dimanche 12 avril 2020

"La communication est l'activité qui produit le monde en produisant l'aliénation du monde." Voyer encule Macron et les autres...

"La communication est l'activité qui produit le monde en produisant l'aliénation du monde. 

Le péché théorique de Marx est de confondre, en retrait de Hegel,ce qu'il appelle « processus matériel de production » et qui serait censé selon lui dominer et diriger entièrement le cours de l'existence humaine, avec le processus réel de production du monde qui est non pas production particulière et déterminée mais production du monde. Et ce processus de production du monde n'est autre que le processus infini de la communication. Le monde est le monde de la communication. La production du monde est la production de la communication par la communication. C'est en ce sens que le monde, en accord avec Hegel est ens causa sui : jusqu'à aujourd'hui l'esprit n'a jamais eu de cause qui ne soit lui-même : la soif de communication n'a d'autre cause que la soif de communication, la soif de richesse n'a d'autre cause que la soif de richesse. Le mouvement d'auto-division du monde qui est aussi bien le mouvement de la production du monde par le monde est un mouvement interne et dans le cas de l'aliénation un effondrement interne, sur soi, infini, un auto-effondrement et non pas le mouvement externe d'un objet par rapport à un sujet intangible. De ce fait il n'y a aucune limite à ce mouvement du genre de celles auxquelles pensait Marx, comme le montre parfaitement le développement le plus moderne de la marchandise. Rien ne peut empêcher la marchandise de s'auto-diviser indéfiniment, rien sinon l'anéantissement total ou l'intelligence des prolétaires. Si Marx et les situationnistes ont absolument raison sur le point de l'effondrement nécessaire de ce monde ils ont absolument tort sur celui de savoir ce qui doit mettre fin à cet effondrement. S'il est absolument nécessaire que ce monde s'effondre parce que c'est son mouvement même, il n'est absolument pas nécessaire que notre parti, le parti de la communication totale, triomphe pour autant. Et c'est ce qui fonde tous nos espoirs : nous n'avons que faire d'une victoire nécessaire. Si la victoire de notre parti est une victoire nécessaire, si la victoire de notre parti est causée par l'effondrement de ce monde, cette victoire n'est pas la victoire de notre parti mais la victoire de ce qui la rend nécessaire, la victoire de ce qui la cause. Nous rejoignons Hegel sur ce point intangible de sa doctrine : l'esprit absolu, la liberté, ne peuvent se tenir que d'eux-mêmes, ils ne sauraient admettre aucune cause, ils ne sauraient résulter d'aucune nécessité, d'aucun présupposé, ils sont la suppression de toute nécessité et de tous présupposés. Si notre parti triomphe il ne peut le devoir qu'à lui-même ou alors il n'est pas le parti de l'esprit. Rien ne peut servir de limite à l'auto-effondrement de l'esprit aliéné, rien sinon l'esprit lui-même, rien sinon l'intelligence des prolétaires. L'esprit seul peut servir de limite à l'esprit. Nulle autre chose ne le peut. Même dans le cas d'un anéantissement total de l'esprit, cet anéantissement aura été l'œuvre de l'esprit. La prétendue croissance économique n'est que l'apparence, dans la théorie dominante, de la croissance infinie, interne, de l'auto-division du monde. L'auto-division du monde est la seule chose que produit réellement le monde. Et le monde nous inflige durement la preuve de l'intériorité de cette auto-division : il n'y a nul extérieur où l'on pourrait rejeter la merde de l'esprit aliéné, il faut survivre dedans. Nous répondrons d'un seul mot aux facéties kantiennes sur la chose en soi : la chose, mais nous sommes dedans.

