Petite improvisation à partir d'un texte de Simone Weil dans "Attente de Dieu".
"Il y a des gens qui essaient d’élever leur âme comme un homme pourrait sauter continuellement à pieds joints, dans l’espoir qu’à force de sauter tous les jours plus haut un jour il ne retombera plus, mais montera jusqu’au ciel. Ainsi occupé, il ne peut pas regarder le ciel. Nous ne pouvons pas faire même un pas vers le ciel. La direction verticale nous est interdite. Mais si nous regardons longtemps le ciel, Dieu descend et nous enlève. Il nous enlève facilement. Comme dit Eschyle : « Ce qui est divin est sans effort. » Il y a dans le salut une facilité plus difficile pour nous que tous les efforts.
Dans un conte de Grimm, il y a un concours de force entre un géant et un petit tailleur. Le géant lance une pierre si haut qu’elle met très longtemps avant de retomber. Le petit tailleur lâche un oiseau qui ne retombe pas. Ce qui n’a pas d’ailes finit toujours par retomber.
C’est parce que la volonté est impuissante à opérer le salut que la notion de morale laïque est une absurdité. Car ce qu’on nomme la morale ne fait appel qu’à la volonté, et dans ce qu’elle a pour ainsi dire de plus musculaire. La religion au contraire correspond au désir, et c’est le désir qui sauve."
Pas tout seul, il y faut la grâce, avec laquelle Simone Weil semble avoir eu des rapports complexes. Géniale oui, vierge certes, femme tout de même, me glisse mon démon. « Sérieux », comme disent mes enfants : si la virginité de S. W. a fait partie de son génie et de sa forme de sainteté, il y a chez elle une dialectique de la volonté de l’abandon et du refus de l’abandon parfois déconcertante. On critique les anciennes courtisanes qui finissent croyantes, mais au moins ont-elles depuis longtemps un savoir de l’abandon de soi-même. Quoi qu’il en soit, dans ce beau texte, ce n’est pas la mention du désir qui étonne, mais du désir seul. Le désir seul n’a jamais sauvé personne.
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