mais elle est en soi un défrichement de la question posée en commun. Elle sert à la compréhension réciproque en un sens supérieur. Et chaque pas dans cette voie est une bénédiction pour les peuples."

Heidegger. A noter que dans cette traduction par le phénoménologue-islamologue Henry Corbin, c'est l'expression « réalité-humaine » qui exprime le fameux Dasein, que l'on traduit plus habituellement désormais par être-là, ou qu'on ne traduit plus du tout, tant pis pour la clairvoyance et la bénédiction des peuples. M. Beaussart a pourtant depuis longtemps prévenu des dangers de confusion mentale et psychologique autour de la notion de Dasein, de perte de sens de cette expression dans la bouillie cosmopolite qui répugnait à juste titre à Heidegger.