Nous ne saisissons pas bien l'intérêt des doléances de Debord et de Sanguinetti sur le néo-pain, la néo-viande, la néo-bière. Trente ou quarante pages du Capital sont déjà consacrées, il y a plus de cent ans de cela, à la falsification du pain et des aliments destinés aux ouvriers. Voici maintenant que cette falsification s'étend aussi aux aliments destinés aux classes moyennes, à l'air que tous respirent, à l'eau que tous boivent. Et alors ? Bien fait. Qu'en avons-nous à faire ? De quoi se plaignent Debord et Sanguinetti ? C'est la guerre. Ce paysage de désolation, ces gaz toxiques, ces radiations électro-magnétiques, c'est le champ de bataille de la guerre totale de l'esprit pratique. Si Debord et Sanguinetti cherchent à dresser le catalogue de tous les prétextes qui peuvent servir à une révolte, leur tentative est strictement dénuée d'intérêt — pour nous — et de plus vouée à l'échec, et heureusement, car s'ils pouvaient établir ce catalogue, la police le pourrait aussi. Mais le prétexte des révoltes est aussi imprévisible que le sont les révoltes elles-mêmes et c'est tant mieux car elles sont aussi imprévisibles pour la police. Si Debord et Sanguinetti veulent simplement dire que les riches fournissent eux-mêmes et de plus en plus de prétextes de révolte aux pauvres, nous le savons bien et nous en sommes fort contents. Mais la seule vraie question est que les pauvres ne s'éternisent pas à ces prétextes quand ils se révoltent — ce que préféreraient les riches — mais qu'ils en viennent tout de suite aux principes. Or nous savons bien qu'ils y viennent vite et à chaque révolte et d'autant plus que ces révoltes sont plus modernes. Et ce n'est pas le fait que les riches fournissent des masses de prétextes de révolte aux pauvres ou même qu'ils rendent presque impossible aux pauvres de ne pas se révolter qui peut garantir que ceux-ci en viennent encore plus radicalement aux principes, mais seulement leur éducation par le monde, par l'histoire, par l'aliénation de la richesse. Et le rôle de la théorie n'est pas de souligner les prétextes que les riches fournissent obligeamment aux pauvres pour se révolter, prétextes qui se signalent sinistrement et pesamment eux-mêmes, mais bien de souligner les principes que le monde lui-même met en avant. Il est bien possible qu'une question de néo-pain ou de plutonium soit le prétexte d'une révolte comme le fut l'absence de pain en 1789, de la viande pourrie en 1905. Mais si les pauvres se révoltent parce que le pain manque ou devient immangeable, ils ne se révoltent pas pour avoir du pain ou du pain mangeable mais pour pratiquer la richesse à la place des riches. Et si les riches parviennent à confiner cette révolte dans une question de pain, les pauvres auront peut-être du pain mais sûrement pas la richesse. Et il est certain que lorsque les pauvres seront riches, ils mangeront du bon pain à l'occasion. Ce sera pourtant le cadet de leurs soucis d'alors. Certes, tout va bien parce que le monde va de plus en plus mal. Mais le monde ne va pas plus mal parce que le pain, la viande, la bière, l'air et l'eau vont de plus en plus mal, parce qu'il y a de plus en plus de plutonium dans le monde soit en masses de 6 tonnes soit en quantités diffuses, mais parce que la communication va de plus en plus mal dans ce monde. Le mauvais pain et le plutonium dans des mains irresponsables ne sont que purs résultats, pures apparences inessentielles de ce qui dans le monde est essentiellement mauvais et va essentiellement de plus en plus mal : la communication, c'est-à-dire l'aliénation de la communication, le mal historique plurimillénaire. L'existence de l'humanité tant qu'elle n'est pas fondée est elle aussi inessentielle. Le plutonium inessentiel peut donc très bien occire l'humanité inessentielle. Et alors ? C'est la guerre. Qui peut se vanter à la guerre d'être certain de gagner. L'humanité peut très bien perdre la guerre qu'elle a engagée contre elle-même."

Rapport sur l’état des illusions dans notre parti, suivi de Révélations sur le principe du monde, Institut de Préhistoire contemporaine, 1979, pp. 133-137. Je rappelle que les ouvrages de Jean-Pierre Voyer sont disponibles ici : http://www.editions-anonymes.fr/


Joyeuses Pâques !