jeudi 11 octobre 2007

Décomplexés ! (Rien de nouveau sous le soleil "réaliste".)

"La plus dégoûtante création du monde moderne - l'homme réaliste, - c'est-à-dire la créature singulière, jadis si rare, en qui nous voyons rassemblés les vices de l'aventurier, la prudence et l'avarice du bourgeois, le cynisme et l'hypocrisie, n'appartient ni à la vieillesse ni à l'enfance. Ce que vous attendez de lui, à votre insu peut-être, c'est la profanation effrontée des valeurs surhumaines de la vie. Le réaliste rabaisse la vie, pour vous épargner la peine de la surmonter. Il ne suffit plus que de vous laisser tomber dans la vie, les pieds joints. Le rôle qu'assume auprès de vous l'homme pratique, positif, est exactement celui de l'adolescent trop précoce - si précoce qu'il n'arrêtera plus de pourrir - auprès de jeunes compagnons à qui, dans un coin sombre, il apprend ce que c'est que l'amour - rien que ça, mon vieux, avec les gestes. Le monde est aux mais douteuses de ces aigres potaches."


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Puisque Bernanos (Nous autres Français, VI) rend quelque peu prosaïque, par l'exemple choisi, sa magnifique tirade sur "l'homme réaliste", il nous est permis semble-t-il de rester, pour aujourd'hui, dans cette voie fort peu surhumaine. Aussi compléterons-nous cette première citation par celle-ci :

"L'Affaire Dreyfus et le ralliement ont sauvé les puissances d'argent. Elles les ont même sauvées deux fois. D'abord en replaçant le monde ouvrier sous le joug de la bourgeoisie radicale, au nom de la Défense Républicaine. Mais plus encore peut-être en permettant à une poignée d'intellectuels de dériver le mouvement social chrétien vers la nationalisme. A l'idée de la restauration nationale et sociale, au nom de la justice, s'est substitué une fois de plus le cruel mythe, le mythe stérile de la défense nationale et sociale. Les ambitieuses prétentions du Nationalisme n'ont abouti qu'à cette pauvreté : l'Union des Honnêtes Gens, masque habituel, habituel truchement de l'Union des Gens d'Affaires. Ainsi devons-nous accepter aujourd'hui, sans vomir, l'ignoble parodie de la mise en accusation des ouvriers français, auxquels on prétend imposer, au nom de la Patrie, le sacrifice de réformes sociales sur la légitimité desquelles tout le monde est d'accord, lorsque depuis tant d'années les plus modestes bourgeois se vantent entre eux de jouer contre le franc ou de truquer leurs feuilles d'impôts." (Scandale de la vérité),

celles-ci :

"Les petits mufles de la nouvelle génération réaliste auront beau m'éclater de rire au nez. Je ne leur en veux pas, comme disait Péguy, de « jouer le temporel ». Mais ils jouent le temporel et le spirituel à la fois, c'est ce qui me dégoûte : « Jouer le temporel avec les puissants de ce monde, et en même temps faire appel à la mystique et l'argent des pauvres gens. » Non !" (Ibid.),

"On vous dira que la Bourgeoisie parle la voix du devoir, et que l'ouvrier français refuse obstinément d'écouter ce grave langage. Je réponds, moi, que son langage est double, qu'elle a toujours parlé ensemble le langage du devoir et des affaires." (Nous autres Français, IV),

"La politique réaliste offre aux malheureux ce scandale permanent de l'exploitation savante, éhontée, de toutes les formes du mensonge, par les élites. Non seulement nous avons permis que le pauvre fût dépouillé de son honneur personnel, nous n'avons même pas su exiger qu'on lui laissât du moins l'usage d'un honneur collectif." (Ibid., VI),

et pour finir :

"Le plus puissant recours que le Fort ait contre le Faible n'est pas de le contraindre, c'est de le faire douter de son droit." (V).


Bonne bourre !

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