Métaphores.
(Quelques inflexions girardiennes rajoutées le lendemain.)
Ajout le 3 mars.
Est-elle particulière à notre époque, cette faculté à rendre détestable et écoeurant ce qui est à l'origine de simple bon sens ? Maurice Papon était ce qu'il était, il n'y a pas vraiment de quoi être fier d'avoir été son compatriote, mais perdre du temps à aller cracher sur sa tombe et à faire tout un plat de ce qu'il soit enterré avec sa légion d'honneur... C'est symbolique dira-t-on - oui, c'est ce que l'on dit pour justifier les combats les moins dangereux et les plus inutiles, pour justifier son rôle de parasite lâche et mesquin, pour justifier que l'on combatte un passé qui n'est plus dangereux (un mort, rappelons-le) sans consacrer le peu que l'on a d'énergie, soit à des luttes plus fécondes, soit (l'alternative n'est pas exclusive), tout simplement, à vivre mieux.
Cette "polémique" - terme consacré pour donner une apparence de dangerosité à ce genre de débats insignifiants et policés - apparaît d'autant plus dérisoire lorsque l'on apprend, sous la plume de Balzac (Un début dans la vie, "Pléiade" 1976 t. 1, pp. 778 et 1480), que dans le temps - et ici nous sommes près de la création de la Légion d'honneur - le bon peuple de France , qui savait distinguer les symboles importants des hochets pour vaniteux, appelait les décorations, et notamment les plus élevées, des crachats. Tout dignitaire important se trouvait donc de facto "couvert de crachats" simplement parce qu'il acceptait ces breloques - il s'humiliait lui-même, il n'y avait plus qu'à se moquer de lui - si encore l'on y tenait. Satie restait dans cet état d'esprit d'impertinence relativement sereine, lorsqu'il se moquait du refus de Ravel de recevoir la légion d'honneur : "Il n'avait qu' à ne pas la mériter". L'excitation sur la décoration de Maurice Papon relève au contraire d'une fascination et d'une envie non avouées et d'autant plus haineuses - pas contradictoires, bien entendu, avec le fait de critiquer le principe même de la légion d'honneur. Un peu comme celles et ceux qui veulent pouvoir à la fois se gausser de l'institution du mariage et se scandaliser qu'elle ne soit pas ouverte aux couples gays.
Bref, dans le cas de Papon, on crache sur des crachats, on glaviote sur les glaviots, c'est meilleur pour la conscience que pour l'hygiène morale - et l'on finit par, paradoxalement, par contraste avec son active petitesse, faire ressortir la banale mais réelle humanité de ce qui n'est, en tout et pour tout, qu'un cadavre comme un autre.
Tant que l'on y est dans le politique, le psychologique, l'organique... Etre enculé ou être materné, telle serait l'alternative - non exclusive là aussi, puisque si ces deux passivités ne s'impliquent pas l'une l'autre, elles se complètent agréablement.
Aux abris !
(Ajout le 3 mars.)
Merci Baudelaire :
"Consentir à être décoré, c'est reconnaître à l'Etat ou au prince le droit de vous juger, de vous illustrer, etc."
"Il y a de certaines femmes qui ressemblent au ruban de la Légion d'honneur. On n'en veut plus parce qu'elles se sont salies à certains hommes."
Fin de partie.
Ajout le 3 mars.
Est-elle particulière à notre époque, cette faculté à rendre détestable et écoeurant ce qui est à l'origine de simple bon sens ? Maurice Papon était ce qu'il était, il n'y a pas vraiment de quoi être fier d'avoir été son compatriote, mais perdre du temps à aller cracher sur sa tombe et à faire tout un plat de ce qu'il soit enterré avec sa légion d'honneur... C'est symbolique dira-t-on - oui, c'est ce que l'on dit pour justifier les combats les moins dangereux et les plus inutiles, pour justifier son rôle de parasite lâche et mesquin, pour justifier que l'on combatte un passé qui n'est plus dangereux (un mort, rappelons-le) sans consacrer le peu que l'on a d'énergie, soit à des luttes plus fécondes, soit (l'alternative n'est pas exclusive), tout simplement, à vivre mieux.
Cette "polémique" - terme consacré pour donner une apparence de dangerosité à ce genre de débats insignifiants et policés - apparaît d'autant plus dérisoire lorsque l'on apprend, sous la plume de Balzac (Un début dans la vie, "Pléiade" 1976 t. 1, pp. 778 et 1480), que dans le temps - et ici nous sommes près de la création de la Légion d'honneur - le bon peuple de France , qui savait distinguer les symboles importants des hochets pour vaniteux, appelait les décorations, et notamment les plus élevées, des crachats. Tout dignitaire important se trouvait donc de facto "couvert de crachats" simplement parce qu'il acceptait ces breloques - il s'humiliait lui-même, il n'y avait plus qu'à se moquer de lui - si encore l'on y tenait. Satie restait dans cet état d'esprit d'impertinence relativement sereine, lorsqu'il se moquait du refus de Ravel de recevoir la légion d'honneur : "Il n'avait qu' à ne pas la mériter". L'excitation sur la décoration de Maurice Papon relève au contraire d'une fascination et d'une envie non avouées et d'autant plus haineuses - pas contradictoires, bien entendu, avec le fait de critiquer le principe même de la légion d'honneur. Un peu comme celles et ceux qui veulent pouvoir à la fois se gausser de l'institution du mariage et se scandaliser qu'elle ne soit pas ouverte aux couples gays.
Bref, dans le cas de Papon, on crache sur des crachats, on glaviote sur les glaviots, c'est meilleur pour la conscience que pour l'hygiène morale - et l'on finit par, paradoxalement, par contraste avec son active petitesse, faire ressortir la banale mais réelle humanité de ce qui n'est, en tout et pour tout, qu'un cadavre comme un autre.
Tant que l'on y est dans le politique, le psychologique, l'organique... Etre enculé ou être materné, telle serait l'alternative - non exclusive là aussi, puisque si ces deux passivités ne s'impliquent pas l'une l'autre, elles se complètent agréablement.
Aux abris !
(Ajout le 3 mars.)
Merci Baudelaire :
"Consentir à être décoré, c'est reconnaître à l'Etat ou au prince le droit de vous juger, de vous illustrer, etc."
"Il y a de certaines femmes qui ressemblent au ruban de la Légion d'honneur. On n'en veut plus parce qu'elles se sont salies à certains hommes."
Fin de partie.
Libellés : Balzac, Baudelaire, Bunuel, Festivus, Girard, Papon, psychologie, Ravel, Royal, Sarkozy, Satie
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