mardi 22 février 2005

Pour le plaisir.

Les journalistes du Monde, à qui rien de ce qui fait l'art difficile et masochiste de s'exprimer avec un balai durablement inscrit dans le fondement n'est étranger, ont décidé de faire leur une et leur éditorial sur Dieudonné. Profitons de l'occasion pour les prendre sur le fait de l'affirmation gratuite et diffamatoire.
"Il a choisi son théâtre, celui de la Main-d'Or, dans le XIè arrondissement. Rameuté son fan-club - plus quelques figures de l'antisionisme radical, comme, à l'accueil, Ginette Skandrani, proche du négationniste tunisien Mondher Sfar." L'article ne précise pas si Dieudonné et ce M. Sfar se sont déjà rencontrés, n'évoque pas non plus précisément ce qui lie Dieudonné à Mme Skandrani. Mais dès le premier paragraphe on (Mme Ariane Chemin) nous ramène un négationniste.

L'article s'attarde ensuite sur la question de savoir si Dieudonné a parlé de la Shoah elle-même ou de sa commémoration, précise que le comique "s'abrite derrière - et détourne - le livre d'une historienne israélienne, Edith Zertal". Aucun élément ne nous est donné sur ce détournement si clairement affirmé.

Mme Chemin cite Harlem Désir - une référence morale de premier ordre, soit dit en passant -, omettant de préciser que ce dernier avait été mis en cause (ou tout au moins SOS racisme à l'époque où il en était le dirigeant, je ne me rappelle plus exactement) par Dieudonné dans ses interviews. M. Désir : "C'est aujourd'hui l'un des plus grands antisémites de France". Ce qui ne veut rien dire.

Quant à l'éditorial, "Dieudonné, assez !", il est malgré ce titre plutôt plus indulgent que l'article que je viens de citer, se contentant d'un arrêt de mort relativement platonique : "L'humoriste Dieudonné ne fait plus rire. Et ce constat vaut déjà condamnation.", d'une comparaison attendue avec Jean-Marie Le Pen, d'un appel à une justice enfin ferme - on déplore que Dieudonné, en dix-sept procès, n'ait jamais été condamné.

Il serait regrettable d'omettre de citer la dernière phrase de la présentation de couverture (dont le titre est tout un programme : "Le scandale Dieudonné et le nouvel antisémitisme"), au sujet de la pétition sur "les indigènes de la république" : "Les signataires de ce texte revendiquent une mémoire et une identité arabes et africaines, qu'ils présentent comme oubliées dans la conscience collective. Certains d'entre eux sont des militants connus de l'extrémisme propalestinien ou antisémite." Une telle précision dans les concepts et un tel sens de l'à-propos sont tout à l'honneur du "quotidien de référence" que le monde entier nous envie.

Blague à part, si j'ai pris la peine, outre de dépenser 1,20 € pour lire de tels pensums, de reproduire ces citations, qui, il faut le préciser, ne sont pas entièrement révélatrices du dossier complet que "Le Monde" consacre à ce "scandale" - un portrait de Dieudonné est plutôt chaleureux -, ce n'est pas pour le simple plaisir de dire du mal d'un journal aussi ennuyeux et bien-pensant, ni pour prendre la défense de Dieudonné, ce qui me motive moyennement et lui ferait par ailleurs une belle jambe. C'est tout simplement pour exprimer le vœu pieux que l'on fasse preuve d'un peu de précision dans les termes. Ce qui s'adresse d'ailleurs tout autant à Dieudonné lui-même, dont la vision de la traite des Noirs, pour le peu que j'en connais, me semble extrêmement sommaire. Mais ce qui est sûr, c'est que, quel que soit le sujet abordé, si l'on se contente de chercher des arrières-pensées, d'utiliser l'arme Le Pen à tort et à travers - il doit bien rire dans son coin, d'ailleurs -, de faire de la surenchère permanente, bien ou mal pensante, au lieu de se concentrer sur ce qui a été dit ou fait... eh bien on en arrive à la sinistre comédie actuelle. Tout le monde certes y trouve son compte : Dieudonné qui parfait son image de martyr (il ne cache d'ailleurs pas qu'il n'a jamais eu autant de monde à ses spectacles que depuis que la télévision ne veut plus de lui), Proche-Orient.info qui s'est fait un gros coup de publicité, et nos amis les journalistes qui peuvent presque sincèrement croire qu'ils ont quelque chose d'intéressant à dire. Concluons à la Vialatte : "Et c'est ainsi qu'Allah est grand"...

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