vendredi 12 avril 2019

"Son saint amour, contre tous les assauts du monde…"

Je n’avais certes pas prévu de retrouver certaines de mes obsessions actuelles - les gâchis récurrents de l’histoire de France, jusqu’à l’Apocalypse final (proche, imminent, fatal ?) ; le regard vers Dieu - dans une anthologie consacrée à la mer dans la littérature française, mais l’on sait bien qu’il est caractéristique des obsessions de se retrouver, si ce n’est partout, en tout cas là où ne les attend pas… Voici donc une page de saint François de Sales, dont j’avoue qu’elle m’a ravi (lettre à Madame de Chantal, 5 décembre 1608) :

"Je considérais l’autre jour ce que quelques auteurs disent des alcyons, petits oiselets qui pondent sur la rade de la mer. C’est qu’ils font des nids tout ronds, et si bien pressés, que l’eau de la mer ne peut nullement les pénétrer ; et seulement au-dessus il y a un petit trou par lequel ils peuvent respirer et aspirer. Là dedans ils logent leurs petits, afin que, la mer les surprenant, ils puissent nager en assurance, et flotter sur les vagues sans se remplir ni submerger ; et l’air qui se prend par le petit trou sert de contrepoids, et balance tellement ces petits pelotons et ces petites barquettes, que jamais elles ne renversent.

Ô ma fille ! que je souhaite que nos coeurs soient comme cela bien pressés, calfeutrés de toutes parts ; afin que si les tourmentes et tempêtes du monde les saisissent, elles ne les pénètrent pourtant point, et qu’il n’y ait aucune ouverture que du côté du ciel, pour aspirer et respirer à notre Sauveur ! Et ce nid, pour qui sera-t-il fait, ma chère fille ? Pour les petits poussins de celui qui l’a fait pour l’amour de Dieu, pour les affections divines et célestes. 

Mais pendant que les alcyons bâtissent leurs nids, et que leurs petits sont encore tendres pour supporter l’effort des secousses des vagues, hélas ! Dieu en a le soin, et leur est pitoyable, empêchant la mer de les enlever et saisir. Ô Dieu ! ma fille, et donc cette souveraine bonté assurera le nid de nos coeurs pour son saint amour, contre tous les assauts du monde, où il nous garantira d’être assaillis. Ah ! que j’aime ces oiseaux qui sont environnés d’eaux, et ne vivent que de l’air ; qui se cachent en mer, et ne voient que le ciel ! Ils nagent comme poissons, et chantent comme oiseaux ; ce qui plus me plaît, c’est que l’ancre est jetée du côté d’en haut, et non du côté d’en bas, pour les affermir contre les vagues. Ô ma soeur ! ma fille ! le doux Jésus veuille nous rendre tels, qu’environnés du monde et de la chair, nous vivions de l’esprit ; que, parmi les vanités de la terre, nous visions toujours au ciel ; que, vivant avec les hommes, nous le louions avec les anges ; et que l’affermissement de nos espérances soit toujours en haut et au paradis !"


Ce qui s’appelle savoir user de la métaphore… - Ce n’est par ailleurs pas saint François qui aurait soutenu que les catholiques et l’Église doivent s’adapter au monde, à son évolution, etc.blablabeurk. A demain !