Chainon manquant.
Certes ce n'est là que de l'histoire des idées, certes il ne s'agit que d'un lien factuel et non d'un lien logique, certes il s'agit du premier Wittgenstein et pas du deuxième, mais il reste intéressant de découvrir, dans L'homme total (B. Karsenti, PUF, 1997, p. 201), que Marcel Mauss fut intéressé (cf. tome III des Oeuvres, [1925], pp. 258-62) par un livre intitulé The meaning of meaning. A study of the influence of language upon thought and the science of symbolism, ouvrage collectif publié sous la direction de MM. I. A. Richards et C.K. Ogden, dont la contribution, nous dit B. Karsenti, se réfère abondamment à Peirce et Wittgenstein - et pour cause, puisque cet Ogden fut dès 1922 le traducteur en anglais du Tractatus. Voici ce qu'écrit B. Karsenti :
"L'ethnologie (...) requiert (...) une théorie du sens au plan même du langage et de ses structures propres. C'est donc bien au confluent de ces démarches plurielles que prend forme l'impératif d'une science du symbolisme - science nouvelle que Ogden et Richards entreprennent de fonder d'un point de vue rigoureusement logique en lui fixant ses règles formelles et ses principes canoniques.
Ce qu'on retiendra principalement de cette construction logique, c'est qu'elle repose sur une acception tout à fait déterminée du signe. Comme l'affirment les auteurs, il n'y a pas de sens du signe à part du contexte spécifique dans lequel il se manifeste. Ce qui est mis en question pour avoir été jusqu'ici la cause de la méconnaissance du symbolisme, c'est le présupposé commun du "caractère unique de la relation entre l'esprit et son objet". En éclairant au contraire la diversité des sign situations ["envisager tout signe à l'intérieur d'un système de règles d'interprétation propre à une situation déterminée"], et la pluralité des liens par lesquels le signe peut se rapporter à son référent - pluralité attestée aussi bien dans le domaine de la psychologie que dans celui de la sociologie - Ogden et Richards affirment que la constitution du sens est déterminée par la dimension contextuelle du signe, dimension qui oblige toute analyse à revêtir un caractère résolument interprétatif. C'est dans cette perspective que le symbolisme trouve sa véritable définition, en même temps qu'il s'affirme comme niveau de réalité logique et linguistique absolument fondamental : il n'est rien d'autre que la constitution dynamique de ce contexte même, le processus mental de détermination rationnelle du sens du signe. En lui se résout littéralement la question du sens du sens, de the meaning of meaning." (pp. 202-203)
B. Karsenti retranscrit ce passage du commentaire de Mauss :
"C'est un signe des temps que le logicien et le logisticien qu'est M. Richards ait trouvé qu'entre les façons diverses d'étudier les symboles les meilleures étaient encore les psychologiques et les sociologiques. Il est très remarquable que tous deux [Ogden et Richards] s'accordent pour dire qu'il n'y a pas de "sens des signes" à part de leur "contexte", de leur situation dans un ensemble de symboles. Et que tout signe, même un mot séparé, suppose un "processus mental", un symbole, un chose à laquelle on pense et - ils l'ajoutent de temps en temps - "un auditeur". A notre avis, il faudrait toujours ajouter ce quatrième élément. Car même quand c'est à l'auditeur interne, quand c'est à nous-même que nous parlons, c'est l'auditeur qui est le "signe" de la présence de la société et qui comprend et qui, comprenant, "garantit" la "valeur", le sens du signe." (pp. 203-204)
Les lecteurs des Institutions du sens sont en pays de connaissance.
On me pardonnera de ne pas définir ici la notion de symbolisme, qui occupe l'essentiel de l'ouvrage de B. Karsenti : la cohérence - ou l'incohérence - de cette notion nécessiterait de longs développements. Mentionnons que G.G. Granger (traducteur également - en français - du Tractatus) a, selon B. Karsenti, consacré quelques lignes nuancées à l'influence de Peirce sur Ogden et Richards dans son Essai d'une philosophie du style (O. Jacob, 1988, p. 114), et qu'il est l'auteur par ailleurs d'un livre certainement intéressant intitulé Pensée formelle et sciences de l'homme (Aubier, 1960). Ajoutons que le livre de B. Karsenti est chroniqué notamment ici et utilisé par F. Keck dans un article se trouvant à cette adresse : http://ciepfc.rhapsodyk.net/article.php3?id_article=59, article consacré à Sartre, Lévi-Strauss, Descombes - que je ne parviens à pas ouvrir...
...et changeons de sujet : achetez Libé ! Non pour sauver ce qui ne peut plus l'être depuis longtemps (et qui a pris, à l'occasion de la mort de M. Papon, des acccents de Je suis partout dans la dénonciation courageuse par les "libénautes", depuis leur salon, d'un homme décédé), mais parce que le plus grand critique de cinéma actuel, celui qui peut-être aurait pu préserver S. Daney de certaines dérives pro-Festivus, à savoir Louis Skorecki, va quitter le journal d'ici moins de deux mois maintenant, et que si toutes ces chroniques ne sont pas d'un niveau égal, l'auteur de l'immortel article "Contre la nouvelle cinéphilie", sait au moins ce qui vit dans le cinéma, et parvient parfois à le faire sentir au lecteur. Ses dernières chroniques vaudront sans doute le déplacement.
A la vôtre !
"L'ethnologie (...) requiert (...) une théorie du sens au plan même du langage et de ses structures propres. C'est donc bien au confluent de ces démarches plurielles que prend forme l'impératif d'une science du symbolisme - science nouvelle que Ogden et Richards entreprennent de fonder d'un point de vue rigoureusement logique en lui fixant ses règles formelles et ses principes canoniques.
Ce qu'on retiendra principalement de cette construction logique, c'est qu'elle repose sur une acception tout à fait déterminée du signe. Comme l'affirment les auteurs, il n'y a pas de sens du signe à part du contexte spécifique dans lequel il se manifeste. Ce qui est mis en question pour avoir été jusqu'ici la cause de la méconnaissance du symbolisme, c'est le présupposé commun du "caractère unique de la relation entre l'esprit et son objet". En éclairant au contraire la diversité des sign situations ["envisager tout signe à l'intérieur d'un système de règles d'interprétation propre à une situation déterminée"], et la pluralité des liens par lesquels le signe peut se rapporter à son référent - pluralité attestée aussi bien dans le domaine de la psychologie que dans celui de la sociologie - Ogden et Richards affirment que la constitution du sens est déterminée par la dimension contextuelle du signe, dimension qui oblige toute analyse à revêtir un caractère résolument interprétatif. C'est dans cette perspective que le symbolisme trouve sa véritable définition, en même temps qu'il s'affirme comme niveau de réalité logique et linguistique absolument fondamental : il n'est rien d'autre que la constitution dynamique de ce contexte même, le processus mental de détermination rationnelle du sens du signe. En lui se résout littéralement la question du sens du sens, de the meaning of meaning." (pp. 202-203)
B. Karsenti retranscrit ce passage du commentaire de Mauss :
"C'est un signe des temps que le logicien et le logisticien qu'est M. Richards ait trouvé qu'entre les façons diverses d'étudier les symboles les meilleures étaient encore les psychologiques et les sociologiques. Il est très remarquable que tous deux [Ogden et Richards] s'accordent pour dire qu'il n'y a pas de "sens des signes" à part de leur "contexte", de leur situation dans un ensemble de symboles. Et que tout signe, même un mot séparé, suppose un "processus mental", un symbole, un chose à laquelle on pense et - ils l'ajoutent de temps en temps - "un auditeur". A notre avis, il faudrait toujours ajouter ce quatrième élément. Car même quand c'est à l'auditeur interne, quand c'est à nous-même que nous parlons, c'est l'auditeur qui est le "signe" de la présence de la société et qui comprend et qui, comprenant, "garantit" la "valeur", le sens du signe." (pp. 203-204)
Les lecteurs des Institutions du sens sont en pays de connaissance.
On me pardonnera de ne pas définir ici la notion de symbolisme, qui occupe l'essentiel de l'ouvrage de B. Karsenti : la cohérence - ou l'incohérence - de cette notion nécessiterait de longs développements. Mentionnons que G.G. Granger (traducteur également - en français - du Tractatus) a, selon B. Karsenti, consacré quelques lignes nuancées à l'influence de Peirce sur Ogden et Richards dans son Essai d'une philosophie du style (O. Jacob, 1988, p. 114), et qu'il est l'auteur par ailleurs d'un livre certainement intéressant intitulé Pensée formelle et sciences de l'homme (Aubier, 1960). Ajoutons que le livre de B. Karsenti est chroniqué notamment ici et utilisé par F. Keck dans un article se trouvant à cette adresse : http://ciepfc.rhapsodyk.net/article.php3?id_article=59, article consacré à Sartre, Lévi-Strauss, Descombes - que je ne parviens à pas ouvrir...
...et changeons de sujet : achetez Libé ! Non pour sauver ce qui ne peut plus l'être depuis longtemps (et qui a pris, à l'occasion de la mort de M. Papon, des acccents de Je suis partout dans la dénonciation courageuse par les "libénautes", depuis leur salon, d'un homme décédé), mais parce que le plus grand critique de cinéma actuel, celui qui peut-être aurait pu préserver S. Daney de certaines dérives pro-Festivus, à savoir Louis Skorecki, va quitter le journal d'ici moins de deux mois maintenant, et que si toutes ces chroniques ne sont pas d'un niveau égal, l'auteur de l'immortel article "Contre la nouvelle cinéphilie", sait au moins ce qui vit dans le cinéma, et parvient parfois à le faire sentir au lecteur. Ses dernières chroniques vaudront sans doute le déplacement.
A la vôtre !
Libellés : Daney, Descombes, Granger, Karsenti, Libération, Mauss, Ogden, Papon, Peirce, Richards, Skorecki, Wittgenstein
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