"La détestable humanité..." - "C'était mieux jamais."
" - Il est impossible de méditer sur l'histoire sans éprouver envers elle une sorte d'horreur. Mon horreur s'est convertie en théologie, au point de m'amener à croire qu'on ne peut concevoir l'histoire humaine sans le péché originel.
- Pourquoi utilisez-vous fréquemment les allégories chrétiennes pour expliquer l'histoire ?
- Je ne suis pas croyant, mais je suis forcé d'admettre l'existence du péché originel en tant qu'idée, parce que celui qui l'a eue a mis dans le mille. L'histoire de l'homme a commencé par une chute. Je ne peux cependant admettre qu'avant existait un paradis ; je crois plutôt que quelque chose a craqué quand l'homme a commencé à se manifester, que quelque chose s'est brisé en lui, peut-être quand il est devenu l'homme proprement dit. (...)
En réalité, l'histoire universelle n'est qu'une répétition de catastrophes, en attendant la catastrophe définitive, et de ce point de vue, la vision chrétienne de l'histoire s'avère très intéressante, car Satan tient le rôle de maître du monde, et le Christ celui de quelqu'un qui n'aura aucune influence avant le jugement dernier. Le Christ sera tout-puissant, mais seulement à la fin. C'est là une idée profonde, une vision de l'histoire presque acceptable dans l'actualité."
(Cioran, Entretiens, Gallimard, 1995, pp. 125-27. Propos tenus en 1983.)
Libellés : Apocalypse, Cioran, Muray
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