jeudi 17 novembre 2005

Un bon socialiste est un socialiste mort (guillotiné).

De combien de trahisons et de bas compromis devront encore se rendre coupables les dirigeants du Parti Socialiste pour que ceux qui s'estiment "de gauche" - notion que je prétendrai ici à peu près définie - les laissent définitivement tomber ?

Je n'en sais rien. On peut les imaginer encore là dans trente ans à nous promettre que la prochaine fois qu'ils seront au pouvoir ils arrangeront enfin les choses - que la fois précédente ils auront bien entendu contribué à dégrader. Il se peut aussi que leurs bastions de fonctionnaires les lâchent et que le PS ne soit plus qu'une survivance genre MRG d'ici cinq ans. S'il fallait vraiment choisir, je pencherais vers cette seconde solution, mais il est fort possible que je prenne mes désirs pour d'imminentes réalités.

Quoi qu'il en soit, en cette date voisine d'un congrès dont il ne semble guère permis d'espérer grand-chose, je voudrais commencer une série révisionniste, dans laquelle j'espère, sinon détruire, du moins fortement relativiser certains des mythes qui ancrent dans l'esprit des gens l'idée qu'"un jour peut-être, ils feront comme en 36, comme en 81..."

Aujourd'hui, le sujet qui demande le moins de recherches historiques : l'abolition de la peine de mort.

On peut être contre la peine capitale, il demeure abusif de n'y voir qu'un reste de barbarie moyenâgeuse. La peine définitive, c'est avant tout une façon de prendre au sérieux certains crimes et délits, de proclamer qu'à partir de telle limite, "on ne rigole plus". Quand on entend dire que, pour tel ou tel crime - en ce moment, les viols d'enfants -, "il faut rétablir la peine de mort", eh bien une telle sentence exprime une bonne compréhension du mécanisme de la dite peine.

Faut-il en conclure que cette sentence suprême est nécessaire au bon fonctionnement d'une société ? Je ne vois pas ce qui permet de l'affirmer. Si sa principale fonction est de l'ordre du symbolique (car on sait bien que sa capacité de dissuasion est très faible), le symbolique - comme le religieux soit dit en passant, j'y reviendrai très certainement un jour -, est quelque chose de plus souple qu'il n'y paraît. On voit d'ailleurs que l'on essaie désormais de placer cette barre symbolique du côté de la perpétuité ou des peines incompressibles, mais que cela est moins décisif - moins tranchant - que le couperet supposé, selon son inventeur, procurer tout au plus "une légère sensation de fraîcheur sur le col". Un enfant qui transgresse un interdit se fait taper sur les doigts, un adulte qui en transgresse un autre se fait raccourcir. On est libre de ne pas apprécier ce mécanisme. Il reste qu'il aurait peut-être fallu sinon mieux voir comment le remplacer, du moins s'être donné les moyens de le faire. On loue toujours F. Mitterrand d'avoir eu le courage d'annoncer lors de la campagne présidentielle de 1981, contre l'opinion publique, que s'il était élu il abolirait la peine de mort. Admettons. Sans doute néanmoins aurait-il dû aussi avoir le courage, pendant les quatorze années qui suivirent, de mettre en place une politique empêchant que l'immense majorité des détenus subissent le contre-coup au sein de "la majorité silencieuse" - et de l'administration pénitentiaire, depuis longtemps un état dans l'état, comme on dit - de la disparition de la fonction symbolique de "la veuve".

Il ne s'agit pas tant de rétablir la peine de mort, ce qui très probablement n'améliorera en rien la condition des détenus - dont je ne prétends nullement d'ailleurs qu'elle ait été d'une grande dignité jusqu'au printemps 1981. Mais on voit bien qu'une soupape de sécurité a sauté et que ce sont les détenus qui en font les frais. Mettons les choses au clair : si le choix était à faire entre une exécution de temps à autre, garantissant un traitement relativement digne (je ne me cache pas le paradoxe de cette expression, mais enfin ce n'est pas moi qui ai inventé la prison) à l'ensemble des prisonniers, et la situation actuelle, je choisirais la première solution. Et que l'on me réponde pas sur le terrain des erreurs judiciaires - dont je ne sache pas qu'elles aient diminué avec la mise au placard du rasoir national, ni qu'il soit devenu dans les faits tellement plus facile d'y remédier (évidemment, entre difficile et impossible, il y a une marge...) - ou de la barbarie - si la situation actuelle et son taux de suicides record n'est pas barbare, alors...

Le problème, je le répète, c'est que si peut-être le choix a pu se poser en ces termes il y a vingt-cinq ans, ce n'est plus le cas. Je veux bien par ailleurs que le contexte sécuritaire actuel ne repose pas que sur la disparition de la peine capitale, mais il n'est tout de même pas besoin de grandes études scientifiques et statistiques - une oreille et un cerveau suffisent - pour comprendre qu'elle participe du malaise actuel.

En guise de conclusion, je vais essayer d'être le plus clair possible. Je n'ai pas cherché à savoir si l'abolition de la peine de mort avait été une bonne mesure : la question ne se pose pas en ces termes. J'ai essayé de montrer que, n'ayant pas été accompagnée des précautions nécessaires - au moins dans les faits, sinon dans les intentions - elle a très vraisemblablement créé ou accentué plus de problèmes qu'elle n'en a réglés - à bon compte dans la conscience de certains. Je ne prétends pas que, à la fois supprimer la peine capitale, trouver une dimension symbolique adéquate pour lui servir de substitut, affronter les réflexes hostiles de l'opinion publique et de l'administration pénitentiaire, constitue une tâche aisée. Je sais aussi, dois-je le préciser, qu'il est toujours plus facile de juger avec le recul.

Mais il m'importait de montrer que l'on ne peut se contenter de citer "l'abolition de la peine de mort" comme un haut faits d'armes participant de la légende socialiste, sans autres commentaires qu'élogieux. Et c'est ce que j'espère avoir fait.

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