"On n’a de droits que sur ce qu’on est prêt à risquer."
"Grâce aux grands quotidiens, et peut-être à une certaine tournure de l’enseignement public, il n’y a plus d’indignation en France que contre des fautes qui n’en sont pas."
1938 toujours, un Français dévisage un Allemand installé en France, Montherlant enchaîne :
"On peut comprendre ce regard hostile si on se sent d’avance vaincu par ces blonds. On le comprend moins si, Français, on se sent de plein-pied avec eux, et aussi fort qu’eux : il n’y a pas d’aigreurs entre pairs. Les blonds jouent leur jeu ; jouons le nôtre ; tout cela est régulier. Avons-nous, moralement, de quoi les contre-battre (car matériellement, nous l’avons) ? Si oui, « Fais ce que dois » et qu’ensuite la Fortune décide.
« Mort pour la France. » Rectifions : mort par la France. Car, si la France est forte (et répétons qu’il lui est facile de l’être), il n’y a pas d’agression blonde. Le danger n’est pas chez les Allemands, il est en nous.
Les enchanteurs et sous-enchanteurs totalitaires empêchent les nations qui préfèrent le bonheur de devenir des nations d’incapables : il y a un minimum de virilité au-dessous duquel on ne descendra pas.
(Léger indice : des choses ont changé depuis 1938.)
L’Allemagne a été mise auprès de la France comme Xanthippe a été mise auprès de Socrate : pour lui donner l’occasion de se surmonter. Les enchanteurs et sous-enchanteurs totalitaires excitent aussi les amis de la liberté à la savourer avec plus de finesse, les amis de certaine forme de culture à se grouper pour la défendre : c’est un tout un univers moral qui se précise par contrepied. (…) Ceux qui doivent venir « comme la foudre » jouent le rôle que jouait jadis pour les chrétiens celui qui devait venir « comme un voleur » : ils vous apprennent à savoir quitter. Chaque alerte est l’occasion de ce qu’en langage militaire on appelle la reprise en main d’une troupe : « Que tout soit toujours prêt, que tout soit toujours en ordre. Prêt pour quoi ? En ordre pour quoi ? Pour être abandonné. Que tout soit toujours (selon la formule de l’Ancien) tenu pour du « perdu d’avance » : nos biens, nos possibles, les chers de notre chair, notre vie. » Et cela est bien, car tout mérite d’être risqué, les êtres et les civilisations, comme tout mérite d’être défié, et on n’a de droits que sur ce qu’on est prêt à risquer."
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