mardi 7 novembre 2017

"La solennité profonde du désir. La terre ne savait pas ces choses." La planète non plus. Ernest Hello :

Siméon et Anne la prophétesse attendent depuis longtemps la venue du Christ : 

"Probablement les siècles écoulés passaient sous les yeux de Siméon et d’Anne, et leurs années continuaient en ces siècles, et le désir creusait en eux des abîmes d’une profondeur inconnue, et le désir se multipliait par lui-même, et le désir actuel s’augmentait des désirs passés, et ils montaient sur la tête des siècles morts pour désirer de plus haut, et ils descendaient dans les abîmes qu’avaient autrefois creusés les désirs des anciens, pour désirer plus profondément. Peut-être leur désir prit-il à la fin des proportions qui indiquèrent que le moment était venu. Siméon vint au temple en Esprit. C’était l’Esprit qui le conduisait. La lumière intérieure guidait ses pas. 

Un frémissement, inconnu de ces deux âmes qui pourtant connaissaient tant de choses, les secouait probablement d’une secousse pacifique et profonde qui augmentait leur sérénité. 

Pendant leur attente, le vieux monde romain avait fait des prodiges d’abomination. Les ambitions s’étaient heurtées contre les ambitions. La terre s’était inclinée sous le sceptre de César Auguste. 


La terre ne s’était pas doutée que ce qui se passait d’important sur elle, c’était l’attente de ceux qui attendaient. La terre, étourdie par tous les bruits vagues et vains de ses guerres et de ses discordes ne s’était pas aperçue qu’une chose importante se faisait sur sa surface : c’était le silence de ceux qui attendaient dans la solennité profonde du désir. La terre ne savait pas ces choses ; et si c’était à recommencer, elle ne les saurait pas mieux aujourd’hui. Elle les ignorait de la même ignorance : elle les méprisait du même mépris, si on la forçait à regarder. Je dis que le silence était la chose qui se faisait à son insu, sur sa surface. C’est qu’en effet ce silence était une action. Ce n’était pas un silence négatif, qui aurait consisté dans l’absence des paroles. C’était un silence positif, actif au-dessus de toute action."