"Un traité venait consacrer le déshonneur et l’abaissement de la France…"
Je feuillette le recueil des frères Goncourt en « Bouquins », voici l’ouverture de leur livre sur Marie-Antoinette - l’idée, non encore exprimée dans ses paragraphes, étant d’expliquer les raisons légitimes pour lesquelles la monarchie, changeant de politique, s’est tournée vers l’alliance avec l’Autriche - d’où l’union de Louis XVI avec la fille de l’Impératrice Marie-Thérèse. Vous connaissez la fin de l’histoire, voici sa mise en situation :
"Au milieu du XVIIIe siècle, la France avait perdu l’héritage de gloire et de Louis XIV, le meilleur de son sang, la moitié de son argent, l’audace même et la fortune du désespoir. Ses armées reculant de défaites en défaites, ses drapeaux en fuite, sa marine balayée, cachée dans les ports, et n’osant tenter la Méditerranée, son commerce anéanti, son cabotage ruiné, la France, épuisée et honteuse, voyait l’Angleterre lui enlever un jour Louisbourg, un jour le Sénégal, un jour Gorée, un jour Pondichéry, et le Coromandel, et Malabar, hier la Guadeloupe, aujourd’hui Saint-Domingue, demain Cayenne. La France détournait-elle ses yeux de son empire au-delà des mers, la patrie, en écoutant à ses frontières, entendait la marche des troupes prusso-anglaises. Sa jeunesse était restée sur les champs de bataille de Dettingen et de Rosbach ; ses vingt-sept vaisseaux de ligne étaient pris ; six mille de ses matelots étaient prisonniers ; et l’Angleterre, maîtresse de Belle-Isle, pouvait promener impunément l’incendie et la terreur le long de ses côtes, de Cherbourg à Toulon. Un traité venait consacrer le déshonneur et l’abaissement de la France. Le traité de Paris cédait en toute propriété au roi d’Angleterre, le Canada et Louisbourg, qui avaient coûté à la France tant d’hommes et tant d’argent, l’île du Cap-Breton, toutes les îles du golfe et du fleuve Saint-Laurent. Du banc de Terre-Neuve, le traité de Paris ne laissait à la France, pour sa pêche à la morue, que les îlots de Saint-Pierre et de Miquelon, avec une garnison qui ne pouvait pas excéder cinquante hommes. Le traité de Paris enfermait et resserrait la France dans sa possession de la Louisiane par un ligne tracée au milieu du Mississippi. Il chassait la France de ses établissements sur le Gange. Il enlevait à la France les plus riches et les plus fertiles des Antilles, la portion la plus avantageuse du Sénégal, la plus salubre de l’île de Gorée.
Il punissait l’Espagne d’avoir soutenu la France, en enlevant la Floride à l’Espagne. Mais l’Angleterre n’était point satisfaite encore de l’imposition de toutes ces conditions, qui lui donnaient presque tout le continent américain, depuis le 25e degré jusque sous le pôle. Elle voulait et obtenait une dernière humiliation de la France. Par le traité de Paris, les fortifications de Dunkerque ne pouvaient être relevées, et la ville et le port devaient rester indéfiniment sous l’oeil et la surveillance de commissaires de l’Angleterre, établis à poste fixe et payés par la France."
(Enculés d’anglo-saxons, on n’en sort pas…) La suite à l’occasion !
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