mercredi 2 mai 2018

Causes perdues.

Continuons avec Morand. L’éditeur de ses Voyages en « Bouquins » a eu la judicieuse idée d’insérer quelques réflexions générales de l’auteur, issues d’articles de journaux, en fin de volume. Ces saillies datent de 1935 et 1937 : 

"C’est du déclin de la culture cosmopolite que date la naissance de l’internationalisme.  Un cosmopolite n’aurait pas inventé la Société des Nations ; Genève lui fait horreur, autant que l’abrutissement international en série par la TSF, le freudisme, le cinéma ou la guerre : « la guerre, ample vulgarisation du voyage », pense avec dégoût le cosmopolite pour qui le voyage c’est la récompense des esprits éclairés…"

"Aujourd’hui les révolutions, de droite comme de gauche, sont quotidiennes, et le flot de leurs victimes exilées nous est une garantie sérieuse contre le dépeuplement."

"En prolongeant la vie et en la multipliant, l’Européen a obéi à un réflexe généreux, mais il a creusé son tombeau… « Celui que tu empêches de mourir t’empêche de vivre »."

Repensons à la citation d'hier, l'exportation du « système des besoins » (la société capitaliste-marchande, si vous préférez, mais ce n'est pas tout à fait la même chose) en Afrique pour rentabiliser la main-d'oeuvre nègre : vous savez que je n'ai de sympathie pour aucune forme de malthusianisme ou d'eugénisme, mais inoculer à la fois des vaccins et du matérialisme occidental aux populations africaines, n'était-ce pas quelque peu irréfléchi ? - La promotion de l'euthanasie, qui va dans un premier temps concerner les populations européennes de souche, est à la fois une conséquence logique de ce matérialisme, une continuation de cette politique par d'autres moyens (une guerre contre la vie...), et une façon de répondre au problème posé par l'immigration massive due à certaines attitudes, positives et négatives, remontant « au bon temps des colonies ». 

"La France d’aujourd’hui est le paradis des causes perdues. Avec un visa de transit de quinze jours, n’importe quel étranger un peu débrouillard pourra s’arranger pour finir ses jours à Paris. Si nos législateurs n’avaient pas perdu tout sens de l’histoire, nos lois porteraient témoignage à chaque ligne, qu’entrer chez nous est un honneur et non un droit."

"Les Internationales voyagent terriblement ; par définition, elles courent d’un bout à l’autre de la terre ; comment les administrations européennes avec leurs jambes de cent ans, avec leurs vieux poumons napoléoniens, pourraient-ils les suivre ? Ces nouveaux rois qui après tout ne sont pas bien nombreux : l’Islamisme, le Bouddhisme, la IIIe Internationale, le Pétrole, le Lloyd, le Sionisme, l’or et quelques autres."

(L’éditeur a pratiqué et signalé des coupures dans ces textes, je me suis cru autorisé à ne pas les expliciter de mon côté.)

"Dans un monde unifié, on ne peut s’exiler.", disait, je cite de mémoire, G. Debord. "On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure.", diagnostiquait Bernanos. Préserver une part de vie intérieure, ici ou ailleurs : nous en sommes là.