Baudelaire anthropologue.
"Le sacrifice et le vœu sont les formules suprêmes et les symboles de l'échange."
Par ailleurs, ce commentaire de Pierre Pachet :
"[La politique de Baudelaire] vise non pas à conserver, mais à conduire l'état social à un point de tension et de rupture, en évitant la rupture effective grâce à laquelle s'édifieraient en un mouvement oscillatoire, de nouvelles et plus féroces tyrannies ("les gouvernants seront forcés, pour se maintenir et pour créer un fantôme d'ordre, de recourir à des moyens qui feraient frissonner notre humanité actuelle, pourtant si endurcie". Nietzsche a traduit ce texte, en marquant sa désapprobation du "si endurcie")." (Le premier venu. Essai sur la politique baudelairienne, Les lettres nouvelles, 1976, pp. 165-66.)
Pour cela Baudelaire effectue des variations sur la peine de mort (cf. notamment "Une mort héroïque" dans Le spleen de Paris) en s'acharnant à déjouer aussi bien l'antique mise à mort sacrificielle que le pathos civilisateur, sur lequel il ne se fait pas d'illusions ("Il y a, dans nos races jacassières, des individus qui accepteraient avec moins de répugnance le supplice suprême, s'il leur était permis de faire du haut de l'échafaud une copieuse harangue, sans craindre que les tambours de Santerre leur coupassent intempestivement la parole." - cité par P. Pachet, p. 163). Quand le bouffon Fancioulle, dans "Une mort héroïque", condamné à mort, tient la foule sous la domination de son talent d'acteur, on touche à l'instable et profonde perversion du système baudelairien, ainsi que l'explique P. Pachet :
"En définitive, la foule se trouve sauvée parce que paradoxalement elle est "damnée" en un certain sens du mot ; au lieu d'avoir une foule rassurée dans sa bonne conscience par l'anathème jeté sur un condamné (foule sauvée selon la légalité [ou par le système antique de la victime émissaire]), on aura une foule exclue (...) du domaine paradisiaque où se meut pour un instant et pour toujours le condamné, une foule rejetée dans le domaine de Satan, et par là sauvée spirituellement (selon la légitimité)." car sans illusions.
Soit l'illusion, soit l'amertume.
Mentionnons, sans connaître la teneur exacte des objections de Nietzsche, que "l'endurcissement" de "l'humanité actuelle" est une réalité qui se manifeste par son indifférence au malheur (les grandes proclamations n'y changeant évidemment rien). Que par ailleurs l'humanité soit en même temps plus douillette n'a rien de contradictoire, au contraire. On n'insistera pas sur la véracité prophétique du propos de Baudelaire.
D'une façon générale, il est de plus en plus frappant de constater à quel point la période qui va du Second Empire à la Belle Epoque nous semble plus proche intellectuellement que les années 30. Il est vrai que si ladite période fut animée d'une énorme et féconde tension, les années 30 eurent tout, à la fois, d'un cauchemar et d'une hallucination.
Par ailleurs, ce commentaire de Pierre Pachet :
"[La politique de Baudelaire] vise non pas à conserver, mais à conduire l'état social à un point de tension et de rupture, en évitant la rupture effective grâce à laquelle s'édifieraient en un mouvement oscillatoire, de nouvelles et plus féroces tyrannies ("les gouvernants seront forcés, pour se maintenir et pour créer un fantôme d'ordre, de recourir à des moyens qui feraient frissonner notre humanité actuelle, pourtant si endurcie". Nietzsche a traduit ce texte, en marquant sa désapprobation du "si endurcie")." (Le premier venu. Essai sur la politique baudelairienne, Les lettres nouvelles, 1976, pp. 165-66.)
Pour cela Baudelaire effectue des variations sur la peine de mort (cf. notamment "Une mort héroïque" dans Le spleen de Paris) en s'acharnant à déjouer aussi bien l'antique mise à mort sacrificielle que le pathos civilisateur, sur lequel il ne se fait pas d'illusions ("Il y a, dans nos races jacassières, des individus qui accepteraient avec moins de répugnance le supplice suprême, s'il leur était permis de faire du haut de l'échafaud une copieuse harangue, sans craindre que les tambours de Santerre leur coupassent intempestivement la parole." - cité par P. Pachet, p. 163). Quand le bouffon Fancioulle, dans "Une mort héroïque", condamné à mort, tient la foule sous la domination de son talent d'acteur, on touche à l'instable et profonde perversion du système baudelairien, ainsi que l'explique P. Pachet :
"En définitive, la foule se trouve sauvée parce que paradoxalement elle est "damnée" en un certain sens du mot ; au lieu d'avoir une foule rassurée dans sa bonne conscience par l'anathème jeté sur un condamné (foule sauvée selon la légalité [ou par le système antique de la victime émissaire]), on aura une foule exclue (...) du domaine paradisiaque où se meut pour un instant et pour toujours le condamné, une foule rejetée dans le domaine de Satan, et par là sauvée spirituellement (selon la légitimité)." car sans illusions.
Soit l'illusion, soit l'amertume.
Mentionnons, sans connaître la teneur exacte des objections de Nietzsche, que "l'endurcissement" de "l'humanité actuelle" est une réalité qui se manifeste par son indifférence au malheur (les grandes proclamations n'y changeant évidemment rien). Que par ailleurs l'humanité soit en même temps plus douillette n'a rien de contradictoire, au contraire. On n'insistera pas sur la véracité prophétique du propos de Baudelaire.
D'une façon générale, il est de plus en plus frappant de constater à quel point la période qui va du Second Empire à la Belle Epoque nous semble plus proche intellectuellement que les années 30. Il est vrai que si ladite période fut animée d'une énorme et féconde tension, les années 30 eurent tout, à la fois, d'un cauchemar et d'une hallucination.
Libellés : Baudelaire, Girard, Mauss, Nietzsche, Pachet
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