mercredi 11 juillet 2018

"La langue qui nous a constitués."

J’ai très peu lu Richard Millet. Peut-être ai-je tort, mais je ne corrigerai pas tout de suite cette éventuelle lacune : je papillonne assez comme cela d’auteur en auteur et de livre en livre, un peu pour apporter quelque variété dans mes citations quotidiennes, beaucoup par enthousiasme et tempérament… Quoi qu’il en soit, j’ai été sensible à ces extraits, lesquels proviennent eux aussi du livre de Muriel de Renvergé : 

"Il est singulier d’écrire dans une époque barbare. Il l’est bien davantage de considérer l’enténèbrement du monde qui résulte non seulement de l’obsolescence des formes littéraires mais de la mort de la langue qui nous a constitués."

Écrire en français, c’est de plus en plus écrire dans une langue qui semble vouée à devenir une langue morte… A ce sentiment nauséeux et quelque peu suicidaire s’ajoute ce paradoxe que c’est en partie parce qu’il a arrêté de s’appuyer sur ces langues mortes que sont le grec, et surtout le latin, qui l’a tellement constitué, que le français dépérit et risque de les rejoindre au cimetière. 

"Plus encore que les arts du visible, qui subissent la coupe réglée de l’Art contemporain ou du cinéma formaté, ou que la musique savante, menacée de régressions néoacadémiques, la littérature porte témoignage de l’excès du mal, du mal comme excès, et de l’excès en tant qu’il est la condition d’une chance : celle d’échapper à la pesanteur morale et culpabilisatrice du social. Le mal comme chance de la littérature ?"

Cela fait un certain temps que je l’ai remarqué à part moi : seul un art solitaire comme la littérature, qui au moins au moment de la conception ne subit pas le diktat des institutions financières (essayez de faire un film avec des musulmans du quotidien ou des militants LGBT tels qu’en eux-mêmes le dogmatisme stupide et féroce les constitue, vous aurez du mal à avoir un visa du CNC…), peut évoquer le réel, notre réel, cette souffrance mélancolique qui est d'une certaine manière le dernier lien entre nous. Et pour un Français, vue l’importance de la littérature dans notre identité, on a l’impression d’un possible retour au sources. Mais cela n'est pas un donné : 

"Quelques solitaires se dressent contre cette doxa de la non-valeur en soi. La violence du défaut de sens ouvre à une situation de guerre. Nous sommes les premiers guerriers après avoir été les derniers écrivains."

La sémantique guerrière est ici capitale. Écrire un livre au lieu d’agir ; s’enrichir, comme un Baverez ou un Zemmour, en écrivant un livre décliniste dont les droits d’auteur pourront éventuellement payer un exil dans un pays accueillant au moment où cela se gâtera ici, voilà les écueils les plus évidents. Jean-Pierre Voyer réfléchissait dans le temps à ces écrivains qui avaient connu la guerre, comme Stendhal ou Tolstoï - deux types humains pour le moins différents -, je me dis que les jeunes Français conscients du désastre (ils sont de plus en plus nombreux) et qui veulent agir par la plume ne peuvent décemment le faire que s’ils agissent aussi par la castagne - et bien sûr cela rendrait service à leur style. "France, mère des arts, des armes et des lois" : Du Bellay, au moment où la littérature française acquiert la conscience d'être française, avait bien compris que la précision artistique et le courage physique (ainsi que le goût de la justice, et qu’est-ce qu’une justice qui n’a pas la force de s’appliquer ?) étaient loin de s’exclure. 

Une dernière citation, qui ne dit rien que mes lecteurs ne sachent déjà, mais la répétition est l’âme de l’enseignement…


"Je veux dépasser la haine par le combat : la noblesse du combat, celui des idées, bien sûr, à condition qu’on puisse les exprimer, est tout ce qui reste aux peuples de l’Europe face à l’immigration massive de peuples incompatibles avec leur génie et qui vont jouer le droit contre le sang, l’idéologie contre la tradition, tout en maintenant leur propre sang comme droit absolu, en me niant comme sang."