"...sans doute dans un autre charnier pire."
A part quelques lignes citées dans un ouvrage d’histoire, je n’ai jamais lu Léon Daudet. Le début de son Stupide XIXe siècle m’incite à combler cette lacune :
"Né dans le dernier tiers du dix-neuvième siècle et mêlé, par la célébrité paternelle, à l’erreur triomphante de ses tendances politiques, scientifiques et littéraires, j’ai longuement participé à cette erreur, jusqu’environ ma vingtième année. Alors, sous diverses influences, notamment sous le choc des scandales retentissants du régime, puis de la grande affaire juive, et des réflexions qui s’ensuivirent, le voile pour moi se déchira. Je reconnus que les idées courantes de nos milieux étaient meurtrières, qu’elles devaient mener une nation à l’affaissement et à la mort, et que baptisées dans le charnier des guerres du premier Empire, elles mourraient sans doute dans un autre charnier pire. Les quelques exposés qui vont suivre sont ainsi plus une constatation qu’une démonstration. On en excusera la forme volontairement âpre, rude et sans ménagement. Ce qui a fait la force détestable de l’esprit révolutionnaire, et sa suprématie, depuis centre trente ans, c’est la faiblesse de l’esprit réactionnaire, rabougri, dévié et affadi en libéralisme. Les abrutis, souvent grandiloquents et quelquefois du plus beau talent oratoire et littéraire, allant jusqu’au génie verbal (cas de Victor Hugo par exemple), qui menaient l’assaut contre le bon sens et la vérité religieuse et politique, ne ménageaient, eux, rien ni personne. Ils se ruaient à l’insanité avec une sorte d’allégresse et de défi, entraînant derrière eux ces stagnants, qui ont peur des mots et de leur ombre, peur de leurs contradicteurs, peur d’eux-mêmes. Ils appelaient à la rescousse la foule anonyme et ignorante, qu’il ne faut pas confondre avec le peuple, et qui n’a été, au cours de l’histoire, que la lie irritée de la nation. Il n’est rien de plus sage, ni de plus raisonnable, que le peuple français dans ses familles, ses besoins, son labeur et ses remarques proverbiales. Il n’est rien de plus délirant que cette plèbe comiciale, infestée d’étrangers, errante et vagulaire, mal définie, qui va des assaillants de la Bastille aux politiciens républicains de la dernière fournée. Conglomérat baroque et terrible (baroque en ses éléments, terrible en ses résultats), qui mêle et juxtapose le juriste sans entrailles et borné, au médicastre de chef-lieu, au ploutocrate de carrefour, au souteneur mal repenti, à la fille publique travestie en monsieur. Jamais, même au temps d’Aristophane ou de Juvénal, jamais pareille matière ne s’était offerte au satirique, avec une semblable profusion, un tel foisonnement d’ignares, de tâtonnants, d’infatués, de foireux et de fols. Nous verrons les noms à mesure, car je n’ai nulle intention de les celer."
Quelques facteurs personnels contribuent à me donner un sentiment d’identification à l’auteur de ces lignes, mais c’est surtout leur profonde actualité qui me frappe. Il ne manquerait plus qu’ « une grande affaire musulmane », c’est-à-dire une affaire Dreyfus concernant un musulman (Benzema, c’est un peu court, jeune homme…), pour finir de donner le sentiment que ces lignes pourraient être écrites en 2018 plutôt qu’après la Grande guerre. Quant aux « tâtonnants, infatués, foireux et fols », je ne vais pas citer de noms pour l’heure, nous avons tous nos têtes - d’autant que L. Daudet va bientôt, j’essaie de vous recopier ça sous peu, aborder sa méthodologie de l’attaque ad hominem, et que cela peut être instructif pour moi comme pour d’autres.
A bientôt et mort aux cons !
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