mardi 26 mars 2019

"Autant d’ignorance avec si peu d’indifférence..."

Quelques remarques sagaces de Chesterton sur la perception que beaucoup de gens ont de l’Église. Ni lui ni moi ne prétendons que l’histoire ou le présent de celle-ci sont sans tache, cela ne change rien aux constats de G. K. : 

"Ils en racontent tellement à son sujet et en même temps ils en disent si peu. Ils en voient une si grande partie et ils en voient si peu. Il y a une sorte de contradiction colossale, concevable uniquement entre différentes dimensions ou différents plans de réflexion, dans la coexistence d’un fait aussi familier avec une vérité si complètement inconnue. En réalité, il n’y a qu’une seule combinaison de mots que je connaisse, qui ait jamais vraiment exprimé de manière exacte un paradoxe humain et historique aussi énorme, et ces mots sont aussi familiers qu’insondables : « La lumière a brillé dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont point comprise. [Jean, 1, 5.] »

Une part de la difficulté est sans doute due à la manière étrange dont tant de gens sont préoccupés par l’Église catholique tout en ayant des préjugés contre elle. Il est curieux d’observer autant d’ignorance avec si peu d’indifférence. Ils aiment en parler et ils détestent en entendre parler. (…)

Ils ne seraient pas si ignorants à son sujet s’ils n’avaient pas décidé qu’elle était morte. Ils ne seraient pas si irrités à son sujet s’ils n’avaient pas découvert qu’elle était vivante."

Dans un autre texte : 

"Ce qui manque dans toutes ces choses c’est la chose évidente, c’est la question de la comparaison entre l’Église et le monde extérieur, ou opposé, ou substitué à l’Église. Et c’est un fait évident que le monde fera toujours tout ce dont il a pu accuser l’Église ; il le fera d’une manière pire et sur une échelle bien plus grande, et il le fera (ce qui est le pire et le plus important de tout) sans aucun critère de retour à la normale et sans aucune raison de se repentir. Les abus catholiques peuvent être corrigés parce que le catholicisme admet des principes régulateurs. Les péchés catholiques peuvent être expiés, parce qu’il y a un examen de conscience et un principe d’expiation. Mais où ailleurs dans le monde d’aujourd’hui peut-on trouver un examen ou un critère pareil, ou quelque chose d’autre qui ne soit pas qu’une humeur passagère ? [C’est dans ce vide que l’Islam s’engouffre, bien évidement, et il aurait tort de se priver, note de AMG.] (…)

Il n’y a pas une seule des fautes alléguées contre l’Institution catholique qui ne se retrouve bien plus flagrante, et même flamboyante, dans toutes les autres institutions. Et c’est vers ces autres institutions que sont l’État, l’école, l’appareil moderne d’impôts et les dispositifs de surveillance que les gens se tournent, pour se préserver des « superstitions » de leurs ancêtres. Voilà la contradiction, voilà l’écrasante collision, voici l’inévitable désastre intellectuel dans lequel ils sont empêtrés !"


Tout ceci écrit il y a plus de 80 ans, il y a presque un siècle